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La routine ! Armel le Cléac’h a repris la tête de la course à François Gabart, et Jean-Pierre Dick aura une belle carte à jouer après le cap Horn !
Après avoir ralenti dans la matinée lors du passage d’une zone de transition météorologique, Armel Le Cléach (Banque Populaire), qui a repris le commandement de la course huit milles devant François Gabart (Macif), naviguait dimanche après-midi à 18 noeuds en route directe vers le cap Horn. Ce léger contretemps a toutefois permis à Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) de revenir à 317 milles dans le sillage de Banque Populaire.
Dick est serein
Un gain que le skipper niçois accueille avec philosophie : « Comme le disait Laetitia Bonaparte, la mère de Napoléon 1er, “Pourvu que cela dure !”. C'est bien de revenir ! Cette nuit, les conditions étaient favorables, je naviguais dans 25-28 nœuds dans le front. Les premiers ont ralenti un peu, cela va bientôt m'arriver. Le vent devrait adonner dans la journée, je vais manœuvrer sur le pont. On verra quel écart j'aurai au Cap Horn ». 575 milles derrière Dick, Alex Thomson (Hugo Boss) aligne toujours les milles comme un métronome poussé par des vents de nord-ouest de 20-25 noeuds et nous fait part de son bonheur actuel : « Je me sens bien plus joyeux ce matin car le vent est plus régulier et il n'y a plus une trace des bourrasques à 40 noeuds qu'on a eues ces derniers jours. La mer est plus agréable aussi, et je fais de bons surfs, ce qui aide à maintenir une bonne vitesse ». Cinquième, Jean Le Cam (SynerCiel) navigue sans aucune pression avec 400 milles d’avance sur Mike Golding (Gamesa) qui bataille toujours avec Dominique Wavre (Mirabaud) pour conserver sa sixième position dans la hiérarchie.
Derrière, Javier Sanso (Acciona 100% EcoPowered) et Arnaud Boissières (Akéna Vérandas) sont conscients que Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) revient fort sur eux. Un skipper suisse soulagé d’avoir retrouvé son autonomie énergétique : « Ça se passe plutôt bien, il y a 200 mètres de visibilité, je suis dans le brouillard mais les conditions sont bonnes. La mer est rangée dans le bon sens et il y a un bon vent. Ça glisse, ça fait du bien. L’hydrogénérateur de bâbord charge à bloc mais celui de tribord, celui qui a merdé, recharge moins bien. Mais à cette vitesse-là c’est suffisant pour charger les batteries ».
De Lamotte savoure
En queue de peloton, Tanguy de Lamotte (Initiatives-Cœur) vit son début de la traversée du Pacifique Sud avec émerveillement : « Après une super journée sur la route à 16 noeuds, j'ai eu droit à un beau coucher de soleil ! On peut se demander si on voit des vagues du Pacifique ou des sommets alpins... Pendant la nuit, alors que j'avais pour une fois un peu de mal à m'endormir, je me suis rendu compte que la lune me surveillait par le hublot... Elle était pleine hier et parfaitement alignée pour que je la voie au travers du hublot depuis mon lit. Je l'ai regardée un bon moment puis je me suis endormi ». Un bonheur simple qui fait partie intégrante de l’aventure planétaire.
LES VOIX DU LARGE
Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) : « Je rêve d'un peu de chauffage à bord pour réduire l'humidité permanente. Mes pieds sont endoloris, j'ai des hématomes sous cutanés avec le froid, l'humidité et les chocs. Je me soigne. Lorsque je sors manœuvrer, je protège mes mains avec des gros gants de pêche. Elles deviennent rêches à force de tirer sur les bouts ! En ce moment, je passe beaucoup de temps à l'intérieur de mon bateau. A l'extérieur, il n'y a pas de quoi rester des heures dehors : il fait gris, le ciel est nuageux, il y a très peu de visibilité (moins d'un mille), c'est très brumeux, la mer est grise et houleuse ».
François Gabart (Macif) : « (Sur son duel avec Armel Le Cléac’h) Ça ne va pas mal, on a empanné cette nuit et on est en ligne droite vers le cap Horn. C’était rassurant d’être si près d’Armel car jusqu’à présent on était dans des zones éloignées des terres. (Être à côté de lui), ça rajoute une information supplémentaire pour savoir si on va vite, quand on fait un bon ou un mauvais coup... Et quelque part ça rajoute une certaine pression. Le fait d’avoir un bateau en permanence à côté ça booste, ça influe peut-être sur mon rythme de sommeil, je ne sais pas. Des moments de fatigue et de mou, on en a un paquet. Ça fait 50 jours qu’on navigue à fond la caisse, c’est normal que sur 24h on soit fatigué et qu’on ait besoin de se reposer. J’ai eu Armel à la VHF hier, c’était assez rigolo d’être à côté. On était tous les deux contents d’être là où on était, en approche du cap Horn. J’ai pris énormément de plaisir à naviguer dans les mers du Sud et je suis content d’arriver sur le cap Horn. (Sur la vie à bord) On est dans le confort minimum acceptable pour un être humain. J’exagère, mais c’est difficile car on est mouillé en permanence, il y a énormément de mer - ce qui m’a d’ailleurs plus frappé que les vents. Les gestes de la vie quotidienne deviennent compliqués et l’organisme est sollicité à force d’être remué dans tous les sens. Mais me retrouver dans un lit qui ne bouge pas sans bruit autour de moi me ferait bizarre, je ne sais pas si j’arriverais à dormir ! ».
Tanguy de Lamotte (Initiatives-coeur) : « Ce matin, il fait grand beau mais une dépression assez creuse arrive par derrière nous et je me prépare pour quelques jours un peu plus ventés au passage du sud de la Nouvelle-Zélande. J'ai parlé à Nick Moloney qui a fait le Vendée Globe en 2004 et qui habite à Melbourne avec sa petite famille, c'est sympa de se dire qu'on n'est pas très loin. Entendre ses encouragements de skipper pour la suite du parcours m'a fait super plaisir ! ». Alex Thomson (Hugo Boss) : « Le routage indique que je devrais franchir le Cap Horn au début du mois de janvier. Donc je crois bien que je vais passer le Nouvel An dans le Pacifique. Merci pour tous vos messages de Noël tout cette semaine, ça donne vraiment un coup de boost au moral d'avoir des nouvelles de tous ceux qui sont restés sur la terre ferme ! ».
Bernard Stamm (SUI, Cheminées Poujoulat) : « (A propos de la réclamation du comité de course à son encontre) J’ai envoyé mon rapport au jury, maintenant on va le laisser faire son travail. A aucun moment je n’ai demandé de l’assistance, j’ai agi pour mettre le bateau en sécurité. On en reparlera une fois que le jury aura pris sa décision. Je suis plutôt confiant, je pense avoir agi dans le bon sens, mais c’est toujours compliqué. (Au sujet de ses nombreux déboires) J’ai pu dormir un peu, j’étais dans un secteur chaud à l’avant de la dépression, c’était assez stable donc j’ai pu me reposer et me nourrir. Quelque chose s’est coincé dans l’hydrogénérateur tout à l’heure et ça a tenu donc je suis content de mes réparations. Par contre j’ai de nouveau perdu ma colonne de winch, je suis vert. Après 50 jours en mer, j’aspire à pouvoir régater, pouvoir quitter mon chantier. Ce n’est pas encore tout à fait le cas mais je suis en bonne voie. Déjà ça avance, ce qui est un gros plus. Je peux faire route à vitesse normale, les manœuvres sont beaucoup plus longues mais c’est comme ça. Quand je pourrai de nouveau régater normalement ça ira super. De toute façon, je suis condamné à aller vite car c’est quand je vais vite que je peux recharger mes batteries, et la vie est beaucoup plus simple. Car quand j’étais arrêté, j’avais une vision à deux heures, j’étais incapable de dire ce qui allait se passer au-delà de deux heures. C’était super usant. Il y a toujours le moyen de jeter l’éponge et d’appeler au secours mais ce n’est pas le but du jeu. À la fin il me restait un demi-litre d’eau douce, toutes les manœuvres se faisaient à la voile, j’étais usé de mes acrobaties. Mais je préfère une bonne tempête dans le Sud où ça avance bien plutôt que ce que j’ai vécu là-bas ».
Dominique Wavre (Mirabaud) : « (Sur ses conditions météo actuelles) C’est un petit peu incongru d’avoir un immense soleil et peu de vent dans le Pacifique. C’est assez paradoxal. Pour l’instant, je n’ai pas de ressenti de fatigue, je me sens bien physiquement et moralement, le bateau se porte bien. Je n’ai pas eu d’avarie ni de problème grave à résoudre donc je me sens bien. J’ai peut-être une fatigue de fond que je ne ressens pas encore, je ne sais pas. (A propos de sa forme physique) Certains perdent de la masse musculaire au niveau des jambes car c’est vrai qu’on développe beaucoup les bras avec le moulin à café et le haut du corps au cours des travaux à bord. Les jambes ne font pas grand-chose, mais j’essaye de faire quelques exercices d’assouplissement donc je n’ai pas de problème particulier à signaler. On se rend compte d’une éventuelle fatigue de fond en fonction de l’état dans lequel on sort de notre sommeil : soit on est hagard sans savoir où on est, soit on se réveille et on est tout de suite replongé dans la réalité. Ce qui est mon cas donc ça va ».
Mike Golding (Gamesa) : « Les choses se passent plutôt bien, j’ai eu deux jours et demi de conditions assez stables, on aurait dit l’Atlantique ! Ça facilite la navigation et ça m’a permis de nettoyer un peu, de faire le tour du bateau et de me préparer pour la deuxième moitié de la course. Quand vous arrivez dans le sud, vous vous attendez à des conditions difficiles, des icebergs et tout ça. Bien-sûr, on en a eu, mais en fin de compte, ce n’était pas si terrible. Rien à voir avec l’édition précédente, où ça avait vraiment été rock’n’roll. Armel et François ont montré ce qu’on peut faire avec des systèmes météo favorables mais malheureusement, l’ensemble de la flotte n’a pas bénéficié des mêmes conditions ».
CLASSEMENT
Positions du 30/12 à 16 heures : 1.Armel Le Cléac´h (Banque Populaire) à 7 915 mille de la ligne d’arrivée; 2. François Gabart (Macif) à 8 milles du leader; 3.Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) à 317 m; 4.Alex Thomson (Hugo Boss) à 892,3 m; 5.Jean Le Cam (SynerCiel) à 1 949,6 m; 6.Mike Golding (Gamesa) à 2 354,8 m; 7.Dominique Wavre (Mirabaud) à 2 396,7 m; 8. Javier Sanso (Acciona 100% EcoPowered) à 2 531,9 m; 9.Arnaud Boissières (Akéna Vérandas) à 2 767 m; 10.Bernard Stamm (Cheminées Poujoulat) à 2 820,9 m; 11.Bertrand de Broc (Votre Nom Autour du Monde avec EDM Projets) à 3 730,2 m; 12.Tanguy de Lamotte (Initiatives-Coeur) à 3 966,6 m; 13.Alessandro Di Benedetto (Team Plastique) à 4 932,4 m. Abandons : Marc Guillemot (Safran); Kito de Pavant (Groupe Bel); Samantha Davies (Savéol); Louis Burton (Bureau Vallée); Jérémie Beyou (Maître CoQ); Zbigniew Gutkowski (Energa); Vincent Riou (PRB).