"Nous ne sommes qu’au début de la révolution"

Régates
Par Figaro Nautisme

Réunis pour l’occasion, Vincent Lauriot-Prévost, architecte naval qui a notamment travaillé sur la conception des élévateurs de Luna Rossa, et Hervé Devaux, ingénieur structures chez Artemis, ont donné leurs avis d'experts sur cette 34e Coupe de l'America.

Réunis pour l’occasion, Vincent Lauriot-Prévost, architecte naval qui a notamment travaillé sur la conception des élévateurs de Luna Rossa, et Hervé Devaux, ingénieur structures chez Artemis, ont donné leurs avis d'experts sur cette 34e Coupe de l'America.

"Ces nouveaux catamarans nous ont fait apprendre énormément de choses", assure Vincent Lauriot-Prévost, architecte naval mondialement reconnu avec son cabinet VPLP qui a dessiné notamment les plans de Banque Populaire V, vainqueur du trophée Jules Verne, le monocoque Macif avec lequel François Gabart a remporté le dernier Vendée Globe ainsi que les MOD 70, trimarans de course au large.

 

"Le renouveau des Américains dans cette Coupe vient de leur changement de conduite au près, ils me semblent avoir un meilleur VMG, c'est à dire un compromis plus intéressant depuis qu'ils ont privilégié la vitesse", note Hervé Devaux, responsable structures chez Artemis. "Le vent apparent plus important a impliqué un affinage des profils de l’aile et du foc qui sont désormais plus plats et plus performants", spécifie-t-il.


« Les ailes sont différentes »


"Les ailes d'Oracle Team USA (OTU) et d'Emirates Team New Zealand (ENTZ) sont assez différentes, celle des Américains possède trois éléments : un mât, un "flap" (partie arrière de l'aile) et un élément 2 (volet de bord de fuite twistable sur OTU) alors que celle des Néo-Zélandais ne comporte que deux éléments : 1 et 2 sans flap. L'élément 1 est vriable, ce qui les aide au près mais qui peut aussi devenir très dangereux en manœuvre car il n'est pas auto-vireur. Les Kiwis ont failli chavirer à cause de cet élément resté à contre", explique Hervé Devaux. "Par contre l'aile du defender est inversable en haut, ce qui stabilise le bateau", ajoute Vincent Lauriot-Prévost.


« Dans 8 ans ces bateaux là seront des ancêtres »


À l'évocation des progrès à venir pour les prochaines éditions, les deux experts sont unanimes : "Nous ne sommes qu'au début de la révolution. Les améliorations sont fulgurantes, on l’a vu particulièrement pendant ces deux mois de compétition où chaque catamaran a amélioré ses vitesses de manière très significative. Dans huit ans ces bateaux là seront des ancêtres. Les équipes n'ont presque pas travaillé l'aérodynamisme des coques, ils ont préféré miser sur la rigidité", déclare l'architecte naval breton.


« Un brouillon extrêmement réussi »


Selon eux, les possibilités d'accroître la vitesse des futurs bateaux sont multiples. "Déjà, il faut reconnaître que nous partons pour la prochaine Coupe avec un brouillon extrêmement réussi. Toutes les restrictions de la jauge au niveau des appendices étaient faites pour empêcher les AC72 de voler or dès qu'on interdit quelque chose, on pousse en fait les équipes à braver l'interdit", garantit Vincent Lauriot-Prévost. "Plus tard nous n'aurons même plus de coques sur les bateaux parce qu'elles ne serviront plus du tout, ou juste à l'arrêt ou pour des raisons de sécurité", s'amuse Hervé Devaux. "Plus tard, on dira que ces AC72 étaient has-been", ose-t-il.


« Avec l’élévateur réglable on attendra des vitesses encore plus impressionnantes »

  

À la question du point à améliorer pour aller encore plus vite, une pièce ressort du lot : les élévateurs (comme des ailerons fixés au safran permettant l'élévation de l'AC72 et le maintien du vol). "C'est la pièce la plus facile à travailler car elle ne supporte qu'une pression d'une tonne en statique quand les foils subissent 3,5 tonnes en latéral et 6,5 tonnes en vertical. Le jour où la jauge permettra de modifier les élévateurs en navigation - pour le moment ils sont fixes pour des raisons de sécurité - nous atteindrons des vitesses encore plus impressionnantes", espère le designer finistérien.


« On a dépassé tous les budgets confondus de la course au large depuis 20 ans »


La Coupe de l'America s’assimile de tout temps à une guerre d'argent qui a souvent permis au nautisme de faire un bond en avant. "Au cours de cette 34e Coupe de l'America, l'investissement design, recherche et développement a dépassé tous les budgets confondus de la course au large depuis 20 ans", affirme Vincent Lauriot-Prévost, très bien placé pour avoir dessiné une bonne partie des multicoques de course dans le monde. "Dans une équipe de la Coupe, la moitié du budget total part en masse salariale, l'autre partie pour le pôle technique. Les Américains auraient dépensé près de 200 millions de dollars mais ils ont dû construire trois AC72 en tout après le chavirage de leur premier catamaran en octobre 2012, de plus un salarié comme Russell Coutts coûtait 9 millions de dollars par an en 2011 et 2012 car il cumulait trois casquettes : patron du design team, skipper en AC45 et patron du défi américain", constate Hervé Devaux.

 

« Je ne vois que Loïck Peyron et Franck Cammas capables d'assurer ce poste »


Le futur de la Coupe de l'America se dessinera vraisemblablement dans les semaines et mois à venir. L'hypothèse d'un défi français capable de rivaliser avec les Américains et Néo-Zélandais les laisse dubitatifs. "Je ne vois qu'un mécène capable de financer un défi car en France même les entreprises en bonne santé financière sont réticentes à l’idée d’investir dans le sponsoring sportif, on dirait qu'elles ne veulent pas afficher leur richesse. Impossible également de voir l'État français verser de l'argent public dans un défi comme c'est le cas en Nouvelle-Zélande, cela provoquerait une énorme levée de boucliers", garantit Vincent Lauriot-Prévost. "Pour mener une campagne, il faut quelqu'un d'expérience et de charismatique pour mener l'énorme structure qu'une équipe de la Coupe implique. Je ne vois que Loïck Peyron et Franck Cammas capables d'assurer ce poste", ajoute-t-il.


La 34e Coupe de l'America s'achèvera dès qu'un des syndicats comptabilisera 9 points. Les Kiwis peuvent dès ce mardi remporter le trophée – grâce à leurs 6 unités acquises - alors que le defender américain doit encore gagner 8 duels. Deux manches sont programmées à 13h15 et 14h15 (22h15 et 23h15 heure française) ce 17 septembre.

 

 

Diaporama
L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte Lacroix
Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
Max Billac
Max Billac
Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Denis Chabassière
Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Michel Ulrich
Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT
METEO CONSULT est un bureau d'études météorologiques opérationnel, qui assiste ses clients depuis plus de 30 ans. Les services de METEO CONSULT reposent sur une équipe scientifique de haut niveau et des moyens techniques de pointe. Son expertise en météo marine est reconnue et ses prévisionnistes accompagnent les plaisanciers, les capitaines de port et les organisateurs de courses au large depuis ses origines : Route du Rhum, Transat en double, Solitaire du Figaro…