
C’est une interview du navigateur Jacques Caraës, par ailleurs Directeur de Course du dernier Vendée Globe, chez nos confrères de Tip & Shaft qui a éveillé notre curiosité. Prévue en 2020 et annulée comme tant d’autres évènements pour cause de pandémie, la Fife Regatta devrait bien avoir lieu en juin 2022. Le Breton devrait y mener le superbe Mariquita. Ce cotre de 29 mètres construit dans le chantier familial des Fife à Fairlie en Ecosse en 1911, a été sauvé d’une vasière en 1991, puis superbement restauré entre 2001 et 2004. Duncan Walker et ses orfèvres de Fairlie Yachts ont accompli des miracles pour redonner tout son lustre à ce mythique 19MJI qui, depuis, écume toutes les régates classiques.

Une histoire de famille
C’est dans ce petit port écossais qui donne sur le Firth of Clyde, à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de Glasgow que naît en 1857 William Fife, fils et petit-fils d’architectes navals et constructeurs de bateaux. Difficile avec une telle ascendance d’échapper à son destin, mais William ajoute un talent certain à son riche ADN. Au point qu’au tournant du siècle, l’élégance de ses plans et l’excellence de ses constructions font de l’ingénieur britannique, une personnalité incontournable pour les aristocrates du yachting. Même s’ils ne ramèneront pas la fameuse aiguillère d’argent sur le sol de sa gracieuse majesté, les Shamrock dessinés pour Sir Thomas Lipton pour la Coupe de l’America marqueront l’histoire. Maîtrisant tout aussi bien le bois que l’acier, la perfection des lignes extérieures et les performances exceptionnelles cachent souvent des intérieurs somptueux.

De Viola à Pen Duick
Viola, Mariska, Hispania, Tuiga, Moonbeam ou encore la goélette Altaïr, sont des noms qui, un siècle et demi plus tard sont plus que jamais synonymes d’élégance et de belle plaisance. De ce côté-ci de la Manche, le Commandant Charcot a commandé à l’architecte-constructeur écossais le « Pourquoi Pas ? » deuxième du nom. Mais c’est Pen Duick acquis par la famille Tabarly qui a sans aucun doute le plus popularisé le nom Fife auprès de nos compatriotes. Qualifié de 36 pieds, plus pour sa longueur à la flottaison (10.05m) que pour sa longueur hors-tout (15.10m), le superbe cotre aurique construit en 1898 est acquis par Tabarly père en 1938. Il le cèdera à son fils en 1952 qui sauvera la coque en bois fort endommagée, la recouvrant de fibre de verre et de polyester dans le chantier Trinitain des frères Costantini. Il le couvera de toutes ses attentions jusqu’à sa disparition en 1998, terrible ironie du sort, emporté en Mer d’Irlande, par la flèche de son bateau préféré. Il se rendait alors à Fairlie pour, justement, le premier rassemblement de plans Fife.

Le rendez-vous du yachting
Sur la centaine de voiliers dus au génie William Fife encore à flot, pas moins d’une trentaine sont susceptibles de se retrouver sur la côte occidentale de l’Ecosse en juin prochain. Ils fêteront le 165 ème anniversaire de l’architecte vénéré aux quatre coins du monde. La Fife Regatta a pour but de ramener les créations de William Fife sur leur lieu de naissance, à Fairlie sur la Clyde, d'où sera donné le départ de l’évènement. Comme prévu en 2020, la flotte pourrait d’abord se diriger vers le nord en s'arrêtant à Holy Loch sur la péninsule de Cowal. Puis, depuis Hunters Quay ils pourraient se diriger vers Rothesay, sur l'île de Bute. Cap ensuite sur Tighnabruaich et Kames pour une parade sous voiles. Selon les conditions météo, les voiliers pourraient revenir à Largs en contournant Bute par le sud, ce qui les ferait passer sous les montagnes d'Arran pour le plus grand plaisir des photographes. Enfin, tradition oblige, la régate de clôture pourrait avoir pour cadre le "King's Course", au nord de l'île de Cumbrae sur la Clyde, une zone où ces magnifiques voiliers avaient déjà leurs habitudes au début du siècle dernier.

Pour en savoir plus… Pour les amateurs, deux livres incontournables retracent l'histoire et la beauté des plans Fife. May Fife McCallum a écrit « Fast and Bonnie » (Birlinn Books), qui retrace l'histoire de sa propre famille et des bateaux conçus par les trois générations sur la Clyde. Les recherches concernant ce riche héritage ont nécessité de nombreuses années de travail et la publication du livre a coïncidé avec un regain d'enthousiasme des propriétaires qui restauraient ces yachts ornés du célèbre dragon. Mais la lignée Fife a également été célébrée par le photographe italien Franco Pace qui a travaillé avec Classic Boat pour créer un livre magnifiquement conçu, William Fife : Master of the Classic Yacht en 1998. Deux Écossais, William Collier et Iain McAllister, ont participé à la production de l'ouvrage, Eric Tabarly en rédigeant la préface. Bien entendu, Franco Pace s'est rendu en Écosse pour la première régate de Fife et ses images témoignent pour la postérité, de la renaissance des yachts construits sur la Clyde, et de la passion intacte qui les entoure.