Michèle Paret : « Je sais que les situations peuvent parfois être extrêmes »

Course au large
Par Figaro Nautisme

Co-skipper, compagne, Team Manager, Michèle Paret, est un peu tout cela à la fois pour Dominique Wavre (Mirabaud), actuellement 7e du Vendée Globe. Elle a accepté de raconter à Figaro Nautisme son Vendée Globe à terre.

Co-skipper, compagne, Team Manager, Michèle Paret, est un peu tout cela à la fois pour Dominique Wavre (Mirabaud), actuellement 7e du Vendée Globe. Elle a accepté de raconter à Figaro Nautisme son Vendée Globe à terre.

Figaro Nautisme : Quel regard portez-vous sur la course de Dominique Wavre ?

 

Michèle Paret : Je suis la course de Dominique de près et suis assez satisfaite. Il est parti avec un bateau qui n’est pas de dernière génération. Son bateau a six ans, mais je trouve qu’il se débrouille très bien. Il est à la lutte avec Jean Le Cam (SynerCiel) et Mike Golding (Gamesa) qui ont des bateaux plus récents. Dominique fait bien marcher le bateau et fait une belle course, même si, tout comme Mike, il n’a pas été chanceux avec la météo. Ils n’arrivent pas à afficher des vitesses de grand surf comme on peut en rencontrer dans le Sud. Ils naviguent souvent entre 10 et 13 nœuds avec des hautes pressions sur la route. On n’a jamais vu des écarts aussi grands sur un Vendée Globe, et ce n’est pas dû qu’à la différence de vitesse entre les bateaux. La météo a largement facilité l’échappée des leaders !

 

Comment vivez-vous sa course ?

 

On ne s’habitue pas vraiment à ce genre d’expérience. Je savais que j’avais trois mois difficiles devant moi. Mais d’un autre côté, c’est moins dur que les fois précédentes, car je fais de plus en plus confiance au bonhomme et au bateau, que je connais de mieux en mieux. Ca m’aide à être moins stressée en cas de gros coups de vent ou dans les moments difficiles. Mais on guette toujours les moments où le vent va se calmer, les intonations de voix, car je sais que les situations peuvent parfois être extrêmes. J’essaie de lui apporter mon soutien, d’être efficace et de répondre à ses besoins même s’il ne les mentionne pas forcément. J’essaie aussi de penser aux choses qu’il pourrait oublier, aux vérifications un peu spécifiques sur chaque poste du bateau. Il y pense 90% du temps mais quand ce n’est pas le cas, je peux le lui rappeler. En cas de fatigue extrême, il peut oublier certains petits postes. Ca me fait plaisir de me sentir utile, car l’attente en elle-même n’est pas très satisfaisante !

 

Naviguer soi-même, avantage ou inconvénient ?

 

Il y a des avantages et des inconvénients. On a beaucoup navigué ensemble et je connais très bien le bateau. Je connais aussi sa manière d’approcher les coups de vents. C’est donc plus facile pour moi de le soutenir. Mais je connais aussi la sauvagerie du grand Sud et la difficulté à mener ces bateaux. Ca rajoute beaucoup de stress. Je sais qu’il vit parfois des moments presque inhumains. J’essaie de faire corps avec lui dans ma tête. Dominique aborde bien les choses, donc ça rééquilibre un peu le tout. Je pense être plus efficace qu’une compagne qui ne fait que supporter les choses sans pouvoir rien faire. J’ai cette petite satisfaction. Je suis là, solide. Il peut compter sur moi. Ca rend mon Vendée Globe un peu plus intéressant.

 

Que retirez-vous de ce début de Vendée Globe ?

 

J’apprends surtout la patience et à faire confiance. C’est vrai que quand on a l’habitude d’agir et d’intervenir et qu’on ne peut pas le faire, il faut impérativement faire confiance au bonhomme et au bateau. Il faut être patiente quand il n’appelle pas. Je ne peux pas me permettre de prendre le téléphone quand il est dans un coup de vent et lui demander si tout va bien. Souvent, il m’appelle avant de faire une manœuvre délicate et il me rappelle une fois qu’elle est terminée. Mais ça lui arrive d’oublier. Cela me procure un stress énorme, tous les scenarios me passent par la tête. Il faut se raisonner, prendre sur soi, car on peut vite partir en vrille. Je travaille beaucoup là-dessus et fais beaucoup de progrès dans mon métier de femme de marin.

 

Vivre la course à terre n’a pas un côté frustrant ?

 

Ca aurait eu un côté frustrant s’il ne prenait pas les bonnes options. On a tellement l’habitude de naviguer ensemble que j’anticipe ses options et ses changements de voiles. Il mène le bateau comme on l’aurait mené tous les deux. Et puis c’était convenu que je reste à terre depuis le départ. Ce Vendée Globe, on le prépare depuis trois ans. J’ai pu faire le travail nécessaire en amont pour éviter toute frustration. De toutes façons, la frustration ne fait pas avancer. Ce n’est pas constructif.

 

Le Vendée Globe, c’est un rêve pour vous ?

 

C’était un rêve qui est en train de se réaliser. Avec Dominique, on est tellement proches que je réalise mon rêve avec lui. C’est une belle aventure qui est en train de s’écrire. La voile, c’est notre passion, on la partage. J’ai l’impression de vivre le Vendée Globe à travers lui.

 

Envisagez-vous toujours de le faire un jour ?

 

On n’a pas l’habitude de prévoir. J’ai d’abord envie qu’il finisse celui-là et surtout de voir comment il se termine, car le rêve peut se transformer en cauchemar. Il reste encore la moitié du chemin à parcourir. J’ai juste envie de penser à la ligne d’arrivée. Après, on décidera ensemble où on va et comment on y va. On a toujours fonctionné comme ça. On s’investi tellement dans ce genre de projet que l’on n’a pas de recul pour penser au futur.

 

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
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Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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