
Une invention née d’un pari
Le barefoot aurait vu le jour en Floride, dans les eaux chaudes du lac Silver, à la suite d’un pari un peu fou lancé entre passionnés de ski nautique. C’est en 1947 qu’A.G. "Banana George" Blair - un personnage emblématique au sourire perpétuel et aux combinaisons jaunes - entre dans l’histoire de la discipline en réussissant à glisser sur l’eau sans skis. D’autres pionniers, comme Dick Pope Jr., ont contribué à faire connaître cette variante marginale du ski nautique.
L’idée de skier pieds nus peut sembler absurde. Pourtant, à partir d’une certaine vitesse, la tension de surface de l’eau devient suffisante pour supporter le poids d’un corps humain. C’est ce principe physique qui rend le barefoot possible. Mais contrairement à ce que la simplicité de l’équipement pourrait laisser penser, il ne s’agit pas d’un sport accessible à tous au premier essai.
Une discipline technique et physique
Pour glisser sans skis, il faut de la vitesse - beaucoup de vitesse. Le seuil minimal pour sortir de l’eau en barefoot se situe entre 65 et 70 km/h, soit une allure bien supérieure à celle pratiquée en ski nautique classique. Cette vitesse élevée permet à la plante des pieds de rester en contact avec l’eau sans s’y enfoncer, mais elle exige également une concentration maximale et une maîtrise du corps.
Il existe plusieurs techniques pour commencer une session. Le départ "deep water", très courant, consiste à s’allonger sur le dos, les pieds pointés vers l’avant, puis à se redresser progressivement en prenant appui sur les talons dès que la vitesse est suffisante. Le départ assis depuis un ponton ou une plateforme est aussi utilisé, notamment pour les débutants. Certains choisissent un départ sur une petite planche, la "barefoot boom", avant de retirer les pieds et continuer la glisse seuls. Dans tous les cas, la transition vers la posture pieds nus est un moment clé qui demande une coordination précise.
L’effort physique est intense. Les jambes, les abdominaux et les muscles du dos sont sollicités en permanence. L’équilibre est précaire, et les chutes peuvent être violentes, en particulier à ces vitesses. Pour cette raison, les pratiquants portent souvent un gilet renforcé, parfois un casque, et adoptent une combinaison épaisse pour amortir les impacts.

Un répertoire de figures en constante évolution
Au-delà de la simple glisse, le barefoot permet l’exécution de figures spectaculaires. Les pratiquants les plus expérimentés réalisent des sauts, des rotations, des glisses sur le dos ou sur le ventre, des départs à reculons, ou encore des enchaînements synchronisés à plusieurs. Ces figures font l’objet de compétitions spécifiques, jugées selon leur complexité technique, leur exécution et la fluidité de l’ensemble.
Le "tumble turn", où le skieur fait une rotation complète sur lui-même tout en continuant à glisser, ou encore le "one-foot", glisse sur un seul pied, font partie des figures emblématiques. L’apprentissage se fait généralement par étapes, en progressant d’abord vers la stabilité, puis vers des gestes plus complexes, souvent encadré par des moniteurs spécialisés.
Une scène mondiale discrète mais active
Le barefoot reste un sport de niche, bien moins connu que le wakeboard ou le ski nautique classique. Pourtant, il dispose de sa propre fédération, de règles codifiées et d’un circuit de compétitions internationales. La Fédération internationale de ski nautique et de wakeboard (IWWF) organise régulièrement des championnats du monde de barefoot, qui rassemblent des athlètes venus des États-Unis, d’Australie, de Nouvelle-Zélande, d’Afrique du Sud ou encore d’Europe.
En France, la discipline est marginale, mais elle existe. Quelques clubs spécialisés - souvent rattachés à des écoles de ski nautique - proposent des initiations ou des stages avancés. La communauté se retrouve autour d’événements ponctuels, souvent organisés par des passionnés, où l’on échange conseils, techniques et anecdotes.
Le matériel est réduit au strict minimum : une corde, un bateau suffisamment puissant pour atteindre les vitesses requises, et une surface d’eau la plus calme possible. Ce minimalisme contribue aussi à l’esprit particulier du barefoot, souvent décrit par ses pratiquants comme un retour à l’essence même de la glisse.
Où pratiquer le barefoot ?
Les sites propices à la pratique du barefoot sont avant tout des plans d’eau calmes et peu fréquentés, à l’abri du vent et du clapot. Les lacs et certaines rivières sont particulièrement adaptés, à condition d’être autorisés pour la navigation à moteur. Parmi les régions françaises où le barefoot est pratiqué, on peut citer les lacs de l’Ain, les berges de la Saône, ou encore certains sites en Occitanie et en région PACA.
Le choix du bateau est également crucial : les moteurs in-board sont préférés pour leur puissance et la position de leur hélice, plus sûre pour le skieur. Certains modèles sont spécialement conçus pour la pratique du barefoot, avec une coque qui limite les vagues et améliore la stabilité de la glisse.

Une sensation de glisse unique
Ce qui distingue le barefoot d’autres disciplines nautiques, c’est le contact direct avec l’élément liquide. Sans équipement entre le corps et l’eau, les sensations sont démultipliées. Chaque variation de surface, chaque remous, se ressent immédiatement. C’est cette proximité physique et sensorielle qui séduit les amateurs de barefoot, au-delà du défi sportif.
Le corps en tension, les pieds martelant la surface de l’eau à grande vitesse, le souffle du vent, et ce sentiment de défier brièvement les lois de la physique : le barefoot procure une expérience intense, à la fois physique et sensorielle, qui explique l’engagement de ceux qui s’y consacrent.
Une discipline à découvrir, entre rigueur et passion
Longtemps perçu comme une curiosité, le barefoot s’impose comme un sport à part entière, avec ses figures, ses codes et ses adeptes. Derrière son apparente simplicité - glisser sur l’eau pieds nus - se cache une discipline complète, exigeante, et profondément gratifiante pour ceux qui s’y investissent. Bien encadrée, elle peut s’ouvrir à un public plus large, en quête de sensations nouvelles et de défis personnels.
À l’heure où les sports nautiques se diversifient, entre wakefoil, ski de vague ou stand-up paddle, le barefoot rappelle que la performance et le plaisir de la glisse peuvent se conjuguer avec sobriété. Une corde, un bateau, un plan d’eau : parfois, il suffit de peu pour vivre l’intensité d’une discipline à fleur d’eau.
Avant de monter sur votre planche (ou plutôt sur vos pieds), pensez à consulter les prévisions sur METEO CONSULT Marine et à télécharger l'application mobile gratuite Bloc Marine.