
Le mardi 29 avril 2025 restera une date marquante pour la Nouvelle-Calédonie. Ce jour-là, le Congrès de l’archipel a adopté cinq textes majeurs portés par Jérémie Katidjo Monnier, membre du gouvernement en charge de l’environnement. Ensemble, ils forment une avancée inédite en matière de protection environnementale et de souveraineté écologique dans le Pacifique Sud.
Un moratoire historique sur les grands fonds marins
Mesure phare de cette journée législative : le moratoire de 50 ans sur l’exploration et l’exploitation des grands fonds marins. Ce texte suspend toute activité minière dans les 1,3 million de kilomètres carrés de la zone économique exclusive de la Nouvelle-Calédonie, jusqu’en 2075. Seules les missions scientifiques non invasives seront autorisées. L’objectif est clair : laisser le temps à la recherche de mieux comprendre ces abysses largement inexplorés, riches en biodiversité et potentiellement en ressources minérales convoitées.
Alors que certaines nations insulaires comme les îles Cook ou Nauru ouvrent leurs eaux à l’industrie minière, la Nouvelle-Calédonie prend le contre-pied. « Plutôt que de céder à la logique du profit immédiat, nous avons choisi d’être pionniers dans la protection des océans », a déclaré Jérémie Katidjo Monnier. Ce moratoire se veut à la fois un acte de précaution, un message politique fort envers les multinationales, et un engagement envers les générations futures.
Des mesures ambitieuses pour l’eau, le climat et la biodiversité
Ce moratoire s’inscrit dans un ensemble plus large de réformes environnementales adoptées le même jour :
o Une loi du Pays sur l’eau, pour simplifier la gestion de cette ressource vitale, renforcer l’action publique et impliquer davantage les acteurs locaux dans la gouvernance des bassins versants.
o La création d’un Fonds de conservation de la mer de Corail, pour attirer des financements internationaux et lancer des projets concrets en faveur de la biodiversité marine.
o Une déclaration d’urgence climatique, qui formalise l’engagement du territoire dans la lutte contre le réchauffement global et institue une stratégie calédonienne du changement climatique.
o Enfin, un Fonds de résilience climatique voit le jour, afin de renforcer les capacités d’adaptation du territoire et d’accéder aux grands mécanismes financiers internationaux dédiés à la transition écologique.
Un choix politique assumé, malgré les divisions
L’ensemble de ces mesures a été largement approuvé par le Congrès, à l’exception du moratoire sur les grands fonds, qui a suscité des critiques dans les rangs des Loyalistes et du Rassemblement-LR. Ces derniers dénoncent un texte « trop rigide », avec une durée jugée « disproportionnée » et un manque d’ouverture à l’exploration encadrée. Pour eux, ce choix revient à tourner le dos à des opportunités économiques encore inexploitées.
Mais pour la majorité des élus, la priorité est ailleurs. Face à la vulnérabilité croissante des écosystèmes marins, et à l’incertitude scientifique sur les conséquences d’une exploitation industrielle des abysses, la prudence s’impose.
Un signal fort venu du Pacifique
En adoptant ce moratoire et les autres textes associés, la Nouvelle-Calédonie s’impose comme un acteur majeur de la protection environnementale à l’échelle mondiale. Elle choisit de préserver ce qu’elle ne connaît pas encore, plutôt que de risquer de l’endommager irrémédiablement.
Ce choix ambitieux, qui allie stratégie, engagement et responsabilité, marque un tournant dans la manière dont les territoires insulaires peuvent peser dans les débats internationaux sur la biodiversité et le climat.