Zheng He, l’amiral aux sept voyages : quand la Chine dominait les mers

Culture nautique
Par Figaronautisme.com

Par-delà les flots de l’océan Indien, bien avant Magellan ou Vasco de Gama, un géant sillonnait les mers sur des navires si immenses qu’ils faisaient passer les caravelles européennes pour de simples barques. Son nom ? Zheng He. Amiral, eunuque, diplomate, musulman et héros de la mer. À une époque où la Chine s’ouvrait au monde avec faste, il mena l’une des plus ambitieuses épopées maritimes de l’Histoire.

Par-delà les flots de l’océan Indien, bien avant Magellan ou Vasco de Gama, un géant sillonnait les mers sur des navires si immenses qu’ils faisaient passer les caravelles européennes pour de simples barques. Son nom ? Zheng He. Amiral, eunuque, diplomate, musulman et héros de la mer. À une époque où la Chine s’ouvrait au monde avec faste, il mena l’une des plus ambitieuses épopées maritimes de l’Histoire.

L’enfant du Yunnan devenu maître des océans
Zheng He naît en 1371 dans une province du sud-ouest de la Chine, le Yunnan. Fils d’une famille musulmane d’ascendance mongole, son destin bascule lorsqu’il est capturé enfant par les troupes de l’empereur Ming. Castré – comme tant d’autres garçons destinés au service impérial – il est envoyé à la cour de l’empereur Yongle, où il entre au service du prince Zhu Di. Ce dernier, ambitieux et avide de pouvoir, accède au trône en 1402 après un coup d’État sanglant et devient l’empereur Yongle, l’un des souverains les plus audacieux de la dynastie Ming. Zheng He devient son homme de confiance, à la fois bras droit et instrument d’une politique d’expansion et de prestige.

Une armada titanesque pour impressionner le monde
En 1405, à la demande de l’empereur, Zheng He prend la tête d’une flotte sans équivalent dans l’histoire. Plus de 300 navires, dont les légendaires "bateaux trésors" qui mesuraient jusqu’à 120 mètres de long, transportent soldats, diplomates, savants, médecins, traducteurs, mais aussi soie, porcelaine et objets d’or. L’objectif est clair : affirmer la puissance de la Chine Ming sur les mers, établir des relations diplomatiques, sécuriser les routes commerciales... et impressionner les royaumes lointains.
Durant plus de 28 ans, Zheng He mènera sept grandes expéditions, s’aventurant jusqu’aux côtes de l’Afrique de l’Est, passant par l’Indonésie, l’Inde, la péninsule arabique, Ceylan (Sri Lanka), le golfe Persique et le Kenya. À chaque escale, la flotte chinoise est accueillie avec émerveillement, crainte ou curiosité.
Premier voyage (1405–1407)
Le 11 juillet 1405, la flotte impériale quitte Nankin. C’est un départ historique : plus de 27 000 hommes embarqués sur 317 navires, une logistique à couper le souffle. Direction : l’Asie du Sud-Est, l’Inde, puis Ceylan (Sri Lanka).
À Java, Sumatra, puis à Calicut, Zheng He tisse les premiers liens diplomatiques. Il y distribue soie, porcelaine, et autres trésors impériaux, tout en recevant des produits locaux et des ambassades venues reconnaître la puissance chinoise. Ceylan, en revanche, résiste. L’amiral capture son roi hostile et le ramène à la cour de Chine – un message clair : la grandeur impériale ne souffre aucune opposition.
Deuxième voyage (1407–1409)
Ce second périple est plus court et plus ciblé. Il s’agit de consolider les alliances établies, renforcer l’influence chinoise sur les détroits stratégiques et sécuriser les routes commerciales. Zheng He continue d’installer des relais diplomatiques, tout en éliminant les pirates qui menacent les voies maritimes en mer de Chine et autour de Malacca.
Troisième voyage (1409–1411)
Cette fois, Zheng He retourne à Ceylan avec une mission claire : mettre un terme à l’insoumission du roi Alakeshvara, qui continue de défier l’autorité chinoise. Une campagne militaire éclate. L’amiral sort vainqueur, capture le roi et impose un souverain plus favorable à la Chine. Cet épisode prouve que les expéditions ne sont pas que pacifiques : elles ont aussi une visée stratégique et militaire.

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Quatrième voyage (1413–1415)
C’est le grand saut : la flotte atteint pour la première fois la péninsule arabique. En passant par l’Inde, Zheng He accoste à Ormuz (Iran), centre névralgique du commerce entre l’Orient et l’Occident. Il pousse jusqu’à Aden (Yémen), et peut-être jusqu’à La Mecque – bien que les historiens débattent encore sur ce point.
Il ramène à la cour des animaux exotiques, dont une girafe offerte par le royaume de Malindi (actuel Kenya). À Pékin, l’animal suscite l’étonnement. Il est vu comme un qilin, créature mythologique chinoise symbole de paix. Le monde entier semble à portée de la Chine.
Cinquième voyage (1417–1419)
Zheng He retourne sur les côtes africaines, sans doute jusqu’au sultanat de Mogadiscio (Somalie) et au royaume de Malindi. Il approfondit les liens avec les royaumes arabes et africains, tout en renforçant le rôle de la Chine comme centre du monde commercial. Ce voyage témoigne d’une chose : l’empire Ming ne se contente plus de rayonner, il veut régner sur les échanges globaux.
Sixième voyage (1421–1422)
L’empereur Yongle est à l’apogée de son règne, et Zheng He, au sommet de sa carrière. La sixième expédition sert à maintenir les relations tributaires avec les nations visitées. Le voyage couvre une multitude de ports entre l’Asie du Sud-Est et l’Afrique de l’Est. Mais en coulisses, des tensions montent : la mort de l’empereur approche, et ses successeurs ne partagent pas la même passion pour la mer.
Septième voyage (1431–1433)
Après une longue pause imposée par les bouleversements politiques à la cour, Zheng He reprend la mer. Il a plus de 60 ans, mais son ambition reste intacte. Ce voyage est un chant du cygne, une ultime tentative de rallumer la flamme des relations internationales, alors que la Chine commence à se refermer sur elle-même.
Il revisite les anciennes escales, reçoit encore des hommages, et meurt en mer, sans doute au large de Calicut ou dans l’océan Indien. Selon la tradition, son corps aurait été immergé selon les rites maritimes musulmans. Son navire, immense et silencieux, poursuit alors sa route, comme un fantôme majestueux glissant vers l’horizon.

Un explorateur... et un messager impérial
Zheng He n’est pas un conquérant. Contrairement aux explorateurs européens qui suivront un siècle plus tard, il n’érige ni colonie, ni empire. Il vient en représentant, en ambassadeur de l’empereur, apportant des présents, signant des traités, mais laissant derrière lui une image de grandeur pacifique – du moins dans la plupart des cas. Certaines résistances locales seront matées par la force, comme à Sumatra ou à Ceylan, preuve que cette diplomatie reposait aussi sur le prestige militaire.
Ses voyages sont autant politiques que symboliques. Ils répondent à une volonté de rayonnement : le monde devait savoir que la Chine était au sommet de sa puissance, capable d'envoyer des flottes colossales jusqu'aux confins des mers connues. Il s’agissait aussi de rétablir le tribut des royaumes étrangers, cette forme ancienne de diplomatie où les autres nations reconnaissaient la supériorité de l’empire du Milieu en échange de faveurs commerciales.

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Le chant du cygne de la Chine maritime
La mort de l’empereur Yongle en 1424 marque le début du crépuscule pour Zheng He. Ses derniers voyages se déroulent dans un climat politique moins favorable. Le nouvel empereur, plus soucieux de défendre les frontières terrestres que de dominer les mers, restreint progressivement les expéditions. Zheng He meurt en mer, probablement en 1433, lors de sa septième et dernière mission. Son tombeau symbolique se trouve à Nankin, mais son corps repose quelque part dans l’océan, éternellement lié à son royaume liquide.
Peu après sa disparition, les chantiers navals ferment, les cartes sont brûlées, les voyages interdits. La Chine se referme sur elle-même, abandonnant sa suprématie maritime pendant que l’Europe, elle, s’apprête à prendre le relais des grandes explorations.

Zheng He, l’héritage d’un géant oublié
Pendant des siècles, Zheng He fut oublié ou ignoré dans les manuels d’histoire, éclipsé par les conquistadors européens. Pourtant, il fut un pionnier, un maître de la navigation avant l’heure, un diplomate des mers et le symbole d’une Chine ouverte, ambitieuse, tournée vers l’extérieur.
Aujourd’hui, il est redécouvert comme une figure nationale en Chine, honoré par des statues, des musées, et même des navires militaires qui portent son nom. Son histoire, aussi fascinante que méconnue, rappelle que les routes de l’exploration n’ont pas été tracées par l’Europe seule – et qu’au XVe siècle, l’homme le plus puissant sur les océans ne parlait pas portugais ou castillan, mais chinois.

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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