Peut-on privatiser une plage publique ?
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Courant juillet 2015, la venue du Roi Salmane d'Arabie Saoudite pour ses vacances à Vallauris dans les Alpes-Maritimes, accompagné d’environ un millier de personnes dans son sillage a fait grand bruit avec sa volonté de privatiser une plage publique. En outre, l’accès au littoral, le survol aérien et la navigation dans la bande des 300 mètres en face de la résidence seront interdits par arrêté préfectoral. Si un tel un évènement est une aubaine pour le commerce local, il cause également un sérieux désagrément pour les riverains bientôt privés de la plage près de la propriété royale. Un élu local a en outre lancé une pétition en ligne contre la privatisation de la plage publique de la Mirandole voisine de la villa saoudienne. Alors que dit la règlementation ? Quelles sont les principes généraux applicables à la gestion du domaine public maritime ? Un particulier a-t-il le droit de privatiser une plage publique ? Et quelles sont les sanctions ?
1 – Par principe le domaine public maritime ne peut faire l’objet d’aucune privatisation
Après un principe posé par un arrêt du Conseil d’Etat rendu en 1858 qui reconnaît le principe de libre accès et de gratuité du public aux plages, cette décision a été consacrée par le législateur avec la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral dite « loi littoral ». Cette loi pose le principe selon lequel le domaine public est inaliénable, autrement dit, personne ne peut se prévaloir de la qualité de propriétaire sur cet espace commun.
La loi dite « littoral » consacrait dans ses articles 25 et suivants les règles de gestion du domaine public maritime et fluvial et la réglementation des plages. S’agissant des dispositions concernant l’utilisation des plages, il convient aujourd’hui de se référer notamment à l’article L. 321-9 du Code de l’environnement.
Par ailleurs, conformément aux articles L. 3111-1 et 3111-2 du Code général de la propriété des personnes publiques, les biens des personnes publiques qui relèvent du domaine public, sont inaliénables et imprescriptibles. En outre, le domaine public maritime appartient de manière inaliénable et imprescriptible à l’État. Il s’étend sur terre jusqu’à la limite haute des eaux.
Le Domaine public maritime naturel répond à un principe fondamental et ancien, celui de son libre usage par le public pour la pêche, la promenade, les activités balnéaires et nautiques. Ceci fonde les principes de gestion du littoral : favoriser les activités liées à la mer et qui ne peuvent pas se développer ailleurs, tout en préservant l’accès du public à celle-ci.
L’utilisation de ce domaine public est soumise à des règles strictes comme le souligne l’article L. 2124-1 du Code général de la propriété des personnes publiques. Ce texte impose également une enquête publique dès lors qu’est prévu un changement substantiel dans l’utilisation de ce domaine public.
2 – Des possibilités de privatisations exceptionnelles et à titre précaire : les concessions privées
Le principe d’inaliénabilité du domaine public maritime a été atténué par cette même loi dite « littoral » qui autorise l’Etat à accorder des concessions, c'est-à-dire des locations temporaires de parcelles du domaine public mais sous certaines conditions restrictives (Articles R. 2124-13 et 16 du Code général de la propriété des personnes publiques)
Ainsi, une concession doit répondre aux critères suivants :
- Ne peut concerner qu’une partie délimitée du domaine public peut être concerné
- Avoir pour objet le développement d’activités destinées au service public balnéaire ayant un rapport direct avec l’exploitation de la plage
- Etre compatible avec le maintien de l’usage libre et gratuit de la plage
Concernant cette dernière condition, les concessions accordées sur les plages doivent respecter, les principes énoncés à l'article L. 321-9 du code de l'environnement à savoir l'accès des piétons aux plages qui doit rester libre sauf si des motifs justifiés par des raisons de sécurité, de défense nationale ou de protection de l'environnement nécessitent des dispositions particulières.
La concession est attribuée par autorisation préfectorale ou municipale en échange du paiement d’une redevance pour service rendu.
3 – Et les AOT ?
Une autre exception à la liberté d’accès aux plages existe par les autorisations d’occupation temporaire (AOT), délivrées ponctuellement.
L’outil juridique de droit commun est l’autorisation d’occupation temporaire assujettie à redevance et toujours délivrée à titre personnel, précaire et révocable. Ce faisant, le préfet peut y être mettre fin à tout moment si l’intérêt du domaine ou l’intérêt général le justifient.
En outre, les autorisations d’occupation temporaire ne sont pas sans rappeler un autre sujet épineux déjà évoqués concernant les autorisations de mouillage collectif instituées par l’article 28 de la loi dite « littoral » codifié à l’article L.2124-5 du Code général de la propriété des personnes publiques.
4 – Quelles sont les sanctions ?
Les contraventions de grande voirie sont désormais régies par les articles L.2132-2 et suivants du Code général de la propriété des personnes publiques en ces termes qui renvoient aux mêmes conditions que celles concernant le Code de la voirie routière (voir articles Article L. 1116-1 et s.)
Le régime des contraventions de grande voirie présente des avantages nombreux : obligation de poursuite, responsabilité objective, possibilité de condamner à une remise en état, imprescriptibilité des poursuites visant à la réparation des dommages causés. La contravention de grande voirie a un caractère objectif, autrement dit, peu importe l’intention du contrevenant et les circonstances. Même en l’absence de faute de sa part, il sera condamné à réparer et à remettre en état le domaine s’il y a porté atteinte.
Cette procédure constitue un outil efficace de protection du Domaine public maritime contre les empiétements, les occupations sans titre et les dégradations. Par ailleurs, le décret n° 2003-172 du 25 février 2003 relatif aux peines d'amende applicables aux infractions de grande voirie commises sur le domaine public maritime en dehors des ports, assortit également ces atteintes d’une peine d’amende de contravention de la cinquième classe.
En revanche, si la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a donné un statut législatif aux gardes du littoral et leur a attribué des fonctions de police judiciaire, ceux-ci n'ont pas de compétence pour dresser des contraventions de grande voirie, alors même qu'une telle extension permettrait de renforcer la protection du domaine public.
Enfin, le préfet fait constater l’atteinte au domaine par un agent assermenté qui dresse un procès-verbal de contravention de grande voirie. En cas d’urgence, l’administration peut recourir également au référé-conservatoire prévu à l’article L.521-3 du code de justice administrative.