Charles Caudrelier, roi des océans : « Cette course, c'était mon rêve ! »

C’est un exploit considérable, une victoire majuscule que Charles Caudrelier a réalisé en remportant cette première édition de l’ARKEA ULTIM CHALLENGE-Brest. Huitième marin à réaliser un tour du monde en solitaire à bord d’un multicoque, le Parisien de naissance rejoint un cercle très restreint, et il y tient une place particulière, unique.
Ce succès s’est bâti sur trois piliers : un potentiel de vitesse favorisé par la maîtrise du vol hauturier ; la fiabilité technique, nourrie par une solide expérience acquise tout au long des six ans de navigation cumulés depuis la mise à l’eau du bateau, en 2017 ; la maîtrise du risque – la temporisation à l’approche du cap Horn puis l’arrêt aux Açores afin d’éviter une tempête redoutable soulignent cette préoccupation.
La consécration d’un marin, d’une équipe et d’une idée
Ce titre récompense à la fois le métier d’un marin qui a pris le temps de progresser, étape par étape, jusqu’à se constituer un des plus beaux palmarès de la course au large internationale, et l’ambition d’un armateur, qui, depuis près de 150 ans, n’a cessé de chercher à armer des bateaux capables de gagner tout en contribuant à la progression de l’état de la science.
Intégré en 2019 dans le team Gitana en même temps que Franck Cammas, Charles Caudrelier a apporté sa connaissance des exigences tours du monde. Double vainqueur de la Volvo Ocean Race notamment, il a su accompagner la progression technologique de ce bateau né pour voler. En quatre saisons, il s’est constitué le palmarès le plus fourni de la classe Ultim avec de sacrées victoires : Brest Atlantiques (2019), Rolex Fastnet Race (2019 et 2021), Transat Jacques Vabre (2021), Finistère Atlantique (2022) et Route du Rhum Destination Guadeloupe (2022).
Faire naître le premier bateau à voler au large, c’était l’ambition du baron Benjamin de Rothschild et de son épouse Ariane de Rothschild, créateurs de l’écurie de course Gitana Team en 2000. En 2011, l’équipe quitte les circuits monocoques pour renouer avec l’aventure des multicoques, acquérant un MOD70, un vivace trimaran de 70 pieds. Deux ans après la naissance du maxi-trimaran Edmond de Rothschild, en 2017, les incertitudes sont chassées et, avec à la barre Franck Cammas et Charles Caudrelier, le vol hauturier fait la démonstration de sa pertinence.
La victoire de la maîtrise et de la fiabilité
Ces derniers mois encore, la fiabilité du Maxi était encore le sujet des préoccupations, tandis qu’approchait l’échéance du tour du monde. Après une Transat Jacques Vabre frustrante à l’automne dernier, marquée par de nombreuses avaries (système de barre, foil) et terminée à la 3e place, l’équipe s’était employée pour réparer et repartir de l’avant. Dès les premiers jours, malgré un départ dans le bon tempo, il a dû composer avec une brèche dans son carénage avant. Il n’empêche, Charles a tenu bon, a résisté au rythme de Tom Laperche jusqu’à l’avarie de ce dernier, avant de s’envoler en tête de course. S’il s’est offert le record de l’océan Indien en solitaire et en multicoque (8 jours et 8 heures) et s’est attaché à gérer son avance, le skipper n'a pas été épargné.
Il y a eu l’attente avant de franchir le cap Horn, veiller à ne pas croiser des icebergs, résister aux conditions toujours changeantes de l’Amérique du Sud avant de se résoudre à s’arrêter aux Açores la semaine dernière pour laisser passer une nouvelle dépression. De son retour en course samedi à son arrivée ce mardi, les plus de 1 200 milles n’ont pas été faciles non plus, tant les conditions étaient exigeantes. Désormais, Charles peut enfin exulter. Il boucle en vainqueur son premier tour du monde en solitaire, remporte sa troisième circonvolution (avec ses deux victoires à la Volvo Ocean Race) et s’affirme un peu plus comme un des meilleurs skippers de l’époque.
Le skipper du Maxi Edmond de Rothschild a livré sa première réaction à bord, une poignée de minutes après avoir franchi la ligne d’arrivée. Il félicite son équipe et rappelle leur travail d’arrache-pied jusqu’à la victoire finale.
« C’était intense, même si c’était un peu plus long qu’imaginé. J’avais embarqué 47 jours de nourriture, j’arrive en 50 jours… J’aurais pu arriver un peu plus tôt en forçant le destin, mais j’ai été assez conservateur. Il ne faut pas oublier que c’est une course, pas un record. Mais le job est fait !
Cinquante ans, cinquante jours… Je ne suis pas très anniversaire mais l’avantage, c’est que je n’ai rien à organiser ! Là, ça restera gravé. Je me souviens de mes quarante ans : j’avais eu mon premier bateau (Dongfeng)... et je suis là dix ans plus tard. C’est une aventure incroyable. J’ai rejoint l’équipe en 2019, et faire cette course, c’était mon rêve. J’avais envie de saisir cette opportunité et d’aller au bout.
Pendant la course, je me suis senti solide, jamais fatigué. J’ai eu des galères aussi, des moments de doute, des heures de bricolage… Je suis très fier pour l’équipe, je viens au hangar tous les jours, je connais le bateau par cœur, je suis celui qui a fait le plus de milles à bord. C’est une victoire d’équipe. J’ai failli ne pas prendre le départ à cause de soucis personnels et c’est là que je me suis rendu compte à quel point je voulais être au départ. Il a fallu de la réussite pour arriver là, mais je crois que c’est mérité ».