Transat Jacques Vabre - Imoca : week-end intense à Fort-de-France

Si au départ de la cité Normande, le taureau de Charal avait les dents qui « rayaient le parquet », dixit son skipper Jérémie Beyou. A l’arrivée en Martinique il accueille sa troisième place sur le podium avec satisfaction, car devant « il y a de beaux vainqueurs comme Thomas (Ruyant) et Morgan (Lagravière), un grand bravo à eux ». À bord du tenant du titre Apivia, qui a réussi à s’intercaler, Charlie Dalin et Paul Meilhat saluent eux-aussi la réussite du duo gagnant de LinkedOut « inspirés, ils ont bien navigué (…) tout ce qu'ils faisaient marchait. Chacun son tour. Ils méritent leur première place."
Un podium de futurs-ex
Il y a quelques mois seulement, lors du Vendée Globe, les foilers n’avaient jamais complètement réussi à décrocher les bateaux à dérives. Le vainqueur final du tour du monde, Maître Coq de Yannick Bestaven, avait même été conçu en 2014, quand les favoris au départ avaient eu 4 ans de plus, une éternité en Imoca, pour développer leur bateau. Une génération ou plus d’écart qui, menée en double cette fois, a favorisé les derniers dessins. Est-ce que cela confirme la difficulté de mener en solitaire ces machines extrêmement exigeantes, surpuissantes et dépourvues de plans de safrans porteurs pour les stabiliser ? La prochaine Route du Rhum donnera sa version des faits. Les trois skippers présents sur le podium de la Transat Jacques Vabre eux n’ont pas de doute. Ils font chacun construire un nouveau bateau en vue du prochain Vendée Globe ! Un choix qui peut paraître surprenant à l’aune de la précédente édition et du temps de compréhension et de fiabilisation nécessaires de tels bateaux. Mais le dessin d’un certain Sam Manuard, architecte naval de son état, pourrait bien avoir influencé les champions. Les performances de L’Occitane en Provence, devenu Bureau Vallée, avec son étrave de scow très volumineuse ont impressionné. Si le nouvel entrant n’a pas pu encore donner sa pleine mesure car manquant de fiabilité sur le Vendée et démâtant sur cette transat, il a rebattu les cartes. A tel point que pour atteindre le graal que constitue une victoire aux Sables d’Olonne, ils en sont tous convaincus, il faut un nouveau bateau.
Un peloton ambitieux
Avec très certainement 20 bateaux à l’arrivée sur 22 partants, et un peu plus de 24h seulement entre le quatrième, Arkéa-Paprec, et le treizième, 11th Hour, les décisions prises ces dernières années par la classe, confirmées par l’avis de course du prochain tour du monde en solitaire sans escale, ont le résultat escompté : plus de compétition, moins d’aventure. Si le podium a semblé intouchable, derrière, chaque place donnait lieu à une lutte acharnée. Et le niveau ne va faire que monter. Car si on ne connaît officiellement aucun des futurs skippers des trois bateaux vainqueurs, aucun doute qu’il s’agira de fines gâchettes. Mais les trois devenus six, auront fort à faire pour contenir la fougue d’un Sébastien Simon (4ème), qui maîtrise désormais parfaitement bien sa monture, pour laquelle il cherche un nouveau partenaire. Arkéa-Paprec construit en effet un nouveau bateau pour un skipper encore non dévoilé lui-aussi, mais qui ne sera pas Yann Eliès. Sam Davies (5ème) construit une évolution du plan Manuard évoqué plus haut. Romain Attanasio, septième pour sa première course à bord de l’ancien Malizia, retrouve ses réflexes de Figariste sur une unité vraiment compétitive. C’était la dernière course de Yannick Bestaven (9ème) à bord de son plan VPLP-Verdier puisque la construction de son futur destrier a d’ores et déjà débutée chez CDK. Damien Seguin (11ème) et Arnaud Boissière récupèreront bientôt eux-aussi des bateaux plus performants. Enfin, il faut relever la très belle course de Louis Duc (14ème), accompagné de Marie Tabarly, pour la première transat de son 60 pieds à dérives, après un gros chantier de remise en état suit à l’incendie qui avait eu lieu il y a deux ans à la veille du départ de cette même Jacques Vabre.
5800 milles sans prendre un ris
Le parcours inédit proposé par la direction de course, rallongé comme pour les trimarans Ocean Fifty par le contournement de Fernando de Noronha, a été rendu d’autant plus compliqué que les conditions météo se sont révélées vraiment inhabituelles. Qui imaginait une transat automnale de 5800 milles sans prendre un ris dans la Grand-Voile ? Pour Nicolas Lunven (Initiatives-Cœur) “ C’était quand même compliqué car la météo était certes clémente, mais elle était délicate et imprévisible. » La descente jusqu’à l’archipel Brésilien a fait l’unanimité car passionnant à vivre et à observer. Pour Charlie Dalin (Apivia)« Une régate au contact avec des bateaux aussi performants et technologiques, c'est génial. » Mais « Il ne fallait pas louper la sortie de La Manche et le passage du Cap Vert » confie Yann Eliès ((Arkea-Paprec). Apivia a remporté la première manche, LinkedOut la seconde, et donc la victoire finale. La zone interdite tout le long de la côte Nord-Est du Brésil a en revanche été moins appréciée. Si elle se justifiait bien entendu pour des raisons de sécurité, elle a drastiquement réduit les choix stratégiques possibles, et obligé les équipages à enchaîner les empannages, plus d’une vingtaine en 48h pour chacun des trois premiers bateaux arrivés en Baie de Fort de France. Des manœuvres épuisantes, par une chaleur étouffante, qui a fait s’exclamer Yannick Bestaven dans un grand sourire à son arrivée : « Qui a eu l’idée de ce parcours ? »
Présent, le Directeur de Course Jean-Yves Le Goff se sent forcément visé, par ce trait d’humour, mais surement pas déstabilisé. Car la régate fut belle, et les sourires des skippers à l’arrivée en disent long sur le plaisir qu’ils ont pris sur cette transat. Reste à la classe à comprendre pourquoi deux mâts sont encore tombés, un voile de quille (11th Hour) envolé, et surtout à trouver une place pour chacun. Car il y aura forcément foule dans un an à St Malo pour le départ de la Route du Rhum. Mais quid d’un Vendée Globe pourtant porté à 40 concurrents ? Avec autant de bateaux en construction que d’unités performantes qui changent de main, les places seront chères.
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