Dans les abysses, la survie sur la brèche d'une faune spectaculaire

Par AFP/Figaronautisme.com

Jusqu'au milieu du XIXe siècle, les scientifiques pensaient qu'à partir de quelques centaines de mètres de profondeur, la vie était impossible.

"On imaginait qu'il n'y avait plus rien, à cause de l'absence de lumière, de la pression, du froid, d'un manque de nourriture", raconte à l'AFP Nadine Le Bris, professeur d'écologie marine à Sorbonne-université.

Les conditions sont effectivement extrêmes: entre 200 et 1.000 mètres, la lumière s'estompe jusqu'à disparaître complètement, et avec elles les végétaux; à 2.000 mètres, la pression est 200 fois celle de l'atmosphère.

Malgré tout, des plaines abyssales aux fosses plus profondes que la hauteur de l'Everest, "il y a une tonne de vie là-dessous", explique Karen Osborn, du muséum d'histoire naturelle du Smithsonian. Des animaux "incroyables" qui ont trouvé "des moyens extrêmes variés pour faire face aux défis de vivre là".

Camouflage

Pour les animaux entre-deux-eaux, "le principal défi est qu'il n'y a nulle part où se cacher", explique la biologiste américaine. Une immensité d'eau où il faut échapper aux prédateurs venus d'en haut, d'en bas, de partout.

Certains ont adopté le rouge, qui les rend difficiles à distinguer là où la lumière rouge ne passe plus.

Beaucoup mettent une énergie folle pour se rendre transparents, souligne Karen Osborn. Comme le ver gossamer, d'un mètre de long, "tout simplement magnifique", comme "une feuille de fougère qui fait son chemin dans l'eau". "Et ils peuvent émettre des flash bioluminiscents jaunes du bout de leurs bras!"

C'est un trait caractéristique de la vie sous-marine, des méduses aux calamars en passant par certains poissons, 80% des animaux vivant entre 200 et 1.000 mètres produisent ainsi leur propre lumière, selon l'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique.

"Neige marine" et cadavres

Autre défi majeur, se nourrir.

Ce qui vit en surface meurt, puis coule en se dégradant, formant un mélange de particules organiques de phytoplancton, de cadavres de petits organismes et déjections, appelé "neige marine".

"10% seulement de l'énergie arrive sur le fond, et va être utilisé par une multitude de petits organismes, plutôt dans le sédiment", explique Pierre-Marie Sarradin, responsable du département Ecosystèmes profonds à l'Ifremer.

D'autres profitent aussi de cette "neige marine", comme le vampire des abysses. Un céphalopode rouge ou noir d'une trentaine de centimètres qui semble tout droit sorti d'un film de science-fiction avec ses yeux gigantesques et ses huit bras reliés par des membranes qui se déploient autour de lui comme une cape.

Pour les non détritivores, c'est la loterie pour trouver krill ou calmars éparpillés dans l'immensité: "Si vous avez la chance de tomber sur votre nourriture, bingo! Mais vous n'en retrouverez peut-être pas avant trois semaines", commente Karen Osborn.

Certains ont la vie plus facile, comme ceux qui s'installent autour d'un cadavre de baleine tombé sur le fond.

Ou encore dans les "oasis" autour des sources hydrothermales, commente Pierre-Marie Sarradin. Là où les plaques océaniques s'écartent, les composés chimiques comme l'hydrogène sulfuré permettent à des microorganismes de créer de la matière organique via la chimiosynthèse, comme les végétaux en surface avec le soleil pour la photosynthèse.

Ce processus alimente un écosystème "exubérant": bancs de moules, de crevettes ou encore ce ver tubicole géant de 2 mètres, sans bouche ni anus, qui abrite à l'intérieur de lui les bactéries qui le nourrissent.

Mystères

Ces sources hydrothermales étaient totalement inconnues jusqu'aux années 1970, preuve de l'immensité encore insondée des océans.

Selon les scientifiques, il pourrait y avoir encore au moins un million d'espèces marines à découvrir, contre environ 250.000 identifiées.

Des mystères propices aux fantasmes d'un monstre sous-marin à la Jules Verne? "Je ne pense pas qu'on va trouver un mégalodon au fond", rigole Karen Osborn, en référence à l'ancêtre géant du requin.

Mais il existe bien des animaux des profondeurs géants, comme le calmar colossal qui malgré ses plus de 10 mètres n'a que très rarement été observé.

Traces des humains

Les profondeurs semblent lointaines et préservées, mais "nous voyons l'impact de l'Homme partout dans l'océan", insiste Karen Osborn.

Des microplastiques ont ainsi été trouvés dans de mini crustacés à près de 11 km de fond, dans la fosse des Mariannes.

Et "le changement climatique a déjà imprimé sa marque sur les eaux profondes, au moins dans certains bassins océaniques comme l'Atlantique Nord", assure Nadine Le Bris.

Changements de températures, acidification, extension des "zones mortes" sans oxygène, nourriture qui arrive au fond en plus faible quantité... Ces espèces, qui "vivent déjà un peu aux limites en terme d'oxygène ou de température", sont déjà "perturbées".

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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