"Voler plus tôt, voler mieux et plus longtemps": le skipper François Gabart s'est attelé à ces règles d'or pour concevoir le tout dernier géant des mers volant (SVR Lazartigue), de la classe des Ultim. Un bateau bleu surprenant avec une plateforme quasi lisse et un cockpit dans la coque.
Il voulait une rupture ! Gabart a tranché avec un bateau dont le pont ne comporte aucun obstacle pour filer le plus vite possible à un mètre au dessus de l'eau. Le maxi-trimaran SVR Lazartigue, mis à l'eau en juillet, se lancera pour sa première grande course le 7 novembre au Havre pour la Transat Jacques Vabre.
"Ce qu'il faut retenir à l'extérieur, c'est la forme du bateau dans sa globalité. On a essayé de faire le plus droit possible, il n'y a rien qui dépasse sauf les bulles", explique le marin à l'AFP lors d'une visite guidée du multicoque, dernier-né de la classe élitiste des Ultim (32 mètres de long pour 23 mètres de large maximum).
Les "bulles" sont une autre particularité de ce bateau. Deux espaces situés de chaque côté du mât dans lequel se place la tête du marin, qui prend alors l'allure d'un pilote d'avion de chasse. Et il barre en tenant un petit volant, une autre innovation, "une première dans la course au large" selon le responsable performance de la team, Guillaume Combescure.
La vie prend place à l'intérieur de la coque centrale, une façon d'avancer les poids dans le bateau pour plus de stabilité et ainsi mieux voler grâce à ses foils (appendices latéraux).
"Notre cockpit est quasi sous le mât, pile poil juste en arrière pour une meilleure protection de l'équipage et une bonne vision du plan de voilure. Quand François tartinait avec ses records, c'était toujours au final des conditions où il cherchait à se protéger. On essayait de se cloisonner au maximum, il n'a jamais été aussi rapide et efficace que quand il se sentait protégé comme dans un petit cocon", commente Combescure.
Ce bateau a vu le jour après quelques déboires. La construction avait été lancée en janvier 2019 sous les couleurs de Macif, alors partenaire de Gabart. Mais le sponsor a choisi de mettre un terme au contrat et le marin de 38 ans basé à Concarneau s'est retrouvé avec un bateau blanc qui menaçait de lui glisser entre les mains. La période Covid n'a pas aidé mais finalement Gabart s'est associé en mai 2021 à la société Kresk qui détient entre autres les marques de cosmétiques SVR et Lazartigue et qui a racheté le bateau.
Les montants n'ont pas été dévoilés mais un Ultim flambant neuf est estimé entre 12 et 16 millions d'euros, auxquels il faut ajouter les frais de fonctionnement, soit de 2 à 4 millions d'euros par an.
Gabart, qui avait imaginé au départ un catamaran et envisagé des ailes rigides complètes, milite pour des bateaux autonomes dans le futur, sans énergie fossile, avec des éoliennes et pourquoi pas, des panneaux solaires. "Aujourd'hui on sort du port en électrique. On a passé un sacré paquet de temps à gérer ça, ça marche mais on a encore du boulot pour optimiser", relève-t-il.
Le détenteur du record du tour du monde en solitaire (42 jours 16 heures), rêve de gagner des courses, de signer de nouveaux records et de faire une course autour du monde en solo réservée aux Ultim et programmée en décembre 2023. Il compte sur sa machine volante, qui a déjà fait une pointe de vitesse à 47,7 noeuds (quasiment 90 km/h).
"On se retrouve vraiment en sustentation au dessus de la mer, on sent moins les vagues, le bateau est comme sur des amortisseurs sur tous ses plans porteurs, les accélérations sont beaucoup plus nettes. Quand le vent accélère, le bateau transforme en vitesse. Barrer des trimarans à 40 noeuds, il n'y a pas grand monde sur terre qui a cette chance", se réjouit le jeune ingénieur navigant Tom Laperche (24 ans), qui sera le co-skipper de Gabart pour la Transat Jacques Vabre.