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La disqualification du skipper de Cheminées Poujoulat fait souffler un vent de révolte sur la flotte du Vendée Globe. Quatre coureurs ont déjà réclamé contre le jury pour défendre Stamm
Bernard Stamm est soutenu. Le malheureux marin, qui a appris mercredi matin sa disqualification du Vendée Globe pour assistance supposée lors de son arrêt en Nouvelle-Zélande, a été rejoint dans sa bataille contre le jury par plusieurs coureurs scandalisés par cette décision. Jean-Pierre Dick (Virbac Paprec 3) et Jean Le Cam (SynerCiel) avaient annoncé dès la vacation de mercredi leur intention de réclamer contre le jury du Vendée Globe. C'est d'ores et déjà chose faite avec un mail envoyé de leur bateau au jury dès mercredi soir. Selon nos informations, deux autres marins en ont d'ores et déjà fait de même: Dominique Wavre (Mirabeau) et Alex Thomson (Hugo Boss). Ils devraient être rejoint dans la journée par Armel Le Cleac'h (Banque Populaire) et Javier Sanso (Acciona) pour ce qui ressemble à une fronde sans précédent contre un jury de course.
Le 23 décembre dernier, Bernard Stamm a dû mouiller au nord de l’île Auckland pour des réparations. Cependant, son ancre a chassé, laissant dériver Cheminées Poujoulat vers un navire scientifique russe, lui aussi au mouillage. Pour éviter la collision et pour préserver son bateau, Bernard Stamm accepte de s'amarrer au navire russe, contacté par radio VHF. Le concurrent rallume aussitôt ses outils de navigation, sort du cockpit, et tombe nez à nez avec un membre de l'équipage scientifique. "Quand je l'ai vu à bord, je n'ai pas trouvé d'argument qui justifiait le fait de le renvoyer du bord", expliquait Bernard Stamm dans son rapport de mer. « Tout s'est passé très vite, j'ai subi ce qui s'est passé », précisait-il lors de la vacation de jeudi.
Le jury international et indépendant, nommé par la Fédération française de voile, a estimé que « s’amarrer sur un autre bateau » constituait une première infraction et que « ne pas demander à la personne sur son bateau de quitter le bord quand il l’a découverte » en était une deuxième.
Inquiétude des marins
La décision prise par le jury pose en effet plusieurs questions fondamentales pour la course au large en général et l'avenir du Vendée Globe en particulier: le jury pouvait-il décemment disqualifier Bernard Stamm naviguant en plein Pacifique sans entendre son témoignage ni même sans avoir recueilli le témoignage du navire russe accusé d'assistance? L'autre question porte sur la notion "d'assistance": en perdant 2000 milles pour réparer son bateau puis en prenant les bonnes décisions pour le sauver, Bernard Stamm n'a-t-il pas juste agi en bon marin? "Il n'y a pas eu aide à la performance, explique un bon connaisseur du dossier qui a pris position en faveur du marin franco-suisse. Quand je vois tous ces marins qui ont leur team manager quotidiennement au téléphone, sans que personne n'assimile cela à une aide extérieur, et que je vois la façon dont est géré le cas de Stamm, je suis vraiment triste et inquiet".
Suite au sauvetage de Jean Le Cam par Vincent Riou, l'édition 2008-2009 du Vendée Globe avait accouché d'une interrogation sur la responsabilité du marin qui se détourne pour sauver un concurrent et qui casse son bateau. À n'en pas douter, l'édition 2012-2013 a trouvé un nouveau débat. "Il va falloir clarifier les choses, explique un habitué des jurys et de la course à haut niveau. Il ne faut pas dégoûter les marins et encore moins les entreprises sponsors qui investissent des millions par passion et n'accepteront pas de voir leurs efforts détruits par une décision discutable de jury".
Les soutiens:
Dominique Wavre: "C'est vraiment un grand malheur qui lui tombe dessus. Je connais évidemment bien Bernard, c'est un bon copain et on a vécu des moments très intenses ensemble. Je ne veux pas faire d'autre commentaire, juger le jury ou polémiquer. Je veux juste dire à Bernard que je suis de tout cœur avec lui".
Jean Le Cam: « Je suis remonté comme une pendule sur cette histoire-là. Pour moi, Bernard a agi en bon marin, il a tout fait pour sauver son bateau et on le pénalise ! Pour vous donner une image, c’est comme si un mec se retrouve au bord de la falaise, il risque de tomber, il y a quelqu’un qui lui tend la main et il devrait lui répondre : « ben non, parce que c’est le règlement, alors tu ne me tends pas la main », et il tombe de la falaise !
Ça me désespère. Si ce qu’a vécu Bernard n’est pas un cas de force majeure alors je ne sais pas ce que c’est. J’ai envoyé un mail au jury ce matin car on ne peut pas prendre des décisions pareilles.
Il faut se rendre compte qu’à l’avenir on ne pourra plus se porter assistance en cas de danger immédiat, de peur d’être disqualifié. Devrions-nous laisser nos bateaux aller au carton ? »
Jean-Pierre Dick: "Cette décision du jury me parait totalement démesurée. Bernard Stamm a commis une infraction aux règlements, je peux comprendre qu'il soit pénalisé pour cela, mais pas à cette échelle. La disqualification est vraiment forte. C'est hallucinant ! Il s'agit d'un cas de force majeure, Bernard a agi en bon marin pour sauver son bateau. Nos projets nécessitent une implication importante, un travail acharné du marin, des équipes et des sponsors. Bernard se bat chaque jour contre les éléments, les casses matériel. Il me parait plus juste qu'il reste en course avec une pénalité. Je souhaite que le jury révise sa décision. »
Javier Sanso: " Ta compagnie d'assurance doit être heureuse que tu aies demandé de l'aide pour ne pas perdre le bateau! Tu as fait le bon choix à Auckland."
Mike Golding: " Le Vendée Globe est LA course ultime en solitaire. Nous devons en accepter les règles et l'absence d'assistance nous oblige à une totale autonomie.
Je pense que je comprends le processus derrière la décision. Les règles sont les règles, etc. Mais quand vous connaissez l'histoire de Bernard et la situation dans laquelle il est, avec une grande partie du Pacifique Sud à parcourir, puis le Cap Horn et la menace des icebergs, ça parait très injuste. (...) Je suis vraiment réservé sur cette décision, elle ne me semble pas correcte et je suis vraiment, vraiment très triste pour Bernard. J'espère qu'il pourra faire appel et rester en course."
Ronan Lucas, directeur team Banque Populaire: "Ce mail pour apporter tout notre soutien à Bernard et son équipe pour cette décision que nous estimons disproportionnée ! Armel Le Cléac'h que j'ai eu hier après midi souhaitait envoyer un mail à la direction de course pour exprimer son mécontentement sur ce sujet et demander à ce que Cheminées Poujoulat puisse continuer en course."
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