Thomas Coville, les mots pour le dire
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Bientôt, parce que tout a toujours une fin, ce tour du monde sera terminé et il laissera place à d’autres aventures. Il est encore temps de savoir ce qu’il en restera, l’intégralité des émotions qu’il suscite ne sera vraiment connue qu’à l’issue des arrivées, du classement, des larmes, des retrouvailles.
Il reste encore quelques jours à résister pour le premier et un peu plus pour les autres. Mais avant, il convient, pour tous ceux qui suivent à terre les péripéties de ces hommes pas comme les autres, de profiter de l’instant. De savourer leurs réflexions, leurs agacements, leur capacité à se dépasser et à résister toujours.
« On est tout le temps en prise »
En matière de bons mots, Thomas Coville s’est déjà distingué. Le skipper n’est pas seulement cartésien, ingénieur et athlète, il est conteur, auteur et philosophe. Ces expressions réjouissent parce qu’elles n’ont jamais vocation à briller devant une assistance mais à comprendre, avec tout ce que cela comporte de doutes et d’introspection, ce qui fait que ces mecs-là filent à travers les mers du globe. Hier, le skipper de Sodebo a ainsi savouré un lever de soleil qu’il a partagé en vidéo : « un des moments les plus paisibles et les plus esthétiques de ce tour du monde. C’est pur, photogénique, facile ». Un peu plus tôt, Thomas disait apprécier « ce tronçon qui est doux comme une nuit brésilienne».
Il sait expliquer les tourments qui agitent les marins sur ces bateaux, notamment le fait de ne jamais pouvoir se relâcher. « On est tout le temps en prise, confiait-il à des journalistes hier après-midi. Il n’y a pas un quart d’heure où je ne fais pas quelque chose d’autre. Ce sont des bateaux plus fragiles, plus exigeants, on acquiert une maturité technique au fil des jours ». Un peu plus tôt, Thomas assurait : « j’ai toujours eu l’impression d’avoir donné tout ce que j’avais dans les tripes ».
Il y a également des constats atemporels. D’ailleurs, les marins ont conservé leur incroyable capacité d’adaptation. « Elle a toujours été une part intégrante de notre sport, des bricoles de Bernard Moitessier, de l’inventivité d’Yves Parlier ou de Loïck Peyron, ça fait partie de l’ADN des coureurs au large ». Il y a aussi ce qui fait le sel de cette aventure-là, la compétition, la confrontation et pour lui ce ‘match dans le match’ avec Armel Le Cléac’h depuis les mers du Sud.
« C’est une course, rappelle-t-il en effet. On se jauge, on se juge, on se compare, on s’étalonne… C’est un danger parce qu’il faut être capable de faire sa course dans la course sans regarder ce que font les autres. Ça met de la tension et de la pression ! » Il s'agit aussi d'une manière de dire qu’il faut continuer à tenir et à s’employer jusqu’au bout. Thomas a eu une autre formule qui dit tout et qui met un peu de poésie au cœur des embruns : « on ne peut pas faire grand-chose contre le temps qui passe ».
LE POINT SUR LA COURSE. Armel et « la zone sans vent »
Les positions et les forces en présence n’ont pas énormément évolué depuis la veille. Charles Caudrelier continue de progresser dans l’Atlantique Nord. Il pointe à 300 milles au Sud de l’archipel des Açores, lui qui avançait à une vingtaine de nœuds ces dernières 24 heures. Face à la dépression à proximité de la zone d’arrivée, Charles pourrait temporiser. «Il est possible qu’il nous partage sa décision d’ici demain matin », précise Guillaume Rottee de la direction de course. Le skipper du Maxi Edmond de Rothschild s’est montré très prudent ces derniers jours, ce qui accrédite l’idée d’une route plus « safe ».
Derrière, au large des côtes brésiliennes, plus de 800 milles séparent Thomas Coville (Sodebo Ultim 3) d’Armel Le Cléac’h (Maxi Banque Populaire XI). À noter qu’Armel « a du mal à s’extirper d’une zone sans vent et à retrouver du vent stable et régulier, précise Guillaume. Difficile de savoir pour l’instant quand il va retrouver de la vitesse ».
Chez les deux qui sont dans le Pacifique, le cap Horn est en approche ! Anthony Marchand (Actual Ultim 3) est à 380 milles de l’atteindre. « Ce sera une délivrance », confiait-il hier. « Il devrait le franchir cette nuit (entre 23h et 1h du matin, heure française) dans un flux de secteur Ouest, Nord-Ouest soutenu et une mer assez formé », ajoute Guillaume. Lors des deux derniers jours, Éric a gagné 150 milles sur Actual Ultim 3. Hier, le skipper d’ULTIM ADAGIO se targuait d’avoir un bateau « quasi à 100% de son état de marche ». Il est attendu au cap Horn demain en fin de matinée, début d'après-midi.