Fragilisée par une série de crises, la pêche française reste une force européenne, mais peine à faire face aux défis du renouvellement d'une flotte vieillissante et d'une gestion plus durable de la ressource.Une force en Europe, mais déficitaireLa France est le deuxième producteur européen de produits de la pêche, derrière l'Espagne, avec 473.000 tonnes de poissons et crustacés pêchés en 2023, en recul de 9% par rapport à 2022, après deux années consécutives de hausse, selon les données du gouvernement.Elle reste le leader européen de la production d'huîtres et occupe la deuxième place derrière l'Espagne (en volume) pour les moules. Elle se classe au troisième rang des producteurs européens pour l'aquaculture. Malgré cela, la pêche française reste minoritaire dans l'assiette des Français et les produits de la mer contribuaient en 2022 pour 5,6 milliards d'euros au déficit du commerce extérieur.Le goût des Français, qui sont les 4èmes consommateurs européens de ces produits avec 31,8 kg par habitant et par an, pèse dans la balance: au merlu ou à la sole, ils préfèrent le saumon et la crevette, deux espèces représentant plus d'un tiers des importations totales de poissons et crustacés.De vieux armements et moins de marinsLa flotte de pêche française a diminué de plus d'un quart en vingt ans, pour compter moins de 6.000 navires en 2023, avec une moyenne d'âge de trente ans. En métropole, elle est composée essentiellement de petits bateaux: plus de 80% font moins de douze mètres et une minorité (200 bateaux) est dédiée à la pêche au grand large. La pêche au chalut approvisionne la moitié de l'offre française. Elle permet de pêcher les espèces près du fond, comme le cabillaud, le merlu ou la lotte, ainsi que des espèces pélagiques - qui vivent en haute mer - comme l'anchois.Le reste des approvisionnements se fait avec des filets (raie, sole), mais aussi à la drague (coquilles Saint-Jacques), avec des casiers (crabes, homards) et à la palangre (thons).La flotte se renouvelle doucement. Selon les années, entre 60 et 70 nouveaux navires sont mis sur le marché, venant de chantiers navals français, belges ou marocains. Objectifs: réduire la facture énergétique et développer une pêche moins polluante (propulsion hybride, matériaux biosourcés...). En 2022, les navires employaient 12.300 personnes. Les marins-pêcheurs sont moins nombreux (-13% par rapport à 2012) et près de la moitié partiront en retraite dans les cinq à dix ans. Leur rémunération mensuelle varie entre 2.500 et 3.000 euros net, selon France Filière Pêche, avec de fortes variations dans l'année en fonction des espèces pêchées et de la météo.Encore trop de surpêcheEn 2022, 56% des poissons débarqués en France provenaient de populations exploitées durablement, un chiffre en légère amélioration par rapport à 2021 (54% de pêche durable), selon l'institut français de recherche Ifremer.En revanche, 20% des débarquements sont issus de populations de poissons surexploitées et 2% de populations effondrées, comme le merlu de Méditerranée ou le lieu jaune de Manche et mer du Nord.Le progrès est net depuis 2000, où seulement 18% des poissons étaient exploités durablement, mais encore loin de l'objectif de 100% fixé par la Politique commune de la pêche.Des chocs successifs durs à encaisserAprès le Brexit, la France a envoyé 90 bateaux à la casse, indemnisant les pêcheurs n'ayant pas obtenu de renouvellement des licences de pêche dans les eaux britanniques ou dont au moins 20% du chiffre d'affaires était réalisé dans ces eaux. L'inquiétude porte désormais sur les modalités techniques (types de filets, quotas) du millier de licences britanniques finalement accordées. Et Paris a protesté contre la fermeture au chalutage de fond de treize zones marines protégées britanniques en 2024.Cet hiver, la fermeture pour un mois de la pêche dans le golfe de Gascogne pour protéger les dauphins, pour la deuxième année de suite, a affecté les pêcheurs de la façade atlantique - qui ont été indemnisés -, tandis que dans l'océan Indien, la pêche thonière, dénoncée comme destructrice par des organisations non gouvernementales, bat de l'aile, plombée par les coûts du gazole et l'épuisement de la ressource.Le président Macron, qui dit vouloir faire de l'éolien en mer la première source d'énergies renouvelables en France d'ici 2050, veut consacrer 700 millions d'euros des futures recettes fiscales de l'éolien à la modernisation et à la décarbonation de la flotte et des ports.
La pêche française, un géant européen à bout de force

Par Figaronautisme.com / AFP