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En 2009, quarante ans après sa victoire, Robin Knox Johnston se désole publiquement : « Beaucoup trop de gens restent assis au bar de leur club nautique et disent vouloir faire le tour du monde en solitaire mais ne le font jamais. Le conseil que je leur donnerais, c’est que si vous en avez l'envie, alors faites-le. Ne laissez rien se mettre en travers de votre chemin. Vous ne le regretterez jamais. » Présent dans la salle Don McIntyre, participant du BOC-Challenge 1990-91, tour du monde en solitaire mais avec escales, en tire une idée géniale : organiser une course vraiment accessible à tous, comme lors du défi initial lancé par le Sunday Times en 1968. Le principe est donc simple, un tour du monde par les trois cap (Bonne Espérance, Leeuwin et le Horn), en solitaire, sans escale, sans communication (seulement quatre points de collecte des images prises à bord sont prévus), et uniquement en se positionnant au sextant. L’aventurier australien prône donc la sobriété technologique, mais aussi un certain conservatisme architectural. Ainsi, les bateaux engagés doivent-ils avoir été dessinés avant 1989, ne pas dépasser 36 pieds (10,97m), avoir un déplacement minimum de 6 200 kg, et être équipés d’une quille longue que vient prolonger le safran. Un cadre de jauge visiblement inspiré par le bateau vainqueur de 1969, le « Suhaili » de Knox-Johnston, qui donne d’ailleurs son nom à cette classe. Trente marins au maximum (dont 4 potentiels invités par l’organisation) pourront prendre le départ. Mais qui sont-ils ces skippers inconnus du grand public et qu’est-ce qui les pousse à se lancer dans cette aventure qui pourrait paraître un peu folle au premier abord ?
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La prime à l’expérience
A ce jour, ils sont 25 à préparer leurs bateaux. Mais seuls cinq solitaires étaient revenus aux Sables d’Olonne sur 18 partants en 2018. Espérons qu’ils seront plus nombreux à boucler le tour du monde cette fois. Avec une moyenne d’âge de 55 ans, on sent bien que la Golden Globe Race s’adresse à un public expérimenté. D’ailleurs, les 73 printemps de Jean-Luc Van Den Heede ne l’ont pas empêché de remporter haut la main la première édition. Est-ce que le doyen de 79 ans, le Britannique David Scott Cowper lui succèdera ? A moins que le benjamin de l’épreuve, l’Américain Elliott Smith, seulement 26 ans, ne créée la surprise ? En réalité, pour Elliott comme pour de nombreux concurrents, la course ne semble qu’un prétexte pour réaliser un rêve, et le classement être de peu d’importance. Lui, espère plutôt que « l’esprit et la rudesse de la course m'aideront à me débarrasser des millions de distractions que le monde actuel nous impose. J'ai hâte de me " déconnecter " et de me connecter au monde réel, sans écrans ni GPS, et de tirer les dures leçons de l'expérience océanique en solitaire. »
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Portrait-Robot : 55 ans, Européen, sur un Rustler 36
De douze nationalités différentes, les Européens sont les plus nombreux (14), les Britanniques en tête (6), ainsi que trois français qui tenteront de succéder au grand VDH. Parmi eux, se trouve un certain Damien Guillou, ancien Figariste émérite et préparateur de 60 pieds Imoca. Le sponsor du team au sein duquel il officiait lors du dernier Vendée Globe l’accompagne d’ailleurs sur cette course : on peut dire que PRB connaît la route, avec huit participations et deux victoires en 9 éditions ! Mais il aura fort à faire avec le contingent Australien, qui compte trois concurrents dont le récidiviste Mark Sinclair. Son arrêt à Adélaïde durant l’édition de 2018, ne l’a pas découragé. Il est reparti d’Australie trois ans jour pour jour après, soit le 5 décembre 2021 pour revenir aux Sables d’Olonne et prendre le départ de la GGR 2022. Le danger pourrait également venir de Graham Dalton, discret frère d’un certain Grant Dalton, légende vivante de la voile Kiwi. Surtout qu’il a racheté le Rustler 36 tenant du titre aux mains de VDH sous le nom de Matmut. Le dessin de Holman & Pye construit à une centaine d’exemplaires dans les années 80, est d’ailleurs le plus représenté au sein de la flotte avec pas moins de huit unités. Seul le Tradewind 35 a été retenu par trois concurrents, quand tous les autres sont des exemplaires uniques, dont notamment une réplique du Suhaili originel, que mènera l’Australien Mike Smith.
Une seule femme au départ
Enfin, quatre concurrents rempilent après une édition 2018 pas forcément aboutie, et une seule femme, la Sud-Africaine Kirsten Neuschäfer devrait prendre le départ. Quant au parcours le plus inspirant, on ne peut que citer Gaurav Shinde, le skipper Canadien qui partira sur les traces de Dilip Donde, premier circumnavigateur en solitaire indien, son pays d’origine. Dans tous les cas, qu’ils soient ingénieurs, retraités, médecins urgentistes, ou marins de commerce, leur détermination et leur simplicité forcent le respect. Car se confronter aux éléments plus de 200 jours consécutifs (212 jours pour VDH en 2019) sur de « petits » bateaux de 10-11m équipés à l’ancienne est loin d’être anodin : une vraie et belle aventure maritime, au sens authentique du terme.
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