Stamm disqualifié, les marins réagissent

Course au large
Par Figaro Nautisme

La difficile approche des îles Malouines par François Gabart et Armel Le Cléac’h a été occultée ce mercredi par la disqualification de Bernard Stamm.

La difficile approche des îles Malouines par François Gabart et Armel Le Cléac’h a été occultée ce mercredi par la disqualification de Bernard Stamm.

Mercredi au pointage de 16 heures, François Gabart (Macif) et Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) remontaient péniblement l’Atlantique Sud dans les petits airs en direction des îles Malouines. Un ralentissement des deux leaders que met à profit Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) pour regagner du terrain en s’approchant à 17 noeuds du cap Horn. Le skipper niçois, qui ne compte désormais plus que 382 milles de retard, devrait franchir le célèbre rocher demain. Derrière pas de changement, tout le monde évoluant dans des vents bien établis. Mais le côté sportif du Vendée Globe a forcément été relégué au second rang de l’actualité après l’annonce de la sanction qui a frappé Bernard Stamm aujourd’hui.

 

Les faits

 

Pour s’être amarré le 23 décembre dernier au navire scientifique russe « Professor Khromov » dans une baie au sud de l’île d’Enderby en Nouvelle Zélande alors que l’ancre de Cheminées Poujoulat chassait dangereusement, Bernard Stamm a été disqualifié du Vendée Globe 2012-2013 pour « assistance extérieure » par un jury international sollicité par le comité de course du Vendée Globe qui avait porté la réclamation contre lui. Le skipper suisse a fait appel de cette décision. On rappelle que Stamm s’était dérouté dans cette île pour effectuer les réparations des fixations de ses hydrogénérateurs qui lui procurent l’électricité du bord. On reproche également à Stamm qu’un marin russe soit monté à bord de Cheminées Poujoulat pour remonter l’ancre, ce qui constitue aussi une aide extérieure selon le règlement en vigueur.

 

La réaction et les explications de Stamm

 

Suite à cette sanction, le skipper suisse a réagi mercredi à la mi-journée. « Je pense que le Jury n’a pas tenu compte du contexte, j’ai agi pour la sécurité de mon bateau. Le bateau russe Professor Khromov est arrivé dans la nuit, alors que j’étais déjà au mouillage. Je l’ai vu par hasard au lever du jour, il ne faisait pas beau avec du brouillard et peu de visibilité. Assez rapidement, mon ancre a commencé à chasser et comme il était sous mon vent et très proche, il y avait un risque qu’on entre en collision. Tout s’est passé très vite, je n’ai pas pensé au règlement. J’ai pensé à ce bateau comme à une ancre, je n’en avais pas d’autre, les fonds sont couverts d’algues là-bas et mon ancre glissait dessus. Il fallait trouver un endroit solide ou bien repartir en mer. Mais je n’avais pas fini mes réparations sur mes hydrogénérateurs et n’avais aucune réserve électrique. Je pense que le Vendée Globe et l’IMOCA ont besoin que les bateaux reviennent, qu’ils ne finissent pas sur les cailloux. Je vais demander la réouverture du dossier en essayant de faire comprendre ce qu’il s’est passé. C’est sûr que si on lit brut de pomme le règlement, je n’ai pas à m’amarrer à un bateau, mais pour moi c’était simplement une ancre. Quand j’ai vu que mon ancre chassait, j’ai pris la VHF pour prévenir l’autre bateau que j’allais essayer de venir à son contact. Ce sont eux qui m’ont proposé de m’amarrer sur eux, moi je courrais partout dans le bateau pour tout rallumer. Quand je suis ressorti, il y avait quelqu’un à bord en train de remonter l’ancre. Je n’ai même pas eu le temps de penser à lui dire de descendre de mon bateau. J’ai fini de remonter l’ancre tandis qu’il a passé le bout à son bateau. N’importe quel marin dans le monde entier aurait fait ce qu’il a fait, et ça s’est passé tellement vite que je n’ai pas réfléchi à ce que disait le règlement. Je suis au milieu du Pacifique Sud donc m’arrêter là ce serait compliqué. Je veux mener à terme mon projet de faire mon tour du monde, et comme je suis aux antipodes il faut bien que je le finisse pour rentrer. Mais au-delà de ça, nous avions également monté un projet scientifique (avec Océanopolis à Brest) et rien ne m’empêche de le mener à bien ».

 

Le Cam écœuré

 

La plupart des compagnons d’aventures de Bernard Stamm ont réagi après cette disqualification. Le plus virulent est sans doute Jean Le Cam (SynerCiel) qui ne mâche pas ses mots. « « Je suis remonté comme une pendule sur cette histoire-là. Pour moi, Bernard a agi en bon marin, il a tout fait pour sauver son bateau et on le pénalise ! Pour vous donner une image, c’est comme si un mec se retrouve au bord de la falaise, il risque de tomber, il y a quelqu’un qui lui tend la main et il devrait lui répondre : « Ben non, parce que c’est le règlement, alors tu ne me tends pas la main » et il tombe de la falaise ! Ça me désespère. Si ce qu’a vécu Bernard n’est pas un cas de force majeure alors je ne sais pas ce que c’est. J’ai envoyé un mail au jury ce matin car on ne peut pas prendre des décisions pareilles. Il faut se rendre compte qu’à l’avenir on ne pourra plus se porter assistance en cas de danger immédiat, de peur d’être disqualifié. Devrions-nous laisser nos bateaux aller au carton ? ».

 

Dick scandalisé

 

Pour sa part, Jean-Pierre Dick (Virbac-Paprec) trouve cette sanction démesurée. « Je viens de me réveiller, j’ai appris la nouvelle pour la disqualification de Bernard Stamm. Je trouve cela scandaleux, je suis sous le choc de cette annonce. Cette décision du jury me parait totalement démesurée. Bernard Stamm a commis une infraction au règlement, je peux comprendre qu’il soit pénalisé pour cela, mais pas à cette échelle. La disqualification est vraiment forte. C’est hallucinant ! Il s’agit d’un cas de force majeure, Bernard a agi en bon marin pour sauver son bateau. Nos projets nécessitent une implication importante, un travail acharné du marin, des équipes et des sponsors. Bernard se bat chaque jour contre les éléments, les casses matérielles. Il me parait plus juste qu’il reste en course avec une pénalité. Je souhaite que le jury révise sa décision ».

 

Wavre solidaire

 

Dominique Wavre (Mirabaud) compatriote de Stamm, apporte aussi son soutien en préférant ne pas polémiquer. « J’ai envoyé un e-mail à Bernard pour lui faire part de ma solidarité et de toute mon amitié. C’est vraiment un grand malheur qui lui tombe dessus. Je connais évidemment bien Bernard, c’est un bon copain et on a vécu des moments très intenses ensemble. Je ne doute pas une seconde qu’il a agi en tant que marin, et fait ce qu’il fallait faire pour son bateau. Je ne veux pas faire d’autre commentaire, juger le jury ou polémiquer. Je veux juste dire à Bernard que je suis de tout cœur avec lui ».

 

Golding nuancé

 

De son côté, Mike Golding (Gamesa) pense que Stamm a commis une faute tout en demandant, lui aussi, que le jury international revienne sur sa décision. « Le Vendée Globe est LA course ultime en solitaire. Nous devons en accepter les règles et l'absence d'assistance nous oblige à une totale autonomie. Je pense que je comprends le processus derrière la décision. Les règles sont les règles, etc. Mais quand vous connaissez l'histoire de Bernard et la situation dans laquelle il est, avec une grande partie du Pacifique Sud à parcourir, puis le Cap Horn et la menace des icebergs, ça parait très injuste. Ça semble ne pas être une bonne décision. Mais comme je l'ai dit, les règles sont claires et malheureusement avec les informations que j'ai, il semble que ces règles ont été violées par inadvertance. Et c'est, je pense, un point considérable : par inadvertance. Je suis vraiment réservé sur cette décision, elle ne me semble pas correcte et je suis vraiment, vraiment très triste pour Bernard. J'espère qu'il pourra faire appel et rester en course ». Il ne reste plus qu’à savoir si tous ces témoignages de soutien porteront leurs fruits auprès du jury...

 

CLASSEMENT

Positions du 02/01 à 16 heures : 1. François Gabart (Macif) à 6 803 milles de la ligne d’arrivée; 2.Armel Le Cléac´h (Banque Populaire) à 33 milles du leader; 3.Jean-Pierre Dick (Virbac Paprec) à 382,8 m; 4.Alex Thomson (Hugo Boss) à 797,3 m; 5.Jean Le Cam (SynerCiel) à 2 013,7 m; 6.Mike Golding (Gamesa) à 2 457,5 m; 7.Dominique Wavre (Mirabaud) à 2 552,8 m; 8. Javier Sanso (Acciona 100% EcoPowered) à 2 631,5 m; 9.Arnaud Boissières (Akéna Vérandas) à 2 726 m; 10.Bernard Stamm (Cheminées-Poujoulat) à 2 763 m; 11.Bertrand De Broc (Votre Nom Autour du Monde avec EDM Projets) à 3 747,9 m; 12.Tanguy de Lamotte (Initiatives-Coeur) à 4 273,5 m; 13.Alessandro Di Benedetto (Team Plastique) à 5 149,4 m. Abandons : Marc Guillemot (Safran); Kito de Pavant (Groupe Bel); Samantha Davies (Savéol); Louis Burton (Bureau Vallée); Jérémie Beyou (Maître CoQ); Zbigniew Gutkowski (Energa); Vincent Riou (PRB).
 

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Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
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