
1. Le narval, l’ivoire des mers
Le narval (Monodon monoceros), cétacé emblématique de l’Arctique, est reconnaissable à sa longue défense torsadée, qui peut atteindre trois mètres. Autrefois vendue en Europe comme une corne de licorne dotée de prétendus pouvoirs magiques, elle demeure aujourd’hui encore convoitée pour son ivoire, notamment sur le marché noir en Asie et en Russie.
Protégé par la Convention sur le commerce international des espèces menacées (CITES), le narval est principalement chassé de manière traditionnelle par les populations inuites, seules autorisées à le prélever. Cependant, le braconnage persiste, et l’espèce subit aussi les effets du changement climatique : la fonte accélérée de la banquise modifie son habitat et rend sa survie plus incertaine.2. L’ormeau, un mets rare victime de sa popularité
Petit mollusque marin aux reflets nacrés, l’ormeau (Haliotis spp.) est un met de luxe particulièrement recherché en Asie, notamment au Japon et en Chine. Certaines espèces, comme l’ormeau blanc de Californie (Haliotis sorenseni), peuvent se vendre plusieurs centaines d’euros le kilo en raison de leur rareté.
Cette forte demande a conduit à une exploitation excessive et à une raréfaction inquiétante de l’espèce. En France, l’ormeau européen est soumis à des réglementations strictes : sa pêche est limitée à quelques mois par an et se pratique uniquement à la main afin de préserver les populations. Malgré ces précautions, le braconnage reste un problème majeur, en particulier en Bretagne, où plusieurs filières illégales ont été démantelées ces dernières années.

3. La loutre de mer, une fourrure convoitée
Dotée du pelage le plus dense du règne animal – jusqu’à 155 000 poils par centimètre carré –, la loutre de mer (Enhydra lutris) a été intensément chassée pour sa fourrure entre le XVIIIe et le XIXe siècle. Cette exploitation a conduit l’espèce au bord de l’extinction, notamment en Alaska et en Russie.
En 1911, un traité international a interdit sa chasse commerciale, permettant un certain rétablissement des populations. Toutefois, l’espèce reste vulnérable. La pollution marine, les marées noires et les effets du changement climatique continuent de menacer ses habitats côtiers. Son rôle écologique est pourtant crucial : en régulant les populations d’oursins, elle contribue à la préservation des forêts sous-marines de kelp, essentielles à l’équilibre des écosystèmes marins.

4. Le totoaba, un poisson au cœur d’un trafic mortel
Peu connu du grand public, le totoaba (Totoaba macdonaldi) est un poisson endémique du golfe de Californie. Il est prisé pour sa vessie natatoire, utilisée en médecine traditionnelle chinoise et vendue à prix d’or sur le marché noir. Certains spécimens atteignent jusqu’à 50 000 dollars le kilo, alimentant un commerce illégal particulièrement destructeur.
Ce trafic a des conséquences dramatiques sur l’écosystème marin. Les filets maillants utilisés pour capturer le totoaba sont également responsables de la mort accidentelle du vaquita (Phocoena sinus), un petit marsouin dont il ne resterait qu’une poignée d’individus à l’état sauvage. Bien que des interdictions aient été mises en place et que des efforts de surveillance aient été déployés, la demande et les profits générés par cette pêche illégale continuent de mettre en péril ces espèces.

5. Le crabe royal, une ressource sous pression
Le crabe royal (Paralithodes camtschaticus), notamment le crabe royal rouge d’Alaska, est l’un des crustacés les plus recherchés au monde pour sa chair abondante et savoureuse. Sa pêche, qui se déroule dans les eaux froides de l’Alaska et de la mer de Béring, génère des millions de dollars chaque année, avec des prix pouvant dépasser 50 euros le kilo.
Introduit artificiellement en mer de Barents dans les années 1960 par l’Union soviétique, ce crustacé s’est largement répandu, devenant une espèce invasive perturbant les écosystèmes locaux. Mais en Alaska, la situation est tout autre : la surpêche et le réchauffement des eaux ont provoqué un effondrement des stocks. En 2022, pour la première fois, la saison de pêche au crabe royal a été annulée, un signal inquiétant pour cette industrie et les communautés qui en dépendent.

Qu’ils soient recherchés pour leur chair, leur fourrure, leur ivoire ou des croyances anciennes, ces animaux marins illustrent les défis de la conservation face à la demande humaine. Si des réglementations et des mesures de protection existent, elles sont souvent contournées, et le braconnage continue de menacer certaines espèces.La préservation des écosystèmes marins passe par une gestion durable des ressources, un renforcement des contrôles et une sensibilisation accrue du public aux conséquences de cette exploitation. Sans cela, certaines de ces espèces pourraient bien disparaître, victimes de leur propre valeur aux yeux des hommes.