Les 12 marins, plongeurs et scientifiques de l'expédition polaire française "Under the pole" sont rentrés samedi à Concarneau à bord de la goélette Why, après 21 mois d'exploration des abysses arctiques, le long de la côte occidentale du Groenland.
Le Why, deux mâts de 19,5 m qui avait fait une dernière escale la veille aux îles Glénans, a retrouvé, sous un soleil radieux, les remparts du XVe siècle de la cité bretonne qu'il avait quittés le 17 janvier 2014. Après un aller-retour de 20.000 km. Cette expédition a été élaborée, dirigée et menée à bien par Ghislain Bardout et sa compagne Emmanuelle Périé-Bardout qui, en 2010, avait déjà mené une campagne inédite de plongées sous la banquise arctique, immortalisée par un film aux images choc des paysages sous-marins de ce désert polaire. Les défis de cette seconde expédition dans les très hautes latitudes, avec 18 mois de navigation effective du sud au nord du Groenland, un hivernage de quatre mois dans la nuit polaire et quelque 300 plongées au programme, étaient sans précédent. « Jamais personne n'a accompli une telle mission de plongées à répétition le long de ce littoral occidental groenlandais, à toutes les profondeurs, de jour et de nuit, été comme hiver, le long des icebergs, parmi la faune et la flore arctique, la biodiversité sous-marine boréale et des températures descendant à -30°C », a témoigné Ghislain Bardout, à bord du Why.
Record du monde
Lors de l'expédition, l'explorateur sous-marin et son binôme Martin Mellet, équipés de bouteilles à recycleur (oxygène, hélium et azote) se sont offert le luxe de battre le record du monde de plongée polaire en descendant, par 78° Nord, à 112 m de profondeur dans une eau à -1,8°C. Dans ces conditions extrêmes, le maximum de profondeur précédemment atteint était, en Arctique comme en Antarctique, de -67 m. « Nous avons atteint cette profondeur progressivement et à plusieurs reprises, de jour et dans la nuit polaire, a expliqué le chef d'expédition. Pour 5 mn de descente et 10 mn au fond, nous avons dû observer 2 heures de paliers avant de retrouver la surface. C'est très douloureux et physiquement éprouvant avec une température cutanée de 0°C sur les mains et le visage ». Mais les récompenses ont été au rendez-vous.
Cette expédition a déjà donné lieu à un livre (« Immersion polaire», aux éditions Ulmer, 215 pages, 35 euros). Et un long métrage de 52 minutes, « Sous les glaces du Groenland » sera diffusé en octobre par Thalassa sur France 3.
Requins, baleines, narvals et plancton
Au menu des images ramenées par ces aventuriers des profondeurs, ces vues du requin du Groenland, un squale très rarement observé dans son milieu naturel. Mais aussi des baleines franches, des narvals, des phoques annelés, et toute la gamme des coraux, et des zoo et phytoplanctons aux formes et aux couleurs improbables de ce monde du silence glacé. La science était aussi à bord du Why avec des botanistes marins et des spécialistes de la physiologie du corps humain soumis aux grandes profondeurs et à de très basses températures. Au total, 52 personnes (plongeurs, marins, scientifiques, mécaniciens, cuisiniers), ont été embarqués par roulements à bord de la goélette tout au long de l'expédition. Là était peut-être le principal défi de cette expédition: faire vivre et travailler 12 personnes en permanence dans des conditions extrêmes et un espace très confiné.