Vendée Globe : le retour du froid pour les premiers

Par Figaronautisme.com

Alors que le gros de la flotte navigue encore en t-shirt et maillot de bain, les quinze premiers renouent un peu avec la fraîcheur tout en essayant de retrouver la leur. Des changements de température qui ne les empêchent pas de garder la tête froide, et de constater que, pour l'heure, « c’est un Vendée Globe à foilers, pour les foilers ! »

Est-ce que ça vous fait ça à vous aussi ? Pile au moment où on rafraîchit notre cartographie, on est désormais parcouru d’un petit frisson : à quelle vitesse encore va-t-on les retrouver, nos infatigables foilers qui n’ont décidément pas froid aux yeux ? Non décidément, on ne s’habitue pas à les voir cavaler autant, à commencer par Sébastien Simon (Groupe Dubreuil), le bouillant du moment, venu ravir en début de soirée la deuxième place à Thomas Ruyant (VULNERABLE). Pas de doute, il doit prendre un Dalin plaisir, lui qui en vingt heures, a rattrapé près de 40 milles sur le leader !

Des performances qui font siffler Romain Attanasio presqu’autant que les foils de son IMOCA Fortinet-Best Western, toujours en 15e position mais plus de 900 milles derrière la tête de flotte : " On voit bien que malheureusement pour les bateaux à dérives c’est plus difficile, aujourd’hui les foilers sont intouchables en vitesse ! Et même moi, avec des petits foils, c’est impossible de tenir le rythme des premiers, ils vont tellement vite ! On a beaucoup dit il y a quatre ans « ouais, les foilers tout ça », mais il y a quatre ans, c’était un scénario totalement différent. Peut-être que ça va se reproduire dans la course, qu’à un moment ça va revenir par derrière, mais aujourd’hui ça part par devant comme ça le fait en général, et on voit bien que les vitesses sont dingo, et donc les écarts complètement fous ! C’est comme ça : c’est un Vendée Globe à foilers, pour les foilers ! "

Force est de constater qu’ils tiennent en tous cas la marée, à ce rythme déjanté. Cette nuit encore, les neuf premiers bateaux sont à plus de 22 nœuds de moyenne, et même si on commence à se répéter, il y a de quoi s’interroger. Franchement, comment font-ils, une fois rentrés à terre, pour ne pas trouver la vie tristement fade ? Bâillent-ils discrètement pendant les turbulences aériennes, espérant secrètement que le pilote n’indique pas de boucler sa ceinture ? Fréquentent-ils à leurs heures perdues les bordures d’autoroute par nostalgie auditive de leurs sensations du large ? Ou pire, s’offrent-ils en cachette après le déjeuner une entrée dans un parc d’attraction pour piquer sur le grand huit un petit roupillon ? Non vraiment, ça nous effraie : comment peuvent-ils apprécier notre compagnie, nous les tristes terriens qui avons déjà l’impression de vivre une épreuve quand notre tartine matinale retombe du mauvais côté ?

Intoxication alimentaire et « petit trou de souris »
En attendant, eux n’en ont plus de tartines. Car 18 jours en mer marquent une première limite : celle de la fin du « frais » dans l’avitaillement. Ainsi Sébastien Marsset (Foussier, 31e) montrait, dépité, son pain piqué de moisi, qui ferait baver de jalousie le plasticien Michel Blazy. Le marin nantais devrait s’associer à Thomas Ruyant, qui a certes encore quelques tranches de brioche, mais plus de confiture maison pour les agrémenter. Joueur, Romain Attanasio s’est même payé une intoxication alimentaire il y a 48 heures, mais promet « qu’il va bien mieux maintenant ». A-t-il trouvé le coupable ? « Je ne veux pas accuser à tort », nous répond-il, magnanime.

Ragaillardi, le marin originaire des Hautes Alpes s’emploie désormais à trouver le « tout petit trou de souris dans lequel il va falloir se faufiler », lui qui est déjà « dans les derniers souffles » de la dépression qui l’a propulsé dans la bonne direction : " Il n’y a vraiment pas de marge, c’est pas évident : d’un côté il y a de la molle, de l’autre côté il y a le front. Je vais essayer de passer au milieu de tout ça sans me faire piéger, et à un moment je me ferai rattraper, il faudra empanner vers le Sud et puis rattraper le vent du Sud ! "

Devant lui d'ailleurs, les trois navigatices Samantha Davies (Iniatives-Coeur, 10e), Clarisse Crémer (L'Occitane en Provence, 11e), et Justine Mettraux (Teamwork - Team SNEF, 13e), ont déjà opéré le grand plongeon. S’il prévoit d’être à la longitude du Cap de Bonne Espérance dans six jours, le skipper de Fortinet – Best Western observe en tous cas déjà « un net rafraîchissement » dans la vie du bord : « Là je passe le nez dehors, je suis en t-shirt et pour la première fois, il fait un peu frais. Je crois que ça va être la première nuit où je vais fermer le sac de couchage et mettre une petite polaire ! »

« J'ai repris du poil de la bête »
Encore 700 milles derrière, Arnaud Boissières (La Mie Câline, 20e) n’en est pas encore là, mais il s’est donné une belle suée pour prendre la tête de son groupe. Car les foils ne font pas tout, encore faut-il aller au bon endroit, reconnaît celui qui a pris l’ascendant sur les premiers bateaux à dérives : " Je suis plutôt en forme, j’ai repris du poil de la bête, je suis content du positionnement forcément ! Il y a quelques jours j’étais à vue avec Violette et Eric, je sentais pas trop l’Est sachant que l’anticyclone allait gonfler, donc j’ai tiré un peu la barre, j’étais un moment avec Benjamin et j’ai continué à tirer la barre, chercher la courbure que j’ai trouvé, et là ça se passe pas mal ! "

L'expérimenté marin ne s'échauffe toutefois pas, soulignant que « la suite est incertaine, on a deux jours de vent un peu irrégulier, avant du vent un peu plus fort avec des vitesses plus adaptées à nos bateaux. » Alors il en profite pour apprécier les conditions paradisiaques qui l'accompagnent dans cet Atlantique Sud. Est-ce qu'il y a des choses qui le surprennent encore, lui qui en est à son cinquième Vendée Globe ?

Car si bien sûr, l'addition est déjà salée par rapport aux premiers, lui est bien placé pour savoir que la partie est loin d'être achevée, et qu'il ne faut pas perdre de vue l'essentiel. Et sur sa longue route, il profite d'ailleurs de l'instant pour envoyer ses pensées à Jean Coadou, personnage emblématique du paysage de la course au large depuis plusieurs décennies, « dont j’ai appris la disparition, ce matin. C’était un président du jury extraordinaire, toujours à l’écoute, plein d’humilité, très sympa. Vraiment un mec bien comme on aime avoir dans les organisations de course, j’ai une pensée à sa famille, et je penserai bien à lui sur ce Vendée Globe. »

Retrouvez chaque jour notre analyse météo de la course avec METEO CONSULT Marine dans notre dossier spécial Vendée Globe et suivez les skippers en direct grâce à la cartographie.

L'équipe
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau
Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Gilles Chiorri
Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros
Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel
Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Jean-Christophe Guillaumin
Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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