
La toujours radieuse navigatrice du Finistère rêve d’incorporer le projet de la prochaine Volvo Ocean Race 100 % féminin de la société suédoise SCA.
La voile est un sport d’expérience où l’on est encore très jeune à bientôt 37 ans. Jeanne Grégoire l’a bien compris, c’est pourquoi elle ne s’est pas abattue après la fin du partenariat qui la liait avec la Banque Populaire depuis huit ans. Au contraire, à peine le temps de souffler que l’ancienne cavalière a déjà trouvé une nouvelle monture de taille : participer à la prochaine Volvo Ocean Race en 2014-2015 (tour du monde en équipage avec escales) sur un bateau 100 % féminin. La Bretonne d’adoption n’élude aucun sujet, de la Volvo Ocean Race au Vendée Globe en passant par le Figaro…
Figaro Nautisme : Quels sont vos projets à court et moyen terme ?
Jeanne Grégoire : Mon objectif principal est d'intégrer l'équipe SCA 100 % féminine pour courir la prochaine édition de la Volvo Ocean Race en 2014-2015. En parallèle j'ai racheté le Figaro sur lequel j'ai navigué pendant 8 ans à la Banque Populaire comme ça, si je suis embarquée sur la Volvo, je le louerai puis naviguerai dessus après !
Quel est ce fameux projet Volvo Ocean Race 100% féminin ?
La société SCA va armer un 65 pieds (nouveau monotype de presque 20 mètres) pour courir la prochaine Volvo Ocean Race avec un équipage entièrement composé de femmes. En attendant le nouveau bateau, la société nous teste sur l'ancien monocoque Puma. Ce projet est génial car il est géré par d’anciens navigants. Richard Brisius, Magnus Olsson, Brad Jackson, Joca Signorini, Casey Smith et Martin Stomberg, pour ne citer qu’eux, nous entrainent. Ils possèdent à eux tous pas loin de 15 Volvo Ocean Race, autant dire que c'est énorme!
« C'est une chance énorme pour les filles de notre génération »
Combien de personnes composeront l'équipe navigante ? Et combien de candidats sont testés ?
Pour un équipage féminin, nous avons le droit d’embarquer 11 personnes à bord, plus un chargé de la communication. A l’heure actuelle je ne connais pas le nombre de dossiers reçus par la société mais j’imagine qu’elle en a un sacré paquet ! C'est une chance énorme pour les filles de notre génération de voir un tel projet se monter de manière aussi professionnelle, c’est donc tout naturellement que nous aimerions faire partie de l’aventure.
Avez-vous préparé spécifiquement cette sélection ?
Bien sûr, je mets toutes les chances de mon côté : je prends des cours d'anglais depuis trois mois (rire), je fais à bloc du sport, je m’informe énormément auprès de Charles Caudrelier, Jean Luc Nélias, Sébastien Josse. Je réfléchis au projet dans son ensemble pour essayer d'y trouver une place. Maintenant que j'ai un peu navigué sur le bateau, je vais effectuer un important débriefing en espérant être retenue pour la prochaine étape de la sélection.
Penseriez-vous un jour possible de faire la Volvo Ocean Race ?
J'avoue qu'avant l'aventure de Franck Cammas sur Groupama je regardais la Volvo de loin. Bien sûr, j'avais suivi celle de Sébastien Josse mais en tant que navigatrice solo et qui plus est, française, je ne pensais pas un jour pouvoir accéder à cette incroyable aventure.
« Je peux comprendre que les hommes se sentent plus fort entre eux (rire) »
Pourquoi faut-il attendre la création d'un projet estampillé 100 % féminin pour voir des femmes embarquées sur ce genre de compétition ?
Pour avoir une bonne réponse, il faudrait poser la question aux skippers de la dernière Volvo, tous masculins. Je n'ai que quatre jours de navigation sur SCA alors mon expérience est assez limitée. Cependant tu te rends assez vite compte de l'engagement physique et humain que cela demande à chacune des personnes à bord. Alors je peux comprendre que les hommes se sentent plus forts entre eux (rire). Je pense aussi que cela touche à l'intimité ou disons à la non intimité qu'impose le bateau. Lorsque nous avons fait le convoyage entre l'Angleterre et les Canaries nous étions sept filles et cinq garçons et cela a été était vraiment super ; peut-être que l'on verra un équipage comme cela sur le départ… Cela offrirait encore des places supplémentaires à toutes les filles qui naviguent dans le monde.
Aurez-vous un avantage ou un handicap de naviguer à deux de plus que les équipes masculines ?
Un avantage, c'est sûr, car le bateau est super physique ; et en bonne Française, je dirais « plus on est de fous, plus on rit ! »
« Je veux donner toute mon énergie à la performance ! »
Quel pourrait être votre poste à bord ?
Il faut déjà être sélectionnée pour penser à ça ! J'ai un profil très généraliste donc je suis surtout prête à me perfectionner dans le domaine où il n'y aura pas déjà une fille très spécialisée. Les Suédois ont noté que sur l'équipage de Groupama, il y avait six figaristes alors lorsqu'ils ont cherché des filles, ils sont forcément tombés sur moi et mes huit Figaro. Cela veut dire que je suis capable de barrer de nuit avec de la mer mais aussi de régler les voiles, faire de la navigation, mouliner, etc. Ce qui est sûr c'est que je veux donner toute mon énergie à la performance !
Armel Le Cleac'h vient de boucler son deuxième Vendée Globe à la seconde place. Quel regard portez-vous sur sa course ?
Enorme ! François Gabart et Armel Le Cleac’h ont fait une course de malade. En réalité je ne suis pas très surprise par leur performance sportive mais davantage par le fait que la « mécanique » les a laissé régater à haut niveau tout autour de la planète, ce qui est complètement hallucinant! C'était une vraie régate et non une course à élimination, j’ai adoré les suivre.
La Banque Populaire a annoncé que c'est Armel Le Cleac'h qui participera à la prochaine Solitaire du Figaro sous ses couleurs. Auriez-vous des conseils à lui donner ?
Je ne me vois pas donner des conseils à quelqu'un qui a déjà deux Figaro à son actif ! Son bateau portera les couleurs de la Banque Populaire que j’ai portées pendant huit ans mais j’aurai moi aussi mon bateau sur l’eau qui sera skippé par Jérémy Beyou et j'avoue en être assez fière (rire). En tout cas la Solitaire possède un plateau extraordinaire cette année, ça chauffe déjà sur les pontons de Porlaf (Port-la-Forêt) !
Que pensez-vous du choix de la Banque Populaire de placer Armel Le Cleac’h sur l'ancien Groupama 3 pour la future Route du Rhum ?
C'est top de voir que la Banque Populaire reste un gros sponsor de la Voile. Et si dans la démarche, ce n'est pas très innovant, dans les faits, il y aura peut-être une plus belle régate dans cette classe Ultime avec plus de bateaux.
« François Gabart bidouillait encore son ordi, comme d'hab et j'ai quand même louché au dessus… »
Vous avez régaté aux côtés de François Gabart en Figaro, êtes-vous surprise par son ascension ?
Non (rire) !
Avez-vous une anecdote à nous raconter à son propos ?
Oh oui ! Et j'ai même plutôt deux anecdotes sur le vainqueur du Vendée Globe. En ce qui est de l’aspect professionnel et perfectionniste qui le caractérise, je me souviens d’un briefing à Porlaf, (je me demande même si ce n'était pas la 1ère année de François) où nous étions assis côte-à-côte. Il bidouillait son ordi, comme d'hab' et, en louchant par dessus son épaule, j'ai réalisé qu'il faisait un petit tableau Excel. Un système très simple qui, en fonction de la vitesse du vent et donc du bateau, lui donnait la distance exacte à laquelle il fallait affaler le spi. En tant que bizuth, on a souvent beaucoup d'autres préoccupations avant celle-là. Pas lui.
L’autre anecdote s’attache plus à l’humain. François est mon voisin et un matin, alors que la boulangerie du bourg était fermée, j'ai trouvé une panière pleine de croissants et de pains au chocolat devant ma porte. Il y avait aussi un mot : « ça ne servait à rien qu'on soit deux à faire 10km pour trouver du pain". La générosité incarnée.
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