Au cœur de l’Océan Pacifique, c’est un scénario incroyable qui nous tient en haleine depuis plusieurs jours maintenant. Après plus de trois semaines de course, près de 10 000 milles parcourus, les quatre IMOCA encore en course sur The Ocean Race se tiennent en moins de 62 milles. Il s’est écoulé 25 jours précisément depuis le départ de Cape Town et le passage du point Nemo, le point le plus éloigné de toute terre il y a 2 jours, a sonné comme un nouveau coup d’envoi d’une troisième étape intense qui ne laisse aucun répit à Kevin Escoffier et son équipage. Les conditions météo ont en effet favorisé le retour des adversaires sur Holcim-PRB qui menait la course depuis le début. Abby Ehler, à bord du monocoque bleu et vert résume parfaitement la situation : « C'est un peu comme si nous commencions une nouvelle course. Nous sommes comme des pions que l’on a ramassés, mélangés et replacés. Tout recommence, ce qui, nous le savions, allait se produire avec les systèmes météorologiques qui se sont mis en place ces derniers jours ».
Enfin sortis de la dorsale anticyclonique et de ses vents faibles qui ont mené au resserrement de la flotte, Holcim-PRB et ses concurrents ont retouché un flux plus soutenu hier et ont pu de nouveau accélérer. Ils font désormais route grâce au train de dépressions du sud qui va les mener jusqu’au Cap Horn. L’heure est à la stratégie pour les marins qui vont devoir tirer des bords vers le célèbre Cap des Tempêtes. Tout l’enjeu de cette route vers la pointe sud-américaine est de réussir à jouer avec les bascules de vent pour se placer au mieux face aux adversaires. Holcim-PRB, à l’instar du nouveau leader Team Malizia, suit une route légèrement plus nord que celle de ses concurrents 11th Hour Racing Team et Biotherm. Les deux monocoques de tête progressent tribord amure à un peu plus de 20 nœuds de moyenne et devraient rencontrer des conditions un peu plus fortes au cours de la journée.
Fatigués mais concentrés, c’est les yeux rivés sur les cartes météo que Kevin Escoffier, Abby Ehler, Sam Goodchild et Tom Laperche avancent désormais pour en finir avec l’Océan Pacifique. L’heure n’est pas au repos, ils savent que les conditions à venir vont s’intensifier. Les fichiers prévoient en effet des vents très forts à l’approche de la pointe sud de l’Amérique Latine, avec plus de 40 nœuds en rafale et des vagues énormes : « On attaque le dernier long bord de portant vers le Cap Horn, avec la dernière dépression qui va nous emmener jusqu’au passage du Horn d’ici quatre jours. On va monter progressivement dans des conditions qui ressemblent davantage au Sud, avec environ 30-35 nœuds de vent et une mer qui va atteindre les sept mètres. Des conditions solides, comme on peut s’y attendre en venant jusqu’ici. L’important maintenant reste de prendre soin du bateau, prendre soin de l’équipage et rester au contact avec les concurrents. Fast, but not furious ! » rappelle, avec sagesse, Kevin Escoffier.
Une nouvelle fois, il va falloir garder la tête froide pour trouver le juste dosage entre la pédale d’accélération et la préservation du bateau et des équipiers. Le passage du Cap Horn, troisième cap de cette étape après Bonne Espérance et Leeuwin, marquera pour les marins de Holcim-PRB la fin des conditions australes. Moment fort de cette troisième étape, il agira probablement comme une forme de libération même si la remontée vers le Brésil donnera du fil à retordre aux quatre bateaux sur le tour du monde. De nombreuses dépressions sont en effet actives le long de la côte sud-américaine et la stratégie reprendra le pas. L’enjeu sera de trouver les bons couloirs dans un système météorologique qui évolue vite. Le skipper de Holcim-PRB en est bien conscient : « On se concentrera sur la remontée vers Itajai plus tard, mais elle ne s’annonce pas simple. Même si à l’échelle de la régate, on peut avoir l’impression que l’on est sur la dernière ligne droite, c’est loin d’être le cas. Il faut rester concentré même après le passage du Horn, faire les manœuvres comme on sait les faire et naviguer comme on sait le faire. »
Premiers au passage de Bonne Espérance et au Cap Leeuwin, Kevin et l’équipage de Holcim-PRB espèrent bien évident être les premiers à parer le Cap Horn. Ce vendredi matin, Holcim-PRB pointe en 2e position au classement de 09:00 heures UTC.