
Le skipper français navigue depuis 2009 avec sa famille d’un pôle à l’autre sur la route des pionniers. Sa femme, Géraldine Danon, relate leurs aventures extrêmes dans un carnet de bord en ligne et des livres.
En quatre ans, ils ont fait le tour du monde en empruntant les chemins les plus difficiles… les plus paradisiaques aussi. Philippe Poupon, triple vainqueur de la Solitaire du Figaro, a quitté la casquette de navigateur en solo pour partager ses qualités de marin avec sa famille : sa femme, l’actrice Géraldine Danon, leurs enfants Laura et Marion (2 ans et 1 an au moment du départ en 2009), Loup (9 ans) et Nina (12 ans), ainsi que le chien, Beti. Si dans le quotidien de ce petit monde, les dimanches près du feu de cheminée sont rares, les regards fixés sur l’horizon pour détecter la terre, les baignades en eaux turquoises près d’îles vierges et les accostages sur la banquise pour saluer les manchots sont, eux, monnaie courante.
Depuis que la famille Poupon est partie de La Rochelle sur un voilier de 20 mètres au joli nom de Fleur Australe, leur expédition du même nom s’est déroulée en trois temps. La première étape étant la traversée du Pôle Nord par le passage du Nord-Ouest, voie bien souvent fermée par les glaces mais qui permet de relier l’Atlantique au Pacifique par la Mer de Beaufort. Un pari réussi en sept mois, sur les traces de l’explorateur norvégien Roald Amundsen, qui a ouvert le premier ce passage en 1905.
De Bora Bora à l’Ile Pierre Ier en Antarctique
Pour leur second voyage, ils ont navigué de Sand Point en Alaska à Tahiti en passant par San Francisco, les Iles Marquises, Bora Bora et Tuamotu, sur les traces de Thomas Cook et Bernard Moitessier. Enfin, pour le troisième volet de cette saga familiale autour du globe, les Poupon ont visé grand, démesuré même : aller le plus au sud possible du globe. Là encore, pari réussi. Après un départ de Tahiti puis une descente par l’Australie et la Nouvelle-Zélande, ils ont rejoint l’Antarctique pour accomplir l’inespéré : poser les pieds sur l’Ile Pierre Ier, une île volcanique quasiment inaccessible, la première terre découverte à l’intérieur du cercle polaire par le Russe Bellingshausen en 1821. Géraldine Danon, qui relate leurs aventures dans un carnet de bord sur internet et plusieurs livres (1), écrit ce jour-là :
« 22 janvier 2012. Après 24 jours de traversée, entre tempêtes et icebergs, nous apercevons l’île Pierre-Ier grâce à un furtif rayon de soleil. (…) La mer est recouverte de growlers (petits icebergs très dangereux, ndlr). Fleur-Australe craque de partout. Vers 16 heures, nous posons l’ancre devant l'île Pierre-Ier, entièrement recouverte de glaciers. (…) Nous avons atteint notre objectif. Peu de navires et encore moins de voiliers l’ont touchée à ce jour. Les enfants n’attendent qu’une chose : débarquer et voir s’il y a des manchots. J’observe mon mari et, pour la première fois, je lis sur son visage une fatigue infinie. Il est amaigri et affiche une gravité que je ne lui connaissais pas. Je sais qu’il a eu peur pour sa famille. »
La même rigueur que sur un Vendée Globe
Philippe Poupon reconnaît que, pour ce genre d’exercice extrême, la préparation d’un Vendée Globe et d’une Solitaire aide. « La réflexion sur la sécurité, la rigueur et la performance est la même. Mais la grande différence, c’est la responsabilité de l'équipage familial. J’ai vécu mes périodes de courses à fond. Aujourd'hui, je vis ma passion pour les endroits sauvages et extrêmes. Je suis comblé de partager ces moments très forts avec ceux qui me sont le plus chers. Et j'ai la chance d'avoir une épouse qui n'a pas froid aux yeux et qui me suit voire me pousse pour aller toujours plus loin », apprécie le navigateur breton.
« Le huis clos familial dans des conditions aussi extrêmes n'est pas facile tous les jours, explique de son côté Géraldine Danon. Mais nous en avions conscience et c'est le prix à payer pour vivre l'exceptionnel avec les siens. Nous en revenons toujours plus soudés. Quant à nos enfants, je pense que grâce à cette expédition, ils ont acquis le sens de l'effort, du courage et du travail accompli. Ils savent qu'une terre se mérite et qu'après la tempête, il y a toujours une accalmie. Ils ont vu aussi que plus une traversée est longue et difficile, plus l'arrivée est douce. Surtout, même après quatre ans en mer, ils continuent à s’émerveiller devant un souffle de baleine. J'ose espérer qu'il en sera toujours ainsi. »
Une contribution à la protection de l’environnement
Leurs aventures à bord de Fleur Australe, Philippe Poupon et Géraldine Danon les mettent aussi au service de la protection de l’environnement. « Nous effectuons des prélèvements quotidiens pour l'Ifremer qui nous a équipés d'une caméra que nous immergeons à 50 centimètres pour recenser les zones de micro-déchets polluants dans les océans que nous traversons », précise Géraldine Danon.
Et quand on leur demande pourquoi leurs traversées sont toujours liées à de grands explorateurs qui ont marqué l’Histoire de la navigation, la réponse ne se fait pas attendre : « Parce qu'ils nous ont faits rêver ! Ce sont eux qui nous ont ouvert la voie et c'est toujours émouvant de mêler leur histoire à la nôtre, s’exclame la femme de Philippe Poupon. D’ailleurs, à bord, nous nous documentons sans cesse sur nos prédécesseurs. Et nous-mêmes sommes en quête de nouvelles routes inexplorées. »
En cette fin d’année 2013, la famille Poupon est à nouveau repartie en Antarctique, pour passer les fêtes de Noël entre l’Ile de l’Eléphant, Cape Valentine et la Mer de Weddell. « Sur les traces de Sir Ernest Shackleton dont L'Odyssée de l'Endurance a nourri nos rêves d'expéditions polaires ! ».
(1) Livres « Une fleur dans les glaces », « Fleur Australe », « Le continent inconnu » (Éditions Arthaud), « Sur la route des pôles » (Éditions Gallimard). Carnet de bord sur www.fleuraustrale.fr