
Un père et son fils âgé d’une douzaine d’années, équipés de palmes, masques et tubas, nagent en longeant le bord de la côte. Ils sont tous les deux armés de courtes arbalètes sous-marines. Ils débusquent les serrans, girelles, sars et autres petits mulets. Déjà sept proies de 8 à 10 cm, capturées par surprise, sont retenues par un cordon autour des hanches du paternel. Les deux aventuriers s’imaginent déjà déguster en famille cette brochette conquise de haute lutte. Le tableau semble familier, le soleil et les rires, la fierté du bambin qui brandit un poulpe à sa mère, le père qui nettoie les prises et prépare le barbecue. Les cigales émettent le son habituel. On ouvre une bouteille de rosé. Ces deux-là ont pourtant violé plusieurs fois la loi ! Outre les amendes encourues, ils ont pêché des poissons juvéniles, n’ayant pas atteint l’âge de se reproduire, et ainsi participé au dépeuplement de la partie la plus féconde et la plus fragile de nos rivages : la zone proche de la surface. Espérons au moins qu’ils dégustent leur pêche jusqu’à la dernière arête !

Les bases de la réglementation française *
Pour un grand nombre d’estivants, la traque sous-marine d’une friture est une activité balnéaire au même titre que la pétanque, le frisbee ou la planche à voile. Un loisir souvent perçu comme libre, une sorte de cueillette aux champignons à la portée de tous. Funeste méprise... Il n’est donc pas inutile de rappeler les règles qui régissent ce sport en France.
- Par pêche sous-marine, il faut entendre la capture des animaux marins, en action de nage ou en plongée en apnée. La chasse sous-marine en plongée en bouteille est donc strictement interdite en France ! Dans l’eau, première règle fondamentale : indiquer sa position aux autres usagers de la mer ! Utiliser une bouée de signalisation (surmontée d’un pavillon rouge barré d’une diagonale blanche ou d’une croix de Saint-André) est d’une importance cruciale. La multiplication des adeptes du motonautisme représente un danger sans cesse croissant pour l’ensemble des usagers « nageurs » en milieu marin. La pratique est interdite entre le coucher et le lever du soleil. Enfin, le produit de la pêche est destiné à la consommation exclusive du pêcheur et de sa famille, et ne peut être colporté, exposé à la vente, vendu sous quelque forme que ce soit, ou acheté en connaissance de cause. À ce titre, la queue de certains poissons doit être coupée à la sortie de l’eau (loup/bar, sar, daurade royale, chapon… en somme, les plus « commercialisables »).

Ton poisson est-il assez gros ?
Comme pour la pêche à la ligne, une taille minimale de capture est fixée pour chaque espèce. En deçà, les animaux n’ont pas la possibilité d’atteindre leur maturité sexuelle, donc de se reproduire… et de renouveler les stocks de populations. La taille de chaque poisson est ainsi déterminée, comme celle des mollusques, des crustacés, des oursins. Quelques exemples, en Atlantique, Manche et mer du Nord* : rouget 15 cm, sole 24 cm, bar 42 cm, sar commun 25 cm, mulet 30 cm, oursin 4 cm (piquants exclus). En Méditerranée : loup 30 cm, sar commun 23 cm, daurade royale 23 cm etc.
La capture des crustacés, quand elle est autorisée, ne peut se faire qu’à la main, sans l’aide d’une arbalète ou d’une foëne. - Attention, certaines espèces sont protégées, comme le mérou et le corb. D’autres font l’objet de protections ciblées : par exemple, la capture de tous les crustacés est interdite en Corse ; la pêche des oursins, ormeaux, araignées est très réglementée sur tout le littoral (de prohibée à certains quotas, elle correspond souvent à des dates précises).

Il faudrait aussi énumérer l’ensemble des zones interdites (à moins de 150 m des navires et engins de pêche et des filets balisés, à proximité des fermes maritimes, des zones réservées à la baignade et à la pratique des sports de vitesse, des zones de mouillage, des zones de réserve intégrale, etc.). Faire la démarche auprès du quartier des Affaires maritimes vous permettra de prendre connaissance de l’ensemble des règles particulières à la région côtière où vous vous trouvez (interdictions locales aux niveaux des zones, tailles minimales de capture, dates de prélèvement).

Quelques conseils de prudence
Si ce sport est interdit au moins de seize ans, c’est bien sûr en raison de l’extrême dangerosité d’une arbalète sous-marine. D’une portée de quelques mètres sous l’eau, elle pourra projeter la flèche à plusieurs dizaines de mètres hors de l’eau, voire transpercer aisément un ou deux êtres humains… Hors de l’eau, un fusil sous-marin ne doit jamais être chargé. Si vous êtes confronté à une telle situation, avertissez l’irresponsable. Vous serez dans votre droit et participerez à la sécurité publique.
* Référence : Bloc Marine édition 2018