Transat Jacques Vabre 2021 : retour sur une première semaine atypique et passionnante

Par François Tregouet

Le grand calme régnant sur le Golfe de Gascogne est sans conteste le fait marquant de la première semaine de cette 15ème édition de la Transat Jacques Vabre. Train de sénateur, peu de casses, peu d’écarts, et donc une régate à grande échelle passionnante à suivre dans les quatre catégories. Plus au Sud les conditions restent maniables, mais le vent est revenu, les speedomètres s’animent, et les positions se précisent. Mais cette première semaine de course a mis le cerveau des coureurs en ébullition, et même parfois leurs nerfs à rude épreuve. Retour sur les faits marquants de sept jours d’une transat automnale pas comme les autres.

Tout avait commencé sous les meilleurs hospices. Les concurrents étaient parfaitement répartis sur la longue ligne mouillée en baie de Seine et aucun n’a eu l’outrecuidance de voler le départ, la pénalité de 5h promise par la Direction de Course étant assez dissuasive. Avec 16 nœuds de vent de Nord-Ouest, les bateaux accompagnateurs ont du mal à suivre les Ultims qui ouvrent la voie entre 35 et 40 nœuds, Maxi Edmond de Rothschild est déjà en tête. Il l’est encore à l’heure où nous écrivons ces lignes. Pour le grandissime favori de l’épreuve, il n’y aura eu finalement en 7 jours que 24 heures de doutes. Entre la pointe Bretagne et le milieu du Golfe de Gascogne le vent ne dépasse pas 5 nœuds, coupant les ailes de ces trimarans volants qui ont pourtant besoin de peu pour décoller. On sent alors le SVR-Lazartigue de François Gabart et Tom Laperche très léger, bien performer. Le Banque Populaire d’Armel le Cléac’h et Kevin Escoffier fait preuve d’une belle vitesse également et traverse le plan d’eau pour attaquer d’abord à terre, puis au large. Il crée des décalages en latéral, mais ne creuse jamais l’écart. Calés sur leur trajectoire, Franck Cammas et Charles Caudrelier semblent imperturbables. Après avoir laissé un temps la première place à Thomas Coville et Thomas Rouxel sur Sodebo, au Cap Finistère ils reprennent leur bien et depuis ils ne l’ont pas lâché. Seule une avarie grave, tel le choc avec un ofni qui a obligé Sodebo à une escale technique express à Madère, ou un passage de pot au noir tel que celui connu par Charal en Imoca il y a deux ans, pourrait redistribuer les cartes. C’est pourquoi, sur le trimaran le plus ancien de la flotte, Actual, Yves Le Blevec et Anthony Marchand jouent la carte de la fiabilité et de la régularité. Comme sur la Brest Atlantiques ils pourraient bien rester « placés » et se retrouver sur le podium.

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© Leyton Sailing Team

Ultim et Imoca - Les favoris devant

Vu le niveau des 22 engagés en classe Imoca, on s’attendait à une lutte acharnée et elle l’est ! Dans les conditions erratiques de cette première semaine de course, le favori Apivia a pourtant fait la preuve de sa maîtrise en restant leader du classement sans discontinuer pendant les 5 premiers jours. Une véritable démonstration du duo Charlie Dalin et Paul Meilhat, mais les poursuivants n’ont rien lâché. Les écarts restent faibles, alors entre la latitude de Gibraltar et Madère, en prolongeant moins son bord vers l’Ouest, LinkedOut de Thomas Ruyant et Morgan Lagravière benéficie d’un peu plus de pression et prend la première place. Aujourd’hui ils forment avec Charal, un triumvirat qui fait la course en tête, en s’échangeant le leadership au gré des pointages. Trois bateaux les suivent au classement, mais pas sur l’eau. 11th Hour Malama et Arkea Paprec ont en effet pris le sillage de Sam Davies et Nicolas Lunven sur Initiatives-cœur, au ras des côtes africaines. Même s’il leur reste encore près de 4000 milles à parcourir, difficile d’imaginer que la victoire échappe à l’un de ces six mousquetaires. Le septième, Prysmian Group, accuse déjà 260 milles de retard. La seule mauvaise nouvelle de cette première semaine pour la classe Imoca, est la question des mâts. Au-delà de la légitime immense déception des équipes Bureau Vallée et 11th Hour Alaka’i, la perte de leur mât, encore inexpliquée, pose question. Après celui de Corum L’Epargne dans le Vendée Globe, cela commence à faire beaucoup pour un élément censé, par sa standardisation en 2013 dans une jauge pourtant dite ‘open’, apporter de la fiabilité en plus d’un avantage économique. La puissance développée par les dernières carènes remet peut-être en cause la solidité de ces espars dans leur forme actuelle. L’analyse des accidents survenus permettra on l’espère d’en savoir un peu plus sur les causes d’un problème qu’il ne faudrait pas voir devenir endémique.

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© Initiatives Coeur

Ocean Fifty - Le piège Canarien

Au sein de la flotte des trimarans Ocean Fifty, le tout nouveau Koesio, mené par Erwan le Roux et Xavier Macaire, semblait vouloir jouer le scénario de Gitana en Ultim. Après une sortie de Manche au cours de laquelle les leaders se succédaient, ils avaient pris les commandes depuis la latitude de Royan et ne prévoyaient pas de les lâcher. C’était sans compter sur le piège des Canaries et la ténacité de leurs concurrents dans une classe particulièrement homogène et passionnante. Quand Koesio prenait le risque de passer entres les îles Canariennes, Primonial de Sébastien Rogues et Matthieu Souben prolongeait loin vers l’Ouest son bord tribord amure pour se dégager du dévent de l’île de Santa Cruz. Bloqué dans l’Est, Koesio a longtemps tenu l’écart en distance au but, mais quand samedi, il leur a fallu se recaler, les milles ont commencé à défiler. Il n’y a pas eu de pause dominicale pour le leader Primonial qui, en ce lundi matin, a pris 100 milles d’avance sur ses deux poursuivants.

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© Koesio

Class 40 - A l’Ouest rien de nouveau

A bord des Class 40, la première semaine de course a été particulièrement éprouvante. Moins rapide que les trois autres classes, ils ont encore plus subi les affres du petit temps. Pire, avec des coefficients de marée importants, supérieurs à 100, certains ont dû jeter l’ancre à la pointe Bretonne pour ne pas reculer. Preuve de la difficulté de se frayer un chemin dans ces circonstances, pourtant vainqueur du Figaro 2002 en ces eaux, l’enchaînement de passages à niveaux a été défavorable au Méditerranéen Kito de Pavant sur HBF – Reforest’action. Aujourd’hui classé à une inhabituelle 31ème place, à 450 milles du leader, il côtoie pourtant d’autres cadors du circuit, tels Sébastien Audigane et François Jambou. Plus salée encore est l’addition pour Jean Galfione et Eric Péron qui, sur Serenis Consulting, ont choisi le 10 novembre, alors que l’ensemble de la flotte est au cœur du Golfe de Gascogne, de partir seuls ou presque à l’Ouest. « Quand tu ne sais pas quoi faire, fait de l’Ouest » a l’habitude de dire Jean Le Cam. Cette fois-ci, ce n’était pas le bon adage. Quatre jours plus tard ils accusent 530 milles de retard sur les leaders. Car tous les favoris n’ont pas perdu la tête. Le podium provisoire est occupé par Redman, Banque du Léman et Volvo. Edenred, Lamotte et Crédit Mutuel ne sont pas loin non plus, à moins de 100 milles, alors qu’il en reste 3 000 à parcourir. Avec eux, ceux qui ont animé et souvent mené cette première semaine de course, Nicolas Jossier et Alexis Loison sur La Manche #Evidence Nautique. Les normands n’ont pas eu peur de la pétole et en connaisseurs ont bien su se jouer des courants.

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© Nexans - Art & Fenêtres

Mais à bord de tous les bateaux on a un œil sur les classements et un œil sur les réserves de nourriture. Car l’absence de vent a rendu toutes les prévisions d’arrivée caduques et il faudra plus des 15 jours initialement prévus au vainqueur, quelle que soit sa classe, pour atteindre la Martinique. Avec un océan à traverser pour tous, et le Pot au Noir à négocier deux fois pour les classes Ultim, Imoca et ocean Fifty, le suspens restera entier, pour tous, jusqu’au bout.

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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