Tanguy de Lamotte : «Gérer sa monture pour voir le Cap Horn»

Course au large
Par Mathieu, Edouard

INTERVIEW. Douzième à bord de son bateau humanitaire, Tanguy de Lamotte savoure chaque jour un peu plus sa première expérience sur le Vendée Globe. Franchissant les étapes une à une, le skipper d'Initiatives-Coeur est très heureux d'être toujours en course.

©La Chaîne Météo
INTERVIEW. Douzième à bord de son bateau humanitaire, Tanguy de Lamotte savoure chaque jour un peu plus sa première expérience sur le Vendée Globe. Franchissant les étapes une à une, le skipper d'Initiatives-Coeur est très heureux d'être toujours en course.

Figaro Nautisme. - Quelles sont vos conditions?

Tanguy de Lamotte. - Aujourd'hui, je navigue tribord amure. J'ai 20 noeuds de vent, j'ai un ris dans la grand voile, mon petit gennaker et ma trinquette donc j'avance avec 3 voiles en place. La nuit tombe, je vois la lune par le hublot, c'était une bonne journée. Même s'il faisait frais, on a eu du soleil, et je suis en route presque directe pour la première porte d'Australie qui se trouve à 800 milles.

Votre souhait au début de la course était de faire une belle navigation. Pensez-vous que vous y arrivez pour le moment?

Pour l'instant, j'ai fait quelques petits écarts dont je me serais bien passé mais avec les bateau qui sont devants moi comme Arnaud Boissières et Bertrand de Broc, je ne suis pas trop mécontent. Je n'ai pas fait trop de grosses erreurs et surtout le bateau est toujours en bon état, c'est le plus important. J'ai traversé une première zone de vent fort dans les 40e il y a quelques jours et ça s'est plutôt bien passé donc je continue mon apprentissage. Je suis content d'être encore en course et d'aborder l'Australie, la Nouvelle-Zélande et bien sûr, l'océan Pacifique.

Êtes-vous surpris par le grand Sud pour votre baptême du feu?

Tout à fait. J'ai mis du temps à réaliser que les conditions allaient être difficiles parce qu'on reste assez nord avec les portes des glaces. Déjà avant le cap de Bonne Espérance, on a eu des conditions assez fortes mais ce n'était pas encore réellement les Mers du Sud. Il y a quelques jours, on a vraiment eu des conditions avec des grosses vagues, des gros nuages et les albatros derrière et là on se rend vraiment compte de ce que sont les Mers du Sud. J'ai découvert ça avec beaucoup de plaisir et pour l'instant, je ne suis pas déçu. En plus, je n'ai pas encore eu trop froid mais je pense que ça va venir avec les trajectoires plus Sud que l'on va pouvoir prendre à présent.

Vous allez prochainement entrer dans le Pacifique, comment voyez-vous cette zone?

Le Pacifique est encore un peu loin pour moi. Jusqu'à Noël et jusqu'au passage dans le Pacifique, je pense que les conditions vont être assez correctes et maniables. Il y aura 4000 milles à effectuer dans cet océan donc on n'aura pas le choix, il faudra passer dans des tempêtes, dans des zones de vent fort. De la même manière que dans l'Indien, il faudra rester prudent et gérer sa monture pour voir le Cap Horn.

Le Vendée Globe vous apporte-t-il le côté «aventure humaine» que vous espériez?

C'est sûr que moi je suis plus du côté de l'aventure que de la régate. En étant depuis maintenant 40 jours seul en mer, on apprend tous les jours, on découvre, on modifie ses habitudes, il y a des choses qui nous manquent plus que d'autres. Certaines choses, on pensait qu'elles allaient nous manquer et finalement pas tant que ça. Vivre dans un espace aussi petit au milieu d'une telle immensité, c'est assez spécial. Je ne parle pas encore aux albatros mais c'est pas plus mal quand même qu'il y ait une présence vivante autour de soi. Même si j'ai régulièrement au téléphone ma famille, mes proches, on se sent assez seul. On est vraiment seul sur nos bateaux mais pour l'instant, je le vis bien et ma course se passe bien donc ma vie à bord reste agréable.

O n vous a vu danser au rythme de Deep Purple, avez-vous besoin de cette débauche d'énergie supplémentaire pour rester dans votre course?

Ce sont des moments forts qui m'aident à partager mais aussi à passer du bon temps sur cette course dans les moments difficiles. Quand on dépasse ces moments, on est content et ça fait du bien de se faire plaisir sur une guitare comme j'ai pu le faire avec Deep Purple. C'était vraiment un moment fort, qui restera gravé dans ma mémoire.

Vous êtes avec Alessandro Di Benedetto le skipper le plus apprécié du public, en êtes-vous conscient?

On me dit que ça plaît, que les gens regardent, tant mieux. La course devant est palpitante mais j'ai l'impression que les skippers n'envoient pas beaucoup d'informations, au contraire, ils en cachent beaucoup et ils ne sont pas très expansifs. Moi c'est mon caractère d'aimer partager avec un maximum de personnes et du coup, j'en profite. C'est vrai qu'avec Alessandro on a sûrement plus le profil de l'aventurier et plus de temps pour faire ça. On a peut-être aussi plus intérêt à le faire que ceux qui sont devant qui sont plus concentrés chaque seconde sur leur bateau. Moi je suis très content de le vivre de cette manière parce qu'on me dit que des gens suivent la course pour ldes raisons différentes.

Aujourd'hui, vous réalisez un Vendée Globe modeste. Avez-vous déjà l'envie de revenir avec un bateau qui puisse rivaliser?

Il y a un an, je ne pensais pas m'élancer sur le Vendée Globe donc pour l'instant, je profite vraiment à fond de celui-là. C'est sûr que, sans me prendre la tête, je me pose la question de savoir si ça vaudrait le coup de vivre cette course d'une manière différente. Aujourd'hui, j'apprécie la manière dont je la vis. J'en parlerai peut-être avec les copains qui sont devant mais pour l'instant, je profite de ce que je vis. En plus, quatre ans, c'est loin. J'ai pas envisagé une carrière de skipper quand j'étais jeune, peut-être que je dessinerai un bateau pour quelqu'un d'autre sur le prochain parce qu'à la base, je suis architecte naval. On verra bien, je vais voir comment se finit la course, si je réussis à la finir et j'ai le temps de voir pour ce qui se passera derrière.

Qu'avez-vous prévu pour Noël?

Dans la préparation du bateau, j'avais simplement demandé qu'il y ait du foie gras parce que mon oncle, qui est aussi mon parrain, en fait près des Sables d'Olonne. Ensuite, j'espère avoir un déjeuner un peu spécial et une petite bouteille de champagne pour faire une petite soirée un peu spécifique. Certains cadeaux sont déjà ouverts mais le reste je le ferai au milieu d'un coup de fil aux frères et soeurs et aux parents pour partager de loin ces moments avec eux.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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