Réchauffement climatique et tourisme, duo explosif pour la cote albanaise

Par AFP/Figaronautisme.com

De Velipoja, où les assauts des vagues réduisent comme peau de chagrin une forêt de pins centenaires, à Golem, où la bétonisation accélère l'érosion, la côte albanaise subit à la fois le réchauffement climatique et une urbanisation chaotique.

Conséquence du changement climatique, l'élévation du niveau de la mer touche la planète entière - entre 1993 à 2023, le niveau moyen des mers sur Terre s'est élevé de 10cm, selon la Nasa.

En Albanie, où le tourisme a explosé - passant de 5,9 millions de visiteurs en 2018 à plus de 10 millions en 2023, la multiplication des hôtels, des restaurants et des bars de plages pèse aussi sur la nature.

"Sur 273 de kilomètres de côtes baignées par la mer Adriatique, 154 km sont touchés par l'érosion", résume Besjana Shehu, spécialiste de la planification urbaine.

- Mort d'une île -

A Velipoja, tout au nord du pays, la mer avance de plus de cinq mètres chaque année, et s'enfonce de plus de 200m à l'intérieur de la forêt, menaçant tout un écosystème qui ne saurait vivre dans l'eau salée.

Sur la côte, les pins résistent mal à l'agressivité des flots : des dizaines de troncs d'arbres échoués gisent sur le sable, certains posés là par les tempêtes violentes des derniers jours d'avril.

Et si dans les guides touristiques et sur les cartes, figure toujours l'île François-Joseph, à l'embouchure du fleuve Buna, elle est invisible depuis 2012: elle a été avalée par la mer.

Baptisée ainsi par les cartographes autrichiens en 1870 en hommage à l'ancien empereur François-Joseph Ier, l'île a été créée par des dépôts alluviaux fertiles.

A 150 mètres de la côte, ses 19.5 hectares étaient couverts de forêts et de végétation sauvage. "Un paradis pour de nombreuses espèces d'oiseaux marins, un havre de paix pour nous aussi... totalement disparu", regrette Lule Coli, gérante d'un petit bar de plage, d'une voix étouffée.

L'île a disparu peu à peu, victime de la montée des eaux et de l'érosion. Mais la construction de barrages et des centrales hydrauliques dans la région ont été de véritables pièges à sédiments qui ont précipité sa mort, souligne Ervis Krymi,professeur de géographie.

Quelques kilomètres plus au sud, à Kune, les habitants s'inquiètent aussi. Année après année, les tempêtes marines se multiplient, et le rivage ressemble désormais à un cimetière d'arbres.

"Résultat des changements climatiques de ces dernières années, la mer est devenue très agressive, elle avance vers la terre à un rythme effréné", alerte Jak Gjini, expert de l'environnement à Lezha.

- Inondation -

Engloutis par les flots, les bunkers construits le long de la côte par la dictature communiste albanaise dans les années 1970 ont disparu. Emportant avec eux les petits bars de bord de mer tenus par des familles du coin.

La force de la mer était telle que même les sacs remplis de sable n'ont servi à rien.

"Là, avant, il y avait deux bunkers. Aujourd'hui ils sont sous l'eau. La mer s'approche et va tout nous prendre... dans 4 ou 5 ans il ne restera plus rien ici", lance d'une voix tremblante Vera Faslliaj qui gère un petit restaurant appelé "Poséidon" dans l'espoir que le Dieu grec de la mer le protège.

Les autorités albanaises affirment que la hausse du niveau de la mer pose de sévères risques d'inondation à la plupart des zones urbaines du pays.

"Au total, d'ici 2030, environ 1.082,45 km2, soit 32% de la superficie des habitats côtiers, subiront des conséquences directes d'inondation", estime l'Agence des émergences civiles.

A Golem, à 49 km au sud-ouest de Tirana, les maîtres d'hôtel s'inquiètent de l'indifférence des autorités à trouver des solutions et à interdire l'urbanisation sauvage de la côte.

"La mer ne peut pas attendre que les autorités se réveillent", s'indigne Edvin Dule, administrateur d'un hôtel.

La plage a perdu environ 70 mètres de côte ces 16 dernières années - les hôtels qui y poussent comme des champignons ont aggravé davantage l'érosion - et rétrécit les plages dont ils dépendent pour attirer les touristes.

"C'est un phénomène très inquiétant qui a des impacts directs sur l'économie et le tourisme : si nous ne pouvons pas offrir des conditions, des parasols, des chaises longues, des activités sur le sable... on réduit la qualité de notre offre, ce qui se traduit ensuite en chiffre", estime M. Dule.

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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