Route du Rhum 2022 : des chiffres et des faits
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36, comme le nombre de partants lors de la première édition remportée par le petit trimaran jaune Olympus Photo de Mike Birch, devant Kriter, le long cigare noir de Michel Malinovsky, pourtant presque deux fois plus grand. 98 secondes seulement d’écart qui feront entrer le multicoque et la route du rhum immédiatement dans la légende. Malheureusement, un autre fait de course, plus dramatique y contribuera également, la disparition jamais expliquée d’Alain Colas à bord de Manureva, l’ancien Pen Duick IV.
L’imagination pour seule limite
27 mètres, c’est la longueur du trimaran William Saurin mené par Eugène Riguidel, un géant à l’époque. La taille des navires sera ensuite progressivement limitée, notamment à 60 pieds (18.28m) de 1990, victoire mémorable de Florence Arthaud sur son trimaran Groupe Pierre 1 er , à 2006, édition remportée par Lionel Lemonchois dans le temps canon de 7 jours et 17h sur Gitana 11. Il faudra attendre 2010 et les 31.50m de Groupama 3 pour retrouver les géants.
Solitaires à la barre de géants
3 victoires, c’est d’ailleurs le record exceptionnel établi par ce formidable trimaran mené initialement par Franck Cammas, puis en 2014 par Loïck Peyron sous le nom de Banque Populaire et enfin en 2018 par Francis Joyon sous les couleurs d’Idec. C’est le Fabuleux destin d’un dessin VPLP construit par Multiplast à Vannes, qui a également battu 2 fois le Trophée Jules Verne, le tour du monde en équipage ! La seule certitude c’est qu’il n’y aura pas plus grand sur la ligne de départ cette année, la classe Ultim limitant la longueur à 32m. Francis Joyon réalisera-t-il le doublé et son bateau un quadruplé ? Il faudrait une bérézina tout aussi cruelle qu’il y a quatre ans pour les trimarans géants, mais cette fois ils seront au moins six, au lieu de quatre, au départ.
Le marathon devenu sprint
Diviser par 3, en 40 ans, le temps de parcours, à la voile et en solitaire, entre St Malo et Pointe à Pitre, c’est ce qu’ont réussi à faire, architectes, constructeurs et skippers. Les 23 jours et 7 heures de Mike Birch sont devenus 7 jours et 14 heures pour Francis Joyon. Deux hommes qui sont indéniablement proches dans leur démarche, dans la vision ascétique de leur sport. Le témoin est passé. En monocoque, c’est toujours le temps de référence de François Gabart sur le 60 pieds Macif en 2014 qui fait référence. Paul Meilhat en 2018 ne réussissant pas à faire mieux que 12 jours et 04 heure, record à battre.
Quitter l’automne…
30% c’est le taux moyen d’abandons sur une transat réputée dure, partant au cœur de l’automne avec pour commencer une traversée du Golfe de Gascogne souvent périlleuse. Ensuite ce sont des alizés parfois capricieux, demandez à Stève Ravussin qui chavire à quelques jours de l’arrivée de la septième édition, alors qu’il est en tête avec un confortable matelas d’avance. La douceur des tropiques se mérite durement, et tous les concurrents ne goûteront pas la chaleur des eaux guadeloupéennes. Si les deux premières éditions et la dernière sont dans la moyenne, 1986 est la pire année avec 53% d’abandon. Malgré la mémorable hécatombe subie par les trop volages trimarans de 60 pieds, 2002 ne fait « que » 47% de dégâts. Pourtant avec seulement 3 bateaux à l’arrivée, victoire de Michel Desjoyeaux, pour 15 partants, cette édition signera la fin de la classe Orma.
Avec plus de 100 inscrits, les écarts se creusent
Plus de 24 jours, c’est le plus grand écart enregistré entre le premier et le dernier, un record établi en 2018 mais qui n’a fait que croître. Avec la multiplication des classes, l’augmentation du nombre de concurrents et l’envol des géants ultims, les écarts se creusent. 4 fois le temps du premier sur les deux dernières éditions, le triple en 2010 et 2006, le double en 1998 et 2002. En 1978, le dernier à passer la ligne n’avait mis que 48% de temps en plus que Mike Birch le grand vainqueur. Le plus faible écart est constaté en 1990, Titouan Lamazou sur son monocoque Ecureuil d’Aquitaine, arrivant seulement 3 jours et 04 heures après Florence Arthaud pourtant en trimaran. Cette fois, il ne faudra pas traîner en route, car la ligne fermera le 4 décembre, soit une vingtaine de jours seulement après l’arrivée estimée du premier.
Rares doubles vainqueurs
Enfin, ils ne sont que cinq à l’avoir emporté deux fois. Les doublés réalisés par Laurent Bourgnon en trimaran et Roland Jourdain en monocoque de 60 pieds restent dans toutes les mémoires. Mais l’exploit de Lionel Lemonchois, dit aussi « le bon choix », est tout aussi exceptionnel, vainqueur en Orma en 2006 et en Multi 50 quatre ans plus tard. Franck-Yves Escoffier quant à lui, mènera deux fois son trimaran de 50 pieds rouge, « Crêpes Wahou » à la victoire. Mais La Route du Rhum est aussi le rendez-vous d’amateurs particulièrement éclairés, à l’image de Pierre Antoine, vainqueur dans deux classes différentes et à 12 ans d’écart, entre 2006 et 2018 lorsqu’il devance tous ses concurrents, dont un certain Loïck Peyron, dans la catégorie Rhum Multis.