À la rencontre des pêcheurs Vezo de Madagascar

La mer, coeur battant du peuple Vezo
Dans les villages de la côte, tout commence au lever du jour. Les silhouettes des pirogues lakanas se détachent à contre-jour alors que les pêcheurs s’élancent à la voile ou à la pagaie, dans un silence à peine troublé par les clapotis de l’eau. Ici, on apprend dès l’enfance à lire les moindres frémissements de l’océan, à interpréter les signes du vent et la danse des oiseaux marins.
Être Vezo n’est pas une question d’origine, mais de savoir-faire. Dans les communautés de Morombe, de Belo-sur-Mer ou d'Andavadoaka, cette définition est souvent répétée avec fierté : savoir naviguer, savoir pêcher, voilà ce qui compte. Comme le confiait Tovo, un pêcheur croisé à Salary Bay : « Ce n’est pas ta naissance qui fait de toi un Vezo, c’est ta capacité à comprendre la mer. »
Selon l'organisation Blue Ventures, près de 80 % de la subsistance des Vezo dépend directement de la mer. Dans un environnement marqué par la sécheresse et l’isolement, la pêche est plus qu’une activité : c’est une nécessité vitale et un héritage spirituel.
L’art de naviguer à bord des lakanas
Le coeur de la vie Vezo bat au rythme de la lakana, la pirogue traditionnelle taillée dans le bois local. D’une élégance rustique, ces embarcations effilées sont parfois équipées d’une voile latine, qui permet de glisser sans bruit sur les vastes lagons protégés par la barrière de corail.
Chaque pirogue est façonnée avec soin par les charpentiers locaux, en utilisant des outils simples et un savoir-faire transmis de père en fils. Pas de moteur, pas d’instruments modernes : la pagaie, la voile, et l’instinct suffisent. Les techniques de pêche varient selon les saisons et les marées : filets maillant, lignes à main, harponnage à la nage. En pleine saison, il n’est pas rare de voir les pirogues s’éloigner jusqu’à dix kilomètres des côtes, naviguant à vue.
Mamy, un pêcheur de 34 ans rencontré près de Tuléar, racontait : « Quand tu es en mer, tu dois écouter l’eau. C’est elle qui te parle : elle te dit où aller, quand attendre, quand rentrer. » Une sagesse pratique affinée jour après jour, loin de toute technologie.
Une culture en péril face aux défis contemporains
Pourtant, l'équilibre de cette vie maritime est aujourd’hui gravement menacé. La raréfaction des ressources halieutiques pèse de plus en plus lourdement. Selon un rapport du WWF Madagascar, les stocks de poissons dans certaines zones du canal du Mozambique ont diminué de 30 à 50 % en dix ans. Les causes sont multiples : surpêche industrielle, changement climatique, destruction des habitats côtiers.
Sur le terrain, les conséquences sont immédiates. De nombreux pêcheurs doivent aujourd’hui parcourir de plus grandes distances, pour des prises plus maigres. Certains jours, après des heures passées en mer, la pirogue revient presque vide. Les jeunes, confrontés à cet avenir incertain, quittent parfois les villages pour chercher du travail dans les villes, au prix d’un déracinement douloureux.
Mais la résistance s’organise. Plusieurs communautés Vezo ont initié la création d’Aires Marines Gérées Localement (Locally Managed Marine Areas, ou LMMA), où la pêche est temporairement interdite pour permettre la reconstitution des stocks. Ces initiatives, portées par les pêcheurs eux-mêmes, ont montré leur efficacité : dans certains villages, les prises de poulpes et de poissons se sont améliorées significativement après quelques années de gestion communautaire.
Une leçon d’humilité pour les marins du monde entier
Pour les passionnés de voile et de navigation traditionnelle, passer du temps auprès des Vezo est une expérience marquante. Sur ces pirogues sans moteur, sans électronique, chaque décision est guidée par l’expérience sensorielle et le dialogue silencieux avec les éléments.
De plus en plus de voyageurs viennent aujourd’hui partager quelques jours avec ces pêcheurs, apprenant à pagayer à contre-courant, à lever une voile improvisée, à interpréter la couleur des vagues. À Anakao ou Ifaty, quelques initiatives locales permettent d’embarquer pour des sorties de pêche traditionnelle, sous réserve de respecter les usages et la discrétion exigée par les communautés.
Tsiory, un jeune pêcheur de Morondava, le résume avec une simplicité désarmante : « Ici, si tu veux naviguer, tu n’as besoin que du vent, d’un peu de courage et de beaucoup de respect pour la mer. »
Alors que les océans subissent une pression croissante, le mode de vie des Vezo apparaît à la fois fragile et précieux. Plus qu'un témoignage d’un passé en sursis, il offre une vision possible d’une relation plus humble et durable à l’océan.
Préserver la culture Vezo, c’est défendre une autre façon de penser la mer : non pas comme une ressource infinie, mais comme un partenaire dont il faut écouter les humeurs, respecter les rythmes, et chérir la générosité. Dans un monde de plus en plus avide de vitesse et de rendement, leur sagesse invite à ralentir, à observer, et à naviguer avec gratitude.
Et avant de partir, pensez à consulter les prévisions météo sur La Chaîne Météo Voyage et à télécharger l'application mobile gratuite Bloc Marine.