Interview exclusive Jean-Luc Van Den Heede « Ceux qui font l'ARKEA c'est une élite, c'est un peu le summum »

carte de la course Arkea Ultim en direct

En remportant l'ARKEA ULTIM CHALLENGE - Brest ce mardi à l'issue de 50 jours et 19 heures de course, Charles Caudrelier inscrit encore une fois son nom au palmarès des plus grands de la course au large. Parmi eux, Jean-Luc Van Den Heede, homme aux multiples tours du monde et nombreux records (record du tour du monde à l'envers, 12 passages du Cap Horn...), nous a livré ses impressions sur la course, la victoire du Maxi Edmond de Rothschild et sur la course au large en général.

Figaro Nautisme : Charles Caudrelier vient de remporter l'ARKEA ULTIM CHALLENGE - Brest après 50 jours de course, en leader sur presque tout le parcours. Qu'est-ce que cela vous inspire ?

Jean-Luc Van Den Heede : "Il y a tout de même eu du suspense avec les 3-4 capables de gagner. Mais évidemment, au fil du temps, tout le monde s'est arrêté. Heureusement que le règlement prévoyait que les concurrents pouvaient s'arrêter et que ce n'est pas le même règlement que le Vendée Globe, parce qu'aucun n'aurait terminé.

Charles Caudrelier est vraiment très fort. Il n'est pas très connu du grand public car ce qu'il a gagné, ce ne sont pas des courses qui sont très suivies en France. Mais tout le monde dans le milieu sait que c'est un très bon, un concurrent sérieux. Il n'y avait pas de doute là-dessus. Rothschild le savait aussi !"

Figaro Nautisme : Un tour du monde sur un bateau volant, qui l'aurait cru ? Est-ce que c'est quelque chose que vous auriez aimé faire ?

Jean-Luc Van Den Heede : "Si j'avais 40 ou 50 ans de moins, oui, probablement. Mais aujourd'hui, non. À vrai dire, pour moi, ces bateaux-là, ce ne sont pas mes rêves de jeunesse. Ce n'est pas ce que j'ai connu quand j'étais plus jeune. Je suis plutôt de l'époque Moitessier, Tabarly, une époque où ça n'existait pas, et où on était beaucoup plus conservateurs et beaucoup moins technologiques. On faisait des bateaux qui allaient forcément beaucoup moins vite, et donc qui cassaient beaucoup moins. Le problème de ces bateaux, en dehors de la casse mécanique, c'est aussi que lorsqu'ils rencontrent quelque chose, la sanction est immédiate. Il y a donc forcément une petite part de chance. Il suffit qu'ils cognent un tronc d'arbre et là, quand on est à 30, 40 nœuds, parfois plus, c'est sûr que le foil ne résiste pas."

Figaro Nautisme : L'ARKEA ULTIM CHALLENGE - Brest est une course en solitaire mais avec une solide équipe à terre pour assister les skippers. La course au large change. Est-ce pour vous une évolution qui a du sens ?

Jean-Luc Van Den Heede : "C'est une évolution qui tient compte de tous les moyens modernes qu'on a maintenant pour communiquer avec un bateau, les équipes à terre, la météo, etc. Dans le Vendée Globe, il y a la même assistance, sauf météo, mais c'est pareil. On explique à un concurrent comment réparer telle chose, comment pallier tel problème. C'est aussi une sorte d'assistance."

Figaro Nautisme : Vous évoquez le Vendée Globe à plusieurs reprises. Pour vous, elle restera la course de référence dans la course au large ? L'ARKEA est réservée à une élite ?

Jean-Luc Van Den Heede : "C'est réservé d'abord aux gens qui ont beaucoup d'argent, parce que c'est quand même une course qui coûte beaucoup plus cher, et c'est vraiment réservé à des grosses équipes. C'est beaucoup plus compliqué de faire un Ultim que de faire un 60 pieds aujourd'hui, et c'est aussi beaucoup plus compliqué de le faire naviguer. Et il y a également moins de compétitions, tous les bateaux ne sont pas capables de jouer les premiers rôles.

Le Vendée Globe, c'est un peu aussi la même chose, parce que sur les 40 concurrents, il n'y en a pas 40 qui sont capables de jouer les premiers rôles. Mais c'est ouvert à plus de profils de navigateurs et surtout, à plusieurs sponsors. C'est plus abordable. Et encore... parce que le dernier, il n’a pas de gros moyens. Le sponsor ne rembourse pas ce qu'il a investi pour participer à la course."

Figaro Nautisme : L'ARKEA était une course encore impensable il y a seulement quelques années mais tout va très vite. Comment voyez-vous l'avenir de la course au large ? Est-ce qu'on fera encore des courses comme l'Ocean Globe Race, la Golden Globe Race ?

Jean-Luc Van Den Heede : "Je pense qu'il y a de la place pour la Golden Globe Race. Il y a de la place pour d'autres courses. Parce que là, ceux qui font l'ARKEA, c'est une élite. Ce sont des gens qui ont déjà fait des tas de choses avant, et c'est un peu le summum. Mais il y a des tas de gens qui rêvent de faire un tour du monde. Il y a des tas de gens qui rêvent de partir avec leur bateau, ou avec le bateau d'un autre, ou en équipage, ou en solitaire. Il n'y a qu'à regarder l'Ocean Globe Race. Ils sont 8, 9, 10 par bateau. Ils trouvent du monde. Certains même sont prêts à payer. Les inscriptions sont loin d'être gratuites. Les gens sont prêts à payer, même un peu de leur poche, pour faire un tour du monde. C'est la même chose avec la course qui vient d'arriver avant-hier, avec Philippe Delamare, qui gagne la Global Solo Challenge. C'est une course qu'on peut faire avec son propre bateau, ou un bateau de série quelconque préparé pour la course. La GGR, c'est pareil. On peut la faire avec un budget minimum, avec une chance de la gagner. Exactement comme les 24 heures du Mans de voitures anciennes. C'est la même chose."

Figaro Nautisme : Chacun a sa place. Il y en a pour tous les goûts !

Jean-Luc Van Den Heede : "Heureusement qu’il ne faut pas être milliardaire pour faire le tour du monde. Alors pour le faire en 50 jours oui, il faut des gros sponsors ! Mais après, ça n'empêche que le faire en course et le gagner, même en mettant 300 jours, il faut le faire, c'est un exploit quoi qu'il arrive. Cela reste une compétition avec des gens qui essayent à armes à peu près égales de lutter les uns contre les autres. Je dis à armes à peu près égales, parce qu'évidemment, comme je le disais tout à l'heure, le dernier n'a pas les mêmes armes que le premier. Si on met le premier sur le bateau du dernier et réciproquement, l'ordre n'est pas inversé pour autant."

Figaro Nautisme : Est-ce que vous vous souvenez de ce que vous avez ressenti la première fois que vous avez réalisé un tour du monde, gagné un tour du monde ?

Jean-Luc Van Den Heede : "C'est un aboutissement. D'abord, cela n'avait jamais été réalisé, un tour du monde sur des bateaux volants. Et donc, c'est une première. C'est aussi la fin d'un cycle de travail énorme. Parce que pour préparer un bateau comme ça, il y a évidemment des équipes. C'est un travail monstrueux de préparer un bateau pour faire le tour du monde. Mais même un bateau du Vendée Globe. À partir du moment où on fait une course autour du monde, la préparation est un des éléments majeurs et des plus importants. Et moi, par exemple, si j'ai gagné la GGR, c'est parce que j'étais sûrement un des concurrents les mieux préparés. La préparation, c'est un gros pourcentage de la victoire."

Figaro Nautisme : Est-ce que vous avez des projets de navigation cette année ?

Jean-Luc Van Den Heede : "Les plans pour cette année, c'est de réparer mon bateau. Il est un peu cassé. J'ai cassé le safran. Donc, on va réparer ça. Là, il est aux Canaries. Après, je ne sais pas ce qu'on va faire. La première étape, c'est de le réparer au mois de mars. Après, navigation en famille tranquillement."

Nautisme Article
© Alexis Courcoux

Ancienne ou nouvelle génération, jeunes ou moins jeunes, plus ou moins expérimentés, tous les marins qui ont tenté un jour de réaliser un tour du monde, qui l'ont terminé ou non, ne cessent d'inspirer. La rédaction de Figaro Nautisme félicite Charles Caudrelier pour sa victoire sur la 1ère édition de l'ARKEA ULTIM CHALLENGE - Brest mais aussi ses concurrents, qui ne devraient plus tarder à arriver à Brest...

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Nathalie Moreau
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Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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