VIDEO - En juillet dernier, les marins Sébastien Roubinet et Vincent Berthet se sont élancés de la pointe nord de l’Alaska. Cap sur le Spitzberg pour près de 3.000 kilomètres à parcourir dans la débâcle de la banquise d’été. Un défi fou à la hauteur de leurs rêves, mis en images par le réalisateur Thierry Robert.
A l’origine du projet, on retrouve Sébastien Roubinet, un aventurier trentenaire au sourire communicatif. Ce marin, amoureux des glaces, a fait ses armes sur la goélette polaire Tara avant de voler de ses propres ailes grâce à des catamarans bricolés par ses soins. « J’ai commencé par le passage du Nord-Ouest en 2007, sur un petit voilier de 7,50 mètres, sans aucun moteur embarqué », rappelle Sébastien Roubinet. Quatre mois pour 5000 milles entre l’Alaska et le Groenland et une première mondiale. Puis il a tourné son regard vers le mythique pôle nord. « Il me fallait construire un bateau capable de glisser sur la glace comme sur l’eau alors j’ai commencé par mettre des skis à un Hobie Cat pour tirer des bords dans la neige pyrénéenne puis canadienne. A vrai dire, l’embarcation n’était pas très bonne à ce moment-là ! » Mais au fil des essais, il affine ses connaissances et finit par se lancer vers le Pôle Nord sur son navire prénommé Babouche. Il embarque alors un habitué des hautes latitudes, Rodolphe André. Malheureusement, les deux hommes ont rapidement été trahis par une panne irréparable de batterie qui avait anéanti l’ensemble du système de communication. Demi-tour après 500 kilomètres dans le désert glacé. Mais Sébastien Roubinet est un passionné qui n’abandonne pas si vite. Il a donc relancé le projet pour l’été 2013 avec Vincent Berthet, l’un des deux aventuriers qui avaient bien failli ne jamais revenir du Grand Nord lors de l’expédition présentée sur les écrans sous le nom de Piège Blanc. Les deux hommes étaient motivés par l’ambition de réaliser une première mondiale : mener le premier voilier au Pôle Nord.
C’est Babouchka qui vous parle
Le film s’ouvre sur la voix chaude de Babouchka. Curiosité scénaristique, cette Babouchka au phrasé si maternel est leur embarcation de 6 mètres, mi- bateau, mi- luge. Puis la caméra part de l’immensité étoilée au-dessus de nos têtes jusqu’à l’immensité dans laquelle le voilier est déjà perdu. Babouchka avance sur un champ de ruines glacé où les glaçons s’entrechoquent au rythme des puissants courants estivaux. Le vent se fait rare et contrariant. Il faut hisser, tirer et pousser l’embarcation sur la glace en pataugeant le plus souvent dans l’eau au froid extrême. Quitte à y risquer ses doigts de pieds. L’expédition est lancée.
« Nous savions qu’il n’était pas possible de les suivre pour les filmer, précise le réalisateur Thierry Robert lors de l’avant-première parisienne du documentaire. D’abord parce qu’il aurait fallu construire un bateau comme le leur, ensuite parce que notre rôle est de raconter des aventures et non de les vivre. » L’équipe a donc équipé le voilier de mini caméras embarquées nouvelle génération. « Malheureusement, les premières caméras de ce type, qui étaient plus rudimentaires, résistaient beaucoup mieux au froid ! » regrette Sébastien Roubinet. Les deux aventuriers clapaient comme au cinéma à chaque lancement de séquence filmée. « Mais comme il était impossible pour eux de poser des caméras sur la glace pour les filmer en action, nous avons réalisé des premiers plans avant le départ de l’expédition, lors de l’acheminement jusque Point Barrow, précise Thierry Robert. « Et si nous avons commencé l’expédition fatigués c’est à cause de ces plans ! » taquine Sébastien Roubinet. « Oui, il m’est arrivé de réveiller tout le monde, concède Thierry Robert. Lors de l’été polaire, le soleil ne se couche pas et les plus belles lumières étaient souvent pendant la nuit. » L’équipe de réalisation a également utilisé des drones pour prendre un peu de hauteur. « Je suis content de ne pas avoir vu ses plans de notre bateau perdu au milieu de nulle part avant le départ car j’aurais pu avoir peur ! », précise Sébastien Roubinet. Les deux aventuriers étaient livrés à eux-mêmes, sur des glaces trop fragiles pour qu’un avion puisse se poser et trop loin de la terre ferme pour qu’un hélicoptère puisse les rejoindre. Seuls au monde dans l’enfer du pôle.
Babouchka, l’enfer du pôle (production Le Cinquième Rêve) sera diffusé sur Thalassa (France 3, 20h45) ce vendredi. TV5 Monde diffusera ensuite une version plus longue.
Le livre, La Voie du pôle, de Rodolphe André, Vincent Berthet et Sébastien Roubinet, présente aussi les deux tentatives. 20 euros.