
Dans le Nord-Ouest de l’archipel, le long de la dorsale pour contourner l’Anticyclone des Açores, la douzaine de Class40 engagée sur Le Défi Atlantique devrait voir les lumières de Horta en ce début de semaine. Ce retour tardif de la Route du Rhum, qui évite un voyage cargo fort onéreux et pas très cohérent écologiquement, n’a rien d’un convoyage organisé. Le plateau est relevé et la bataille fait rage entre des marins bien reposés et des bateaux parfaitement révisés après avoir passé l’hiver dans les eaux chaudes caribéennes. A l’heure où nous écrivons ces lignes, il ne faut pas se fier au classement mais plutôt à la cartographie pour déterminer le trio de tête. C’est bien le Crédit Mutuel de Ian Lipinski qui mène la danse, poursuivi par deux Italiens déterminés, Ambrogio Beccaria, la révélation de la Route du Rhum sur Allagrande Pirelli, et Alberto Bona sur IBSA. Pour eux, mais surtout pour les bateaux à l’arrière du peloton qui pointent encore à plus de 800 milles nautiques de l’île de Faial, l’escale sera particulièrement courte si le programme reste inchangé. Les bateaux doivent en effet repartir dès dimanche prochain 16 avril en direction de La Rochelle, où les premiers sont attendus à partir du 21 avril.

Kirsten l’opiniâtre
Un peu plus au Sud, les skippers engagés sur le tour du monde vintage de la Golden Globe Race depuis plus de 217 jours ont dû fêter leur retour dans l’hémisphère Nord comme il se doit. La Ligne d’arrivée des Sables d’Olonne est à encore plus de 2000 milles nautiques, mais ce n’est pas grand-chose au regard de toute la route parcourue jusqu’ici, plus de 27 000 milles nautiques déjà dans leurs sillages. Mais là-encore cartographie et classements donnent deux images assez différentes d’une même réalité. Sur la première, l’Indien Abhilash Tomy sur Bayanat semble dans une position Ouest plus favorable que la leader au classement depuis le Cap Horn, la Sud-Africaine Kirsten Neuschäfer. Il est vrai que son option Est dans la Zone de Convergence Intertropicale n’était pas très heureuse et son avance a fondu comme neige au soleil, et dieu sait qu’il fait chaud en plein cœur du Pot au Noir. Mais si de 300 milles, l’écart a pu tomber à seulement 50 milles quand son second, décalé dans l’Ouest, bénéficiait d’un vent bien plus soutenu, elle a depuis retouché du vent. Alors que l’on pensait le retour de Tomy quasi-inéluctable, elle a trouvé les ressources pour grappiller chaque mille, s’est accrochée au moindre souffle d’air, et ce matin son avance dépassait de nouveau les 100 milles nautiques. Dans une position médiane, Simon Curwen désormais en classe Chichester suite à son escale technique au Chili, observe le mano a mano avec, on l’imagine, un brin d’amertume. A l’arrière de la flotte, les enjeux ne sont pas les même et l’aventure prend avec bonheur le pas sur la compétition. Le Britannique Ian Herbert Jones a ainsi voulu profiter pleinement de son passage au Cap Horn pour faire escale en Patagonie, quitte à poursuivre en classe Chichester. Enfin, un autre marin Britannique a reçu les félicitations de la toute nouvelle association des Cap Horniers créée par Robin Knox Johnston et Jean-Luc Van Den Heede. Guy Waites sur Sagarmatha a passé le Cap Horn le 3 avril, ce qui est très tard dans la saison, dans 40 à 60 nœuds de vent et une mer démontée. Bien que très fatigué après des semaines difficiles d’un point de vue météo dans le Pacifique, le skipper est bien entendu ravi de ce qu’il vit comme un accomplissement.

Les Imoca résistent bien
Enfin, à Itajai, les Imoca sont presque tous au sec pour une sérieuse révision après la plus longue étape, 14 000 nautiques, de ce tour du monde en équipage. Marins et bateaux ont souffert tout au long de ces traversées de l’Indien et du Pacifique cumulées. Mais l’expérimenté Neil Cox, Directeur Technique de The Ocean Race, a confié à la classe Imoca que les marins avaient peut-être plus souffert que les bateaux. Ayant travaillé sur les VO70 et les VO65, Neil Cox est impressionné à la fois par les marins et par les bateaux. Ces derniers sont selon lui arrivés en meilleur état qu’étaient arrivées les flottes des précédentes éditions après avoir pourtant parcouru le double de la distance. Il se dit admiratif « de leur conception, de la manière dont ils sont entretenus et des personnes qui les font avancer ». Les femmes et les hommes ont eux aussi besoin de repos et c’est peut-être en partie pour cela que des changements d’équipage ont été annoncés. A bord de Malizia, le Britannique Will Harris reprendra le poste de skipper entre Itajaí et Newport, Rhode Island puisque Boris Herrmann fait une pause sur cette manche. Il sera rejoint par une recrue de choix, en la personne du très expérimenté Christopher Pratt. De son côté, Paul Meilhat sera rejoint par le Britannique Alan Roberts, Marie Riou, et la Portugaise Mariana Lobato. Biotherm sera ainsi la première équipe de The Ocean Race à prendre le départ d'une étape avec un équipage respectant la parité homme-femme. Ces dernières seront même en majorité à bord entre le Brésil et les Etats-Unis avec le retour d'Anne Beaugé en tant que reporter embarquée.