Les concurrents de The Ocean Race ont quitté hier dimanche 23 avril les eaux limoneuses d’Itajaí au Brésil dans une météo habituelle du coin, avec chaleur tropicale, grains orageux et vents instables
Ce devrait être ce régime complexe au moins jusqu’à l’équateur. Les cinq concurrents font route vers Newport aux Etats-Unis, ses brumes légendaires et ses courants vicieux. Cette quatrième étape, longue de plus de 5 550 milles (10 280 kms), est assurément truffée de pièges.
Il faut espérer que les marins en charge de la navigation et de la stratégie ne souffrent pas de migraines récurrentes, et si oui, qu’ils n’ont pas oublié de prendre quelques tablettes de paracétamol et aspirine ! Car ils vont passer des centaines d’heures à se creuser les méninges devant l’ordinateur et les logiciels de routage sous une chaleur suffocante, afin de déceler la bonne trajectoire entre le Brésil et Newport, berceau de la Coupe de l’America, de ses célèbres Class J des années 30, puis des 12 MJI dans les années 80. Le menu météo est en effet copieux ! Vents erratiques en force et direction, courants contraires le long des côtes brésiliennes, effets pervers du célèbre anticyclone de Sainte-Hélène, l’île éponyme étant connue pour avoir « abrité » Napoléon lors de son exil entre 1815 et 1821. Enfin, après le Pot-au-Noir, alizés irréguliers puis fronts froids avec vents forts dépassant souvent les 30 nœuds lors de l’atterrissage sur la côte américaine… ou encore le fameux Gulf Stream, qui adore « semer le bazar » avec ses violents courants.
« Je n’ai pas de stratégie particulière en tête pour cette quatrième étape » expliquait à quelques heures du départ Kevin Escoffier, skipper de Team Holcim-PRB, leader au classement général, alors qu’il reste près de 60 % des points à attribuer avant l’arrivée du tour du monde à Gênes en Italie, fin juin. « Nous allons affronter des systèmes météorologiques variés. Notre seul objectif est de gagner le plus de points possibles sans casser le bateau ». La remontée dans l’alizé du sud-est d’abord, puis du nord après le franchissement de l’équateur, est non seulement souvent pénible et inconfortable dans des IMOCA surchauffés en « mode sauna », ces prototypes ayant désormais des cockpits fermés, mais fait souffrir carènes et gréement. Christian Dumard, météorologue de la course, confirme : « cela va être une étape compliquée avec des vents très instables en force et direction au début, des rafales sous grains, de la pluie… La flotte pourrait se diviser très tôt ».
Si les routages à ce jour donnent une arrivée à Newport autour du 8 mai, tous les scénarios sont possibles. Il n’y a pas que la météo qui varie, après la plus longue étape jamais disputée entre Cape Town et Itajaí, soit 15 000 milles parcourus sur le fond par la flotte dans les quarantièmes rugissants et les cinquantièmes hurlants. La majorité des équipages ont effectué d’importants changements, certaines et certains débarquant pour souffler un peu, mais aussi car retrouvant leurs montures en IMOCA ou Ultim. C’est le cas notamment de Justine Mettraux (11th Hour Racing Team), Anthony Marchand et Damien Seguin (Biotherm), Sam Goodchild et Tom Laperche (Holcim-PRB).
La majorité des nouvelles têtes prenant le relais ont brillé en voile olympique, mais sont aussi des habituées de The Ocean Race, à, l’image de Damian Foxall. Le marin irlandais a disputé tellement de tours du monde en course, que ce soit sur les Maxis, VOR60, VO70, VO65, IMOCA… qu’il ne compte même plus. « Je pense que ce doit être entre sept et huit… » se souvient Damian. Quand on lui demande s’il a noté sur un carnet le nombre de milles effectués en course, il rigole... « Ah non pas vraiment… Je suppose que ce doit être autour de 450 000 milles (plus de 830 000 kms)… » Désormais Sustainability Program Manager (responsable du développement durable) dans l’écurie de course américaine 11th Hour Racing Team, il a connu mieux que quiconque l’évolution de la technologie des IMOCA tournant autour du globe. « Pour The Ocean Race, nous avions deux objectifs : avoir le bateau le plus performant possible selon les règles de la jauge IMOCA, et le concevoir dans une optique durable. Il a donc fallu faire des choix, et aujourd’hui nous avons besoin d’un changement pour trouver le meilleur compromis avec les nouvelles technologies, notamment pour la construction ».
Comme prévu, la première nuit de course a été délicate avec des vents de nord-est, obligeant les cinq équipages à tirer des bords dans une dizaine de nœuds de vent, avec une route au sud-est… À ce petit jeu, Biotherm mené par Paul Meilhat, très à l’aise au louvoyage, s’est échappé dès les premières heures de course.