
Il faut voir la tête de Kevin Escoffier, le skipper de PRB Holcim actuellement en troisième position, sur la vidéo publiée par l’organisation, constatant que les routages qu’il vient d’effectuer pour lui et ses concurrents les font tous arriver au pied de Table Mountain dans un laps de temps de 10 minutes ! « Quel drôle de sport on fait ! Vingt jours en mer, tu t’arraches pour gagner chaque mètre, et à la fin tout se joue sur la météo ! Mais c’est comme ça, on sait que la voile c’est comme ça ! On verra». Et quand on lui pose la question de la tactique pour la journée à venir, la réponse fuse, lapidaire, comme une évidence : « Aller vite ! » On voit surtout qu’il aime ces batailles à couteaux tirés, et nous aussi il faut bien l’avouer. Alors que l’on pouvait être quelque peu dubitatif devant le maigre plateau proposé, on se prend au jeu de cette première édition ouverte aux Imoca. S’ils ne sont plus que cinq depuis que les VO65 sont restés en stand-by en Europe, le suspens est haletant sur cette étape entre le Cap Vert et l’Afrique du Sud.
17 changements de leader
Il faut dire que cette portion du parcours avec passage de l’équateur, pot au noir à négocier, anticyclone de Sainte Hélène à contourner, incursion dans le grand Sud avec zone de glace à respecter et premières dépressions septentrionales pour se propulser vers la nation arc en ciel, a tous les ingrédients d’un bon thriller. Et comme bateaux comme équipages sont de haut niveau, le spectacle est magnifique. Si nous avons bien compté, la course a déjà changé 17 fois de leader sur cette étape, soit presque autant que de jours passés en mer. A l’heure où nous écrivons ces lignes, c’est le bateau Allemand Team Malizia qui mène d’une courte tête devant les Américains d’11th Hour Racing Team et le Holcim-PRB de Kevin Escoffier qui lui, bat pavillon Suisse. Le sprint final est lancé, en route directe vers le Cap de Bonne Espérance. La flotte fait cap au Nord-Est après avoir empanné, ce qui a permis aux bateaux de s'éloigner de la zone d'exclusion des glaces placée par 45° Sud. Mais si les concurrents ont bien l’Afrique du Sud dans l’axe de leurs étraves, rien n’est simple pour autant, une zone de hautes pressions avec des vents très faibles s’interposant sur leur route. Le vent revenant par l'ouest, GUYOT Environnement-Team Europe et Biotherm pourraient en profiter pour revenir sur les trois leaders. Kevin Escoffier a donc bien raison, il est tout à fait possible, que les cinq équipes se retrouvent dans un mouchoir de poche en vue de Cape Town, alors que le dernier accusait un retard de plus de 400 milles nautiques il y a tout juste un peu plus de 24 heures.

Tout se jouera dans les derniers milles
Alors que les trois bateaux de tête, qui se tiennent en moins de 10 milles, naviguent entre 18 et 20 nœuds, les deux de derrière vont plus vite, autour de 25 nœuds, et comblent l’écart. Tout pourrait donc se jouer au sprint, sur les 100 derniers milles, et l’état de forme des marins devrait donc être prépondérant. Plus longue qu’attendue, cette étape a déjà été très éprouvante. La date d'arrivée prévue a même dû être repoussée de deux ou trois jours, et les équipes sont à court de nourriture. Elles se sont rationnées depuis quelques temps déjà, ce qui ajoute au stress physique et mental de cette deuxième étape. Il faudra qu’ils se ménagent plus et soient plus prévoyants sur la prochaine étape d’une distance record de 12 750 milles nautiques qui les mènera sans escale jusqu’à Itajai au Brésil après avoir franchi le mythique Cap Horn. Mais ça, ce sera après une arrivée tendue en Afrique du Sud où les attendent déjà Benjamin Dutreux et Boris Hermann. Les skippers en titre de GUYOT Environnement Team Europe et Team Malizia, qui n’ont pas pu prendre part à cette deuxième étape, seront donc frais et extrêmement motivés pour la suite du parcours. Rendez-vous en tous cas lundi matin à la première heure sur le site du Figaro Nautisme pour le récit exhaustif de cette arrivée haletante en terre africaine.