Transat Jacques Vabre 2021 : retour sur une première semaine atypique et passionnante

Tout avait commencé sous les meilleurs hospices. Les concurrents étaient parfaitement répartis sur la longue ligne mouillée en baie de Seine et aucun n’a eu l’outrecuidance de voler le départ, la pénalité de 5h promise par la Direction de Course étant assez dissuasive. Avec 16 nœuds de vent de Nord-Ouest, les bateaux accompagnateurs ont du mal à suivre les Ultims qui ouvrent la voie entre 35 et 40 nœuds, Maxi Edmond de Rothschild est déjà en tête. Il l’est encore à l’heure où nous écrivons ces lignes. Pour le grandissime favori de l’épreuve, il n’y aura eu finalement en 7 jours que 24 heures de doutes. Entre la pointe Bretagne et le milieu du Golfe de Gascogne le vent ne dépasse pas 5 nœuds, coupant les ailes de ces trimarans volants qui ont pourtant besoin de peu pour décoller. On sent alors le SVR-Lazartigue de François Gabart et Tom Laperche très léger, bien performer. Le Banque Populaire d’Armel le Cléac’h et Kevin Escoffier fait preuve d’une belle vitesse également et traverse le plan d’eau pour attaquer d’abord à terre, puis au large. Il crée des décalages en latéral, mais ne creuse jamais l’écart. Calés sur leur trajectoire, Franck Cammas et Charles Caudrelier semblent imperturbables. Après avoir laissé un temps la première place à Thomas Coville et Thomas Rouxel sur Sodebo, au Cap Finistère ils reprennent leur bien et depuis ils ne l’ont pas lâché. Seule une avarie grave, tel le choc avec un ofni qui a obligé Sodebo à une escale technique express à Madère, ou un passage de pot au noir tel que celui connu par Charal en Imoca il y a deux ans, pourrait redistribuer les cartes. C’est pourquoi, sur le trimaran le plus ancien de la flotte, Actual, Yves Le Blevec et Anthony Marchand jouent la carte de la fiabilité et de la régularité. Comme sur la Brest Atlantiques ils pourraient bien rester « placés » et se retrouver sur le podium.
Ultim et Imoca - Les favoris devant
Vu le niveau des 22 engagés en classe Imoca, on s’attendait à une lutte acharnée et elle l’est ! Dans les conditions erratiques de cette première semaine de course, le favori Apivia a pourtant fait la preuve de sa maîtrise en restant leader du classement sans discontinuer pendant les 5 premiers jours. Une véritable démonstration du duo Charlie Dalin et Paul Meilhat, mais les poursuivants n’ont rien lâché. Les écarts restent faibles, alors entre la latitude de Gibraltar et Madère, en prolongeant moins son bord vers l’Ouest, LinkedOut de Thomas Ruyant et Morgan Lagravière benéficie d’un peu plus de pression et prend la première place. Aujourd’hui ils forment avec Charal, un triumvirat qui fait la course en tête, en s’échangeant le leadership au gré des pointages. Trois bateaux les suivent au classement, mais pas sur l’eau. 11th Hour Malama et Arkea Paprec ont en effet pris le sillage de Sam Davies et Nicolas Lunven sur Initiatives-cœur, au ras des côtes africaines. Même s’il leur reste encore près de 4000 milles à parcourir, difficile d’imaginer que la victoire échappe à l’un de ces six mousquetaires. Le septième, Prysmian Group, accuse déjà 260 milles de retard. La seule mauvaise nouvelle de cette première semaine pour la classe Imoca, est la question des mâts. Au-delà de la légitime immense déception des équipes Bureau Vallée et 11th Hour Alaka’i, la perte de leur mât, encore inexpliquée, pose question. Après celui de Corum L’Epargne dans le Vendée Globe, cela commence à faire beaucoup pour un élément censé, par sa standardisation en 2013 dans une jauge pourtant dite ‘open’, apporter de la fiabilité en plus d’un avantage économique. La puissance développée par les dernières carènes remet peut-être en cause la solidité de ces espars dans leur forme actuelle. L’analyse des accidents survenus permettra on l’espère d’en savoir un peu plus sur les causes d’un problème qu’il ne faudrait pas voir devenir endémique.
Ocean Fifty - Le piège Canarien
Au sein de la flotte des trimarans Ocean Fifty, le tout nouveau Koesio, mené par Erwan le Roux et Xavier Macaire, semblait vouloir jouer le scénario de Gitana en Ultim. Après une sortie de Manche au cours de laquelle les leaders se succédaient, ils avaient pris les commandes depuis la latitude de Royan et ne prévoyaient pas de les lâcher. C’était sans compter sur le piège des Canaries et la ténacité de leurs concurrents dans une classe particulièrement homogène et passionnante. Quand Koesio prenait le risque de passer entres les îles Canariennes, Primonial de Sébastien Rogues et Matthieu Souben prolongeait loin vers l’Ouest son bord tribord amure pour se dégager du dévent de l’île de Santa Cruz. Bloqué dans l’Est, Koesio a longtemps tenu l’écart en distance au but, mais quand samedi, il leur a fallu se recaler, les milles ont commencé à défiler. Il n’y a pas eu de pause dominicale pour le leader Primonial qui, en ce lundi matin, a pris 100 milles d’avance sur ses deux poursuivants.
Class 40 - A l’Ouest rien de nouveau
A bord des Class 40, la première semaine de course a été particulièrement éprouvante. Moins rapide que les trois autres classes, ils ont encore plus subi les affres du petit temps. Pire, avec des coefficients de marée importants, supérieurs à 100, certains ont dû jeter l’ancre à la pointe Bretonne pour ne pas reculer. Preuve de la difficulté de se frayer un chemin dans ces circonstances, pourtant vainqueur du Figaro 2002 en ces eaux, l’enchaînement de passages à niveaux a été défavorable au Méditerranéen Kito de Pavant sur HBF – Reforest’action. Aujourd’hui classé à une inhabituelle 31ème place, à 450 milles du leader, il côtoie pourtant d’autres cadors du circuit, tels Sébastien Audigane et François Jambou. Plus salée encore est l’addition pour Jean Galfione et Eric Péron qui, sur Serenis Consulting, ont choisi le 10 novembre, alors que l’ensemble de la flotte est au cœur du Golfe de Gascogne, de partir seuls ou presque à l’Ouest. « Quand tu ne sais pas quoi faire, fait de l’Ouest » a l’habitude de dire Jean Le Cam. Cette fois-ci, ce n’était pas le bon adage. Quatre jours plus tard ils accusent 530 milles de retard sur les leaders. Car tous les favoris n’ont pas perdu la tête. Le podium provisoire est occupé par Redman, Banque du Léman et Volvo. Edenred, Lamotte et Crédit Mutuel ne sont pas loin non plus, à moins de 100 milles, alors qu’il en reste 3 000 à parcourir. Avec eux, ceux qui ont animé et souvent mené cette première semaine de course, Nicolas Jossier et Alexis Loison sur La Manche #Evidence Nautique. Les normands n’ont pas eu peur de la pétole et en connaisseurs ont bien su se jouer des courants.
Mais à bord de tous les bateaux on a un œil sur les classements et un œil sur les réserves de nourriture. Car l’absence de vent a rendu toutes les prévisions d’arrivée caduques et il faudra plus des 15 jours initialement prévus au vainqueur, quelle que soit sa classe, pour atteindre la Martinique. Avec un océan à traverser pour tous, et le Pot au Noir à négocier deux fois pour les classes Ultim, Imoca et ocean Fifty, le suspens restera entier, pour tous, jusqu’au bout.
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