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Et si un paquebot était soudain privé de ses moteurs au milieu de l'Arctique ? Après avoir frôlé la catastrophe maritime, la Norvège s'interroge sur la sécurité des croisières dans le Grand Nord.
Grâce à beaucoup de professionnalisme et une bonne dose de chance, les 1.373 personnes à bord du Viking Sky, navire victime d'une avarie dans des eaux déchaînées de la mer de Norvège samedi dernier, s'en sont sorties avec plus de peur que de mal. L'incident a donné lieu à une opération de sauvetage spectaculaire : un à un, près de 500 passagers ont été hélitreuillés, y compris de nuit. Le navire, qui menaçait de s'abîmer sur les côtes avec des conséquences humaines et environnementales potentiellement dramatiques, a finalement réussi au bout de 26 heures à gagner un port refuge après avoir pu redémarrer trois moteurs. Ceux-ci s'étaient sans doute éteints faute d'alimentation suffisante en huile à cause du roulis, ont annoncé les autorités maritimes mercredi.
"Quelles auraient été les conséquences si cela s'était produit au Finnmark ou près du Svalbard?", s'interrogent Ingrid Bouwer Utne et Jan Erik Vinnem dans le journal Dagens Naeringsliv (DN). Le Finnmark est le comté le plus septentrional de la Norvège continentale et le Svalbard (Spitzberg) un archipel situé à un peu plus d'un millier de kilomètres du pôle. Prisées par l'industrie de la croisière pour leur exotisme à base d'aurores boréales et d'ours blancs, ces contrées sont pauvres en moyens de sauvetage.
Alors que six hélicoptères ont pu être rapidement mobilisés pour évacuer le Viking Sky grâce à la proximité de la région avec les installations pétrolières offshore, le Svalbard ne compte que deux appareils. Idem pour le nord du pays. En 2017, le Svalbard a accueilli 30 escales de paquebots et près de 45.000 passagers, sans compter les croisières dites d'exploration avec des navires plus petits. "On a eu de la chance parce que le Viking Ship ne s'est pas échoué", confie à l'AFP Erik Joachimsen, directeur de l'association professionnelle Cruise Northern Norway & Svalbard. "Mais on ne peut pas toujours compter sur la chance".
Spécialiste des croisières d'exploration qui se veulent plus écolos que les gros paquebots carburant au fioul lourd, la compagnie Hurtigruten prône de limiter la taille des navires dans des eaux reculées et fragiles. "Les méga-paquebots remplis de milliers de passagers et de fioul lourd représentent un risque environnemental important", souligne son directeur général, Daniel Skjeldam.
Si un Code polaire élaboré par l'Organisation maritime internationale (OMI) impose déjà depuis 2017 aux armateurs un certain nombre d'exigences en matière de sécurité et d'environnement, la Norvège dit réfléchir avec d'autres pays riverains de l'Arctique à une régulation de la navigation dans la région.