
Vous vous souvenez de la première fois que vous avez entendu parler de la Route du Rhum ?
J’étais tout petit mais je me souviens de la deuxième édition, celle de la victoire de Marc Pajot, j’avais alors 7-8 ans.
C’était donc en 1982, qu’a fait François Guiffant les quarante années qui ont suivi ?
Mon parcours nautique est assez simple, puisque j’ai commencé la voile à la pointe de Penmarch, dans une petite école de voile, qui ne connaissait pas du tout la voile sportive. C’était plutôt de la découverte parce que c’est un endroit où il y a beaucoup plus de pêche que de voiliers. Je me suis initié à la voile sportive à seize ans. J’ai ensuite travaillé dans la voile avec une petite apparté où je suis parti voyager 4-5 ans et je suis revenu travailler dans la voile professionnelle et régater très rapidement et jusqu’à maintenant et sur le maximum de supports que je trouve.
La dernière fois qu’on vous avait croisé c’était en Ecosse sur la Richard Mille Fife Regatta, à la barre du magnifique classique Moonbeam, et aujourd’hui on vous retrouve à la barre d’un 60 pieds Imoca au départ de la Route du Rhum, comment êtes-vous arrivé là ?
C’est une année particulière en effet, puisqu’en Ecosse je co-skippais Moonbeam IV avec Marianne Lebleu. Quand Benoît Couturier et Jacques Caraës m’ont appelé pour ce poste, j’avais déjà accepté de préparer le bateau de Pierre Lacaze qui voulait faire le Rhum. Mais ça se conjuguait assez bien dans la saison puisque jusqu’en mai j’étais avec Pierre pour la mise en route de l’Imoca et après j’ai changé de casquette pour passer sur Moonbeam, une super expérience, extrêmement riche. Mais Pierre Lacaze s’est blessé en septembre et il m’a proposé de reprendre la barre car j’ai déjà fait pas mal d’Imoca. En double sur des transats Jacques Vabre ou en équipage. C’était donc une très belle opportunité, un geste très généreux de sa part. En plus, j’ai beaucoup d’affect pour ce bateau, par ce qu’il représente avec l’association, donc cela a été assez naturel de prendre la barre.

Vous parlez de l’association Kattan, pouvez-vous nous en dire plus ?
Oui, le bateau court sans marque commerciale mais pour Kattan, l’association que Pierre Lacaze a monté avec des amis, et qui met en relation des jeunes, issus de Zones d'Education Prioritaire, avec de grandes entreprises, pour leur trouver des stages rémunérés. Ils ont ainsi une vision du monde du travail, et sont rémunérés pour pouvoir se déplacer, se loger, et faire un bon stage.
Pour revenir à la course, quelle est l’histoire de ce 60 pieds que tu vas mener vers Pointe-à-Pitre ?
C’est un bateau de légende sorti en mai 2004, celui de Bilou (NDLR Roland Jourdain) qui gagne cette même Route du Rhum en 2006 en un peu plus de douze jours. Il a aussi fait le Vendée Globe 2008 dans lequel il était en deuxième position avant de percuter une baleine au niveau des Açores. C’est un très beau plan Lombard qui a été revu en 2008 par Juan Kouyoumdjian avec encore un bon potentiel. Il est bien né, sain, très sécurisant. Il est aussi passé entre les mains de Samantha Davies et Yoann Richomme avec qui j’avais travaillé à l’époque. C’est un bateau au plan de pont simple, facile à manœuvrer, très propre, qui a toujours été bien entretenu à l’intérieur comme à l’extérieur.

A quoi va ressembler une journée type de François Guiffant sur la Route du Rhum ?
Une journée type pour moi est d’abord rythmée par les horaires des bulletins météo, par la nourriture, j’essaie de m’alimenter régulièrement et par les siestes. Je note à chaque fois que je vais dormir pour essayer de ne pas me retrouver en déficit. Le bateau avait mis 12 jours en 2006 avec des conditions exceptionnelles donc je pars plutôt sur quinze jours.
Ça serait quoi pour vous « faire une belle Route du Rhum » ?
C’est me faire plaisir, avoir une belle trajectoire, faire de belles manœuvres, et de bien finir. Ce sont les objectifs mais je pars sans pression parce que je viens de récupérer la barre il y a quatre semaines officiellement. Alors je n’ai pas de pression mais j’ai l’envie de faire une belle Route du Rhum parce que je ne sais pas si je vais en refaire une autre derrière. Il y a un très beau plateau, le plus beau qu’on ait jamais eu, et il peut y avoir de la bagarre à n'importe quel niveau dans la course. J’ai souvent une étiquette technique, de Boat Captain des bateaux, alors là, partir en solo, pouvoir m’exprimer sur l’eau, je suis hyper heureux, c’est un grand bonheur.