
L'acteur François Cluzet s'est glissé dans la peau d'un concurrent du Vendée Globe pour le film En Solitaire, sorti ce mercredi. Et l'équipe du film n’a pas choisi la facilité puisqu'elle a tourné en marge du départ du Vendée Globe 2012, sous le regard attentif de loups de mer expérimentés.
40 jours de tournage à 18 sur un bateau prévu pour la navigation en solitaire, dans des vagues formées choisies pour retrouver les sensations du Grand Sud… L’équipe a vécu un sacré baptême nautique. « Au bout de trois jours de mal de mer, il y a eu un moment de flottement », concède le producteur, Jean Cottin. Mais l’objectif du projet était clair : aucune image tournée en studio. Au risque de provoquer de belles frayeurs à l’acteur principal, François Cluzet, qui a grimpé en haut du mât et couru à la proue sans gilet de sauvetage. « Je ne voulais pas passer pour un touriste, se justifie-t-il. Mais je ne suis pas sûr de le refaire un jour ! »
Un loup de mer crédible
« François Cluzet est crédible mais il jure beaucoup, non ? » remarque Tanguy de Lamotte. L’acteur a choisi de camper un personnage rugueux, cheveux en bataille et sourires économes. Il est très loin des skippers de la génération de Tanguy de Lamotte ou François Gabart. Peut-être peut-on davantage le rapprocher de Jean Le Cam, skipper de Synerciel ? Ou plutôt du regretté Eric Tabarly, héros d’enfance de François Cluzet ? « Nous avons choisi de camper un loup de mer car nous pensions qu’il correspondait plus à l’image du marin dans l’imaginaire collectif, explique François Cluzet. Et j’ai gardé la barbe car cela facilitait les raccords ! » Au final, François Cluzet campe un marin si crédible que l’expérimenté Jean Le Cam lui a proposé de partir sur une course autour du monde en double, la prochaine Barcelona World Race. « Si j’avais le temps, je n’hésiterais pas ! », s’amuse l’acteur, pressé de remonter sur un voilier pour voir ce qu’il a retenu de ce tournage salé.
Le film vise le 20/20 en technique
« En Solitaire, c’est d’abord un objet de cinéma, rappelle le producteur, Jean Cottin. Certains trouveront des raccourcis, des partis pris… Mais il faut s’attendre à cela dans tout projet artistique. » Les précautions sont prises. Mais dans le même temps, l’équipe du film a tout fait pour restituer l’ambiance de la compétition. Verdict ? « Nous n’avons pas la même facilité que lui pour nous connecter à Internet ! s’amuse Alessandro di Benedetto. Mais les détails sont exacts. Ainsi, lorsque François Cluzet sort du cockpit, il regarde tout de suite la télécommande du pilote. Comme nous. On sent que l’équipe s’est vraiment imprégnée de l’ambiance. » Avant le tournage, François Cluzet a navigué avec Armel Le Cleac’h, deuxième du dernier Vendée Globe. Puis à bord, l’acteur pouvait compter sur Alex Pella, actuellement en attente pour la Transat Jacques Vabre au Havre. Au final, les concurrents du dernier Vendée Globe n’ont relevé aucune erreur technique, si ce n’est un peu trop de passages au winch, ce moulin à café que le marin tourne pour actionner les voiles. « C’est le geste le plus compréhensible pour un spectateur qui ne connaît pas la voile, justifie Jean Cottin. Nous nous en sommes servis pour montrer que le héros restait concentré sur l’action malgré tout. » Il faut dire que le personnage doit gérer un passager clandestin dont la seule présence risque de le disqualifier. Côté technique toujours, Michel Desjoyeaux a apprécié les caméras en mouvement, loin des plans fixes que les marins envoient en course. « Cela restitue vraiment l’ambiance du bord », assure-t-il. Peut-être une amélioration à envisager pour la prochaine édition du Vendée Globe ?
Un scénario étonnant mais probable
« Après, je ne suis pas très bien placé pour juger de l’intrigue mais il n’y a que des choses probables, poursuit Michel Desjoyeaux. Le film ne peut que faire comprendre notre quotidien en mer. » L’expérimenté marin a vu le film deux fois en se laissant porter par l’intrigue et sans s’arrêter sur des détails. Il a même versé une petite larme à la fin de la première projection. Pourtant, le quotidien du marin à l’écran est fortement perturbé par la présence d’un jeune garçon clandestin. « Ce personnage est monté alors que le bateau était à l’arrêt dans une baie donc c’est une situation vraisemblable, juge Denis Horeau, directeur de course du Vendée Globe. Mais cela reste du cinéma ! » Et ce remplacement à la dernière minute, lorsque le héros prend la place de son beau-frère, blessé ? « Je suis très content que cette notion ait été abordée, nous explique le directeur de course. C’est une question très contemporaine, qui s’est posée lors de la crise d’appendicite d’Alex Thomson, sur la Barcelona World Race 2010. » Lors du dernier Vendée Globe, 1/3 des concurrents avaient un joker, à l’image d’Armel le Cleac’h qui pouvait compter sur Christopher Pratt en cas de gros pépin. « C’est très nouveau comme dispositif car auparavant, on n’imaginait même pas qu’un marin ne prenne pas la mer, précise Denis Horeau. Désormais, le remplacement est inscrit noir sur blanc dans nos textes. » Et pour la scène d'arrivée de ce Vendée Globe fictif, l’équipe de tournage a profité de la foule du départ aux Sables d’Olonne. « Cela rappelle forcément des souvenirs ! réagit Alessandro di Benedetto. Même si à bord, on ne réalise pas forcément l’ampleur de la foule. » Et si la ligne d’arrivée a été raccourcie d’une centaine de mètres pour les besoins du scénario, cela ne devrait pas perturber les spectateurs portés par l’émotion.