Transat Jacques Vabre 2023 : les premiers mots des deux Thomas, d'Anthony et de Thierry au ponton

Par Figaronautisme.com

Marqués et frustrés pour les deux premiers, relâchés et sans regret pour ceux qui clôturent le classement de cette Route du café en ULTIM. Tels sont les sentiments mêlés aux arrivées des deux maxi-trimarans qui ont rythmé la nuit martiniquaise. Le contraste de ton était frappant entre un Thomas Coville déçu et révélant à l’arrivée une avarie de safran qui a limité les prétentions de Sodebo Ultim 3 et le binôme du dernier des ULTIM, heureux d’avoir bouclé cette navigation « sur le fil du rasoir et avec la manière ». Extraits...

Thomas Coville et Thomas Rouxel (Sodebo Ultim 3), 4èmes à Fort-de-France

Thomas R : On est fatigués, la course a été dure, très dure. On est forcément très content aussi, c’est toujours sympa d’arriver en Martinique, on a eu une super journée de navigation aujourd’hui, on s’est régalés…

Thomas C : Moi aussi, j’aime bien arriver en Martinique, parce que les Antilles, ce sont des gens qui sont un peu comme les marins. Ils ont toujours un peu peur qu’on les oublie, ils ont peur de ce qui pourrait leur arriver - il y a trois semaines ici, un cyclone menaçait … En mer on sent toujours cette tension et ça, un métropolitain ne pourra jamais le comprendre.

On est une génération bénie des dieux de pouvoir naviguer sur les cinq plus belles machines qui existent sur la planète et on fait partie des 10 skippers qui ont le droit de connaitre ça. C’est fabuleux. Félicitations à Armel et Jojo qui attendaient ça depuis longtemps et ont déroulé un match fabuleux. Merci à l’organisateur, parce que lancer une course dans les conditions du départ du Havre, c’était couillu…

Thomas R : On est parti dans des conditions météo difficiles et ensuite il y a eu plein de transitions, un vent hyper instable et des adversaires qui ont poussé le niveau très très fort. On a du tout le temps se mettre au niveau et c’était vraiment dur.

Thomas C : Nous avons mis le bateau à l’eau après des modifications importantes et on manquait d’entraînement. On avait un trou dans la raquette en performance au départ, mais avant qu’on ait cette avarie à l’entrée du Pot au noir, on avait une heure et demi de retard seulement sur François, on avait plutôt bien géré.

Cette avarie nous a secoué. C’est le plan porteur du safran tribord qui a été cisaillé par un OFNI. Je ne l’ai pas dir, mais c’était un secret de polichinelle pour ceux qui ont les traces sous les yeux. Et puis c’était très tôt dans la course et il pouvait arriver d’autres choses aux autres…

Quand j’ai senti le choc et que j’ai compris, j’ai hurlé et si je retiens un moment c’est d’avoir trouvé Thomas en sanglots dans le cockpit. Je l’ai pris dans mes bras, on savait que la course basculait là. Ce sont des moments de fraternité incroyables.

(…)

On prend cette quatrième place comme des athlètes déçus. Lorsque tu es compétiteur, si tu ne dis pas au départ que tu vas chercher la victoire, il faut rester à la maison. On n’a jamais pu vraiment profiter des modifications faites sur le bateau pour le range près dans le medium car lorsqu’ on est arrivé sur le bord où c’était utile, on avait déjà eu notre avarie… Mais on a beaucoup appris.

Anthony Marchand et Thierry Chabagny (Actual Ultim 3), 5èmes à Fort-de-France

Anthony : Oui, c’est le bonheur d’arriver après 9000 milles. La Route du café, c’était l’équivalent de deux transats pour les ULTIM, un tiers de tour du monde. Ce n’est pas anodin de passer autant de jours à 100% sur ces machines-là.

Thierry : 16 jours en ULTIM d’affilée, c’est un peu du jamais vu. Pour moi en double, c’était une première, une expérience magique grâce à Anthony et au Team Actual. Sur le fil du rasoir autant de temps, c’est prenant, chaque seconde se vit pleinement et forcément quand on arrive ici, il y a un peu de relâchement.

Anthony : Nous n’avons rien à regretter. On a poussé la machine à 100%, on s’est battu jusqu’au bout. Après, faire quatrième ou troisième, ça aurait été mieux c’est sur. Mais on termine cinquième d’une belle manière. Je ne pense pas qu’il y a beaucoup d’endroits où on a des regrets, aussi bien stratégiquement que sur la marche du bateau. On n’avait pas eu beaucoup de temps pour tester les nouveaux foils. Là, on a vu qu’ils étaient costauds et on continue d’apprendre à bien les régler. On sent qu’il ya du potentiel et que ça nous fait avancer plus vite. Ce n’est que du positif, ça rebooste la machine.

Pendant toute la course, j’ai ressenti beaucoup de responsabilité. Vis à vis du partenaire, de la quinzaine de personnes de l’équipe. On te donne les clefs d’une grande machine comme ça et je suis content de l’avoir ramené comme on l’a fait, sans gros pépin même si on a tapé quelque chose de dur sur la dérive à 100 milles de l’arrivée

Je me projète encore plus sur le Tour du monde. Ces plateformes sont fiables, faites pour abattre des milles, naviguer. A part des petits pépins, on ne déchire pas de voiles, on ne démâte pas, il n’y a pas de fissure… J’ai hâte de me reposer, mais hâte aussi d’y aller !

Thierry : Est ce que le bonhomme est fait pour faire ça ? Moi, je me suis posé la question de faire un tour du monde, mais je ne dois pas être câblé comme Anthony…

Anthony : Tu serres un peu les fesses mais je n’ai jamais eu peur sur le bateau.

Et on ne naviguera pas de la même manière non plus en solitaire. Là, jusqu’à 30 noeuds de vent, tu as tout dessus, grand gennaker, GV haute, J2 en stay sail…

Thierry : On retiendra de cette course le départ qui était sur des chapeaux de roue. On partait à fond la caisse sans trop savoir où passer au raz Blanchard. Deux heures avant, tu es à l’hotel et après tu te retrouves à la barre du truc, lancé à fond, je commençais déjà à regretter un peu (rires). … Pour Antho, tout semblait aller bien alors je me suis dit, allons-y ! Tu te concentres sur les manoeuvres, tu essaies d’anticiper et trouver la bonne mesure pour naviguer en sécurité sans se faire décrocher. Le passage de l’île de l’Ascension était aussi assez fort. C’est tellement petit sur la carte que dès que tu dézoomes, ça disparait. Au final, l’île était assez jolie à regarder. Ça n’a duré qu’une demi-heure, une heure, mais c’était sympa de trouver un caillou paumé comme ça au milieu de rien qui n’intéresse personne. Et puis l’arrivée, bien sur, franchir la ligne, retrouver les odeurs de la terre et ce relâchement.

Anthony : La course a consacré de magnifiques vainqueurs. Ils ont très bien navigué, on est content pour eux. La bagarre était belle avec SVR Lazartigue, on suivait ça sur l’écran, c’était passionnant. C’est bien aussi pour la classe car ça régate (…)

A mes côtés, Thierry était la personne parfaite pour faire cette course. Tout a toujours été fluide. Nous sommes complémentaires, assez synchro sur la manière de naviguer. Sur la ligne, je lui ai dit que j’étais heureux de l’avoir fait avec lui et je lui ai même fait un bisou sur le front !

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Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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