
Figaro Nautisme : Comment se spécialise-t-on dans la vente exclusive de multicoques de plus de 50 pieds ? Pourquoi seulement les catamarans et les trimarans ?
Catherine Relandeau : Le bateau a toujours eu une grande importance dans notre famille. Mon père naviguait et régatait sur le Rhône lorsque j’étais toute petite - et ce n’est pas un plan d’eau facile avec ses courants sournois ! Nous nous sommes installés aux Sables d’Olonne lorsque j’avais 7 ans et nous possédions un petit voilier, un Saphire de 8,50 m. Déjà à cette époque je rêvais de travailler dans le nautisme et je dessinais des bateaux sur mes cahiers... J’ai commencé ma carrière avec Annette Roux chez BENETEAU à Saint Gilles. A l’époque, le chantier ne produisait que des bateaux conventionnels, des monocoques.
Un jour, un de mes amis me propose une sortie en mer sur un Casamance 44, un catamaran construit chez Fountaine-Pajot. Je ne connaissais pas le multicoque de croisière... Cette sortie m’a impressionnée : un petit garçon était à bord et ne portait ni gilet ni harnais. C’était tout simplement confortable et tellement ludique. Au même moment, Philippe Jeantot m’a contactée pour rejoindre le chantier Jeantot Marine qui construisait des catamarans de croisière, les fameux Privilège, aux Sables. Les premiers clients étrangers arrivaient et il manquait cruellement d’un interlocuteur capable de communiquer en anglais et en allemand.
J’ai rejoint l’aventure Jeantot Marine en 1985... Et j’y suis restée jusqu’en 2009 lorsque j’ai créé CathYacht. La vision du chantier alors divergeait sensiblement de ce que j’imaginais pour le marché de l’époque. Avec CathYacht, je souhaitais pouvoir répondre aux demandes spécifiques des propriétaires que je connaissais bien : être à leur écoute, les accompagner de A à Z, gérer les problèmes, en passant par toutes les étapes du processus d’acquisition. En un mot : les cocooner ! Et c’est un rôle que je maîtrisais parfaitement bien il y a une quinzaine d’années : les 50’ minimum ! Et aujourd’hui, la logique voudrait que je propose mes services à partir de 60 pieds, compte tenu de l’évolution du marché toujours à la hausse !
Figaro Nautisme : Quel est le rôle exact d’un courtier dans l’achat et la vente d’un bateau d’occasion ?
Catherine Relandeau : Le rôle essentiel du courtier est le conseil. Que vous soyez acheteur ou vendeur, le courtier doit vous orienter pour trouver le juste prix - pour vendre ou pour acheter et surtout défendre vos intérêts avant toute chose. Un bon courtier connait parfaitement son marché. Il ne doit pas être là exclusivement pour « rentrer des mandats ». Dans mon cas, je connais le prix des catamarans de croisière, ceux qui ont été vendus dernièrement et à quels prix. Je peux donc être un atout majeur pour permettre de bien positionner le multicoque sur le marché et optimiser au mieux sa commercialisation... Cette analyse fine de la réalité des transactions, la bonne connaissance des bateaux récents ou plus anciens, des possibilités de refit ou des prestataires capables de le prendre en charge et à quel coût : le rôle d’un courtier est complexe et multiple. L’accompagnement consiste également à réfléchir sur les problématiques de financement ou de pavillonnage selon les spécificités propres à chacun. Et bien entendu, nous garantissons notre action avec une assurance responsabilité civile et un compte séquestre pour sécuriser les transactions et entretenons des liens étroits avec des avocats spécialisés pour les ventes les plus complexes...
Aujourd’hui, ce métier n’est pas du tout encadré et c’est parfois un problème car cette profession demande de vraies compétences, et certains nouveaux acteurs sur le marché mériteraient une vraie formation. Je milite, notamment auprès de la Fédération des Industries Nautiques, pour que la profession de courtier ne soit ouverte qu’après validation d’un certain nombre d’acquis, et qu’une licence soit nécessaire pour se lancer dans cette activité. Un peu comme dans l’immobilier !
Figaro Nautisme : Vous travaillez dans l’industrie nautique et particulièrement dans celle du catamaran de croisière depuis longtemps. Comment qualifieriez-vous l’évolution de ce segment de l’industrie nautique ?
Catherine Relandeau : Au début des années (19)90, l’argument majeur des chantiers et des architectes était le ratio entre la longueur, le poids et la surface de voile. Aujourd’hui, on va plutôt parler de la surface habitable et du design des aménagements. Il faut avoir conscience qu’entre un catamaran de 50 pieds de cette époque et ceux d’aujourd’hui, il n’y a guère que la longueur de coque qui est comparable... En gagnant en volume et en confort, les catamarans ont un peu perdu de leur côté ludique, de leur facilité d’utilisation et parfois des plaisirs sous voiles... Mais il faut reconnaître que naviguer sur les bateaux modernes offre des possibilités incroyables de connections avec le monde extérieur et de confort, « mieux qu’à la maison ». L’aspect écologique prend aussi de plus en plus de place, avec des constructeurs - comme Windelo, Sunreef et d’autres par exemple - qui font vraiment de gros efforts et qui sont suivis par de plus en plus de propriétaires concernés par ces problématiques.
Figaro Nautisme : Et comment voyez-vous l’évolution des catamarans et trimarans de croisière dans les années à venir ? Quelle est la demande des acheteurs ?
Catherine Relandeau : En ce qui concerne le marché de l’occasion, nous restons face à deux types d’acheteurs : ceux qui recherchent des unités récentes et en très bon état. Ils souhaitent avoir un bateau rapidement et un peu moins cher que le prix du neuf. Et ceux qui sont prêts à se lancer dans l’achat d’un bateau plus ancien et s’offrir un refit et une mise à niveau complets. Ces acheteurs sont de plus en plus nombreux et les chantiers de refit sont débordés.
Je ne vois pas la tendance à l’inflation des tailles continuer encore très longtemps. Les catamarans de série de 100 ou 110 pieds resteront marginaux. Dans ces tailles, je pense que les propriétaires préfèrent se lancer dans des constructions one-off. Et nous sommes confrontés à un vrai problème de place de port, qui ne fait que s’aggraver.
Je constate aussi un accroissement des propriétaires qui revendent leurs très grands bateaux pour repasser à des unités plus « petites » pour ne plus être obligés de gérer un équipage complet...
Figaro Nautisme : CathYacht en chiffres ?
Catherine Relandeau : Depuis la création de CathYacht International en 2009, ce sont 90 multicoques vendus pour une valeur de pratiquement 100 millions d’euros... La taille moyenne de ces bateaux est de 60 pieds, ce qui est plutôt incroyable quand on sait qu’il y a 15 ans les 60’et plus étaient plus marginaux. Les acheteurs proviennent pour un quart de France, un quart d’Europe et un quart des Etats-Unis. Le dernier quart venant du reste du monde...
Figaro Nautisme : Dernière question : votre dernière navigation et la prochaine ?
Catherine Relandeau : Je navigue principalement sur les multicoques que je vends avec mes clients. Il est indispensable de bien les connaître pour bien les vendre. Ma dernière navigation était sur un Exclusive 76 en Angleterre et la prochaine est déjà prévue à Porto-Rico sur un Silhouette 76 en juillet prochain.