En 1725, à la tête d’une expédition rassemblant des centaines d’hommes, Vitus Bering parcourt 6 000 kilomètres avant de rejoindre le rivage Pacifique. De là, il embarque sur le Saint-Gabriel direction le Nord, atteint l’île Saint-Laurent au large du pays tchouktche, pénètre le détroit qui sépare les deux continents. Mais le brouillard l’empêche de voir la terre du côté de l’Alaska. Au milieu du mois d’août 1728, il décide de faire demi-tour. S’il conclut que les deux rivages sont séparés, il ignore qu’il se trouvait à quelques milles seulement de l’Amérique, cachée dans la brume.
La seconde « grande expédition du Nord », lancée en 1733, a des objectifs scientifiques ambitieux. Cette fois-ci, Bering part de Saint-Pétersbourg avec Anna et leurs deux plus jeunes enfants. Après plus de sept années passées ensemble en Sibérie, leurs chemins divergent en 1740. Elle rentre à la capitale tandis que lui fait voile d’Okhotsk vers la péninsule du Kamchatka. Un an plus tard, les équipages embarquent sur le Saint-Paul et le Saint-Pierre, quittent la baie d’Avatcha et mettent le cap vers des terres dont ils ignorent tout. Les deux navires atteindront l’Amérique par des chemins différents. Le retour du Saint-Pierre, commandé par Bering, sera tragique.
Pourquoi est-il reparti ? Olivier Remaud explore le destin et l’âme de ce grand marin, homme de plein vent, qui devint explorateur. Entre les ressorts psychologiques d’un officier que rien n’ennuyait plus que les jeux politiques et les spéculations des savants de cabinet, la solitude d’un chef et l’ambition démesurée de ces expéditions, l’auteur balance entre portrait intime et roman d’aventure. Surtout, il interroge les moments où le capitaine décide.
Durant des années, les tribulations de cette figure du théâtre du monde sont tombées dans l’oubli. Aujourd’hui, une île, une mer, un glacier, un détroit portent son nom. Bering est né voyageur. Il a vécu en errant. Il est mort comme un étranger.
Errances, par Olivier Remaud, aux éditions Paulsen. 21€.