Des périodes d'endormissement ne dépassant pas l'heure, des températures de zéro à 40° C, un bruit supérieur à 90 décibels... Pendant plus de deux mois, les participants au Vendée Globe vont connaître des conditions difficilement imaginables pour les "terriens".
Quand on demande à Charlie Dalin de résumer les conditions à vie à bord d'Apivia, le skipper de 36 ans offre cette image amusante: "Il faut s'imaginer être sur l'autoroute, avec les quatre fenêtres ouvertes, un camion de chaque côté, avec une autoroute pas lisse mais plutôt une piste avec des nids de poule, où il fait soit zéro soit 40 degrés et avec 100% d'humidité!".
Car contrairement à ce que le béotien peut imaginer, les bateaux les plus récents n'offrent pas de meilleures conditions de vie à bord. Au contraire même. "J'ai eu l'occasion de naviguer sur des bateaux un peu d'ancienne génération, le niveau de confort n'est pas du tout le même que dans les bateaux de dernière génération comme Arkea Paprec", reconnaît son skipper Sébastien Simon.
Charlie Dalin a réalisé des mesures acoustiques lors de la Vendée-Arctique et a atteint un pic à... 93 décibels, soit une valeur située entre le bruit d'un tracteur et d'un klaxon. "J'ai tout un arsenal de solutions pour me protéger, des bouchons d'oreille sur mesure ou un casque à réduction de bruit active".
Pour le matériel à bord, l'équation reste la même: être le plus léger possible car, comme dans de nombreux sports, le poids est l'ennemi de la vitesse.
Dans un hangar du port de Concarneau (Finistère), l'ensemble de l'avitaillement pour le V&B de Maxime Sorel est déposé au sol, classé par catégorie dans des rectangles délimités par un ruban. "Il y a de la nourriture salée, sucrée, le nécessaire de toilette mais aussi les pièces mécaniques pour des réparations", explique Maxime Sorel.
Et quand le marin à la mèche blonde présente son bateau, on est frappé par l'étroitesse des lieux. Pour le sommeil, le marin dormira au sol dans une sorte de pouf à billes de polystyrène qui présente l'avantage "d'amortir les chocs et les vibrations". Pas de toilettes à bord, mais un seau et un sac vert à base d'algues pour les excréments qui se désagrégera au contact de l'eau.
Quant à la cuisine, elle est composée d'un réchaud. Avec un bateau fréquemment penché entre 15 et 30 degrés, "il est difficile de couper les oignons et tomates", sourit cet ingénieur de formation. Tout ce qu'on fait à bord "est dans la difficulté", résume Maxime Sorel, qui rappelle que moins de cent personnes ont fini le Vendée Globe, "là où 500 personnes sont allées dans l'espace".
A bord, la journée est rythmée par les manoeuvres, comme le réglage des voiles, ou l'analyse des prévisions météorologiques, essentielles pour la stratégie. Les navigateurs passent en revanche un temps infime à la barre, ayant recours au pilote automatique, comme dans l'aviation commerciale.
Et, médiatisation croissante oblige, les participants doivent satisfaire aux obligations de communication, sous peine de pénalités financières, avec l'envoi de photos et vidéos. "C'est sympa de retranscrire un peu ce qu'on fait", estime Jean le Cam, 61 ans, qui en est à sa 5e participation.
Si les marins se focalisent sur la compétition, ils savent également qu'il faut s'accorder quelques plages "d'évasion". Ainsi, nombre d'entre eux prendront de la lecture, comme Kevin Escoffier (PRB) qui se plongera dans "un roman historique" choisi par sa femme.
Mais, là où Samantha Davies avait pris douze livres en 2008, elle mettra cette fois-ci tout sur sa liseuse, dont une biographie en français de la nageuse Laure Manaudou.
Par expérience, la Britannique sait "qu'on s'habitue finalement assez rapidement à la vie seule à bord et à l'espace. Oui, il y a des choses qui manquent, la douche chaude ou le lit qui ne bouge pas... Mais on se prépare depuis tellement longtemps que lors de la course, on ne pense pas à ce qui nous manque!", sourit la navigatrice.