Vendée Globe : Quand le rythme change

Par Figaronautisme.com

Dans la flotte du Vendée Globe, certains vivent une ambiance serrée, presque étouffante, comme sur une piste de danse bondée. Pour d'autres, c'est une valse en duo bien orchestrée, avec quelques maladresses pour pimenter la compétition. Mais attention : un faux pas, et le couple éclate, laissant chacun naviguer en solitaire, à la merci des caprices de l’océan et sans repères. Un scénario où chaque mouvement compte et où l’équilibre est aussi fragile que précieux.

On s’était habitué à les voir ensemble, se motivant mutuellement face aux facéties de l’océan. Depuis plusieurs semaines, Samantha Davies (Initiatives-Cœur, 14e) et Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence, 12e) naviguaient de conserve, d’abord dans l’Indien puis dans le Pacifique, ratant toutes deux le fameux front qui, mi-décembre, a fracturé la tête de flotte sans prendre le temps d’anesthésier !

Ensemble, elles avaient vécu de pénibles journées de près, s’envoyant des messages d’encouragements alors qu’elles étaient ballottées dans leur bateau comme un grain de maïs dans une machine à popcorn. Depuis quelques jours, enfin, elles avaient retrouvé vitesse et route directe vers l’Est, tout semblait aller pour le meilleur des mondes dans cette idylle pacifique, mais voilà que patatras ! Depuis hier, le divorce semble avoir été prononcé, alors que Samantha Davies grimpe vers le Nord, frôlant au passage le point Nemo, quand son ancienne comparse continue de piquer vers la zone des glaces. Pire : voilà la navigatrice britannique bien vite remplacée, alors que Benjamin Dutreux (Guyot Environnement – Water Family) lui a ravi la 13e place, et surtout se rapproche dangereusement de Clarisse Crémer !

« j’ai choisi l’option bon marin »
Une rupture que nous expliquait cette nuit Samantha Davies, bien amusée de nos inquiétudes de couple : " On était contentes d’être ensemble avec Clarisse, mais là on n’a pas les mêmes stratégies ! J’ai bien regardé, je trouve que les conditions plus Sud dans cette dépression sont assez extrêmes, avec une hauteur de vagues au-dessus de 6 mètres et du vent fort, je trouve que c’est un peu risqué de faire un tout droit, donc j’ai choisi l’option bon marin, qui est un peu plus longue, qui contourne la zone avec du vent très fort et de la mer très difficile par le Nord. C’est un choix de préservation du matériel, des voiles et du bateau, parce que mon objectif c’est d’être à 100 % pour la remontée de l’Atlantique ! "

Voilà pour le motif de casse ! Il faut dire que Sam échaudée craint l’eau glaciale du Pacifique Sud, elle qui est justement passée dans la journée près d’un point symbolique : celui de son démâtage en 1998 sur une tentative de Trophée Jules Vernes. « Un peu superstitieuse », la Britannique y fait d’ailleurs chaque fois qu’elle y repasse une offrande chocolatée à Neptune, qui serait bien ingrat de ne pas lui accorder une grâce cacaotée…

Retour à l’isolement donc pour Samantha Davies, qui se languit du soleil mais savoure tout de même ses derniers jours dans les Mers du Sud, et espère de toutes façons retrouver son ex-camarade de chambrée au Cap Horn : " C’est possible qu’on arrive dans de la molle, et ça peut être très long, du coup a priori le petit retard que j’aurai ne devrait pas être trop pénalisant. En tous cas, le passage devrait être le 1er janvier, c’est chouette ! J’espère qu’il fera jour, normalement je devrais passer proche, avec du vent fort, et ça va mollir en arrivant sous la pointe. "

S’il y en a bien une autre qui doit avoir hâte de rompre avec sa solitude, c’est bien Pip Hare (Medallia), victime d’un démâtage voilà dix jours et qui poursuit son pénible trajet vers Melbourne sous gréement de fortune. Après avoir adapté sa route à un fort coup de vent pour mieux économiser le gasoil qui lui facilitera l’arrivée au port, la navigatrice approche enfin de la côte australienne, et devrait ainsi voir le bout de sa peine.

Il n’en va pas encore de même pour Oliver Heer (Tut Gut, 31e) et Antoine Cornic (Human Immobilier, 30e) qui, à 500 milles d’écart, sont en train de vivre un moment difficile. En plein front, les voilà confrontés à de rudes conditions, qui n’épargnent ni le bonhomme, ni le bateau, et donneraient bien envie d’un peu plus de compagnie !

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« c’est quand même assez sympa d’avoir un voisin »
Car la vie de couple, même lorsqu’elle se fait un peu ronronnante de routine, a du bon ! C’est ainsi qu’à l’arrière de la flotte, sous cette immense Australie qui n’en finit pas, Fabrice Amédéo (Nexans – Wewise, 35e), qui souffre de quelques contusions musculaires suite à un choc dans le balcon avant, reconnaît qu’il est bien soulagé de faire la paire avec Manuel Cousin (Coup de Pouce, 34e) : " Je ne te cache pas que c’est rassurant ! Quand on est dans un peloton et qu’il y a 25 bateaux derrière, ça va, mais quand on est décroché un peu derrière, c’est quand même assez sympa d’avoir un voisin. Donc je fais ma route mais j’ai quand même toujours un œil sur ce qu’il fait, pas pour le marquer mais pour ne pas rester trop loin ! Être à la bagarre mais sans prendre des options radicalement différentes… "

Voilà un art du compromis qui pourrait être enseigné par bien des conseillers conjugaux ! D’autant que les deux marins, qui ont littéralement vécu ensemble un sacré coup de foudre dans un orage de l’Indien, commencent à le trouver long, cet interminable océan ! " En 2016, j’avais fait une stratégie différente, je m’étais mis le long de la ZEA, et je prenais ce que la nature me donnait, et puis j’ai déchiré ma grand-voile, j’ai eu plein de galères, ça me rappelle quelques plus jeunes qui sont allés cette année se mettre dans des conditions difficiles… là je suis plus prudent, je n’ai pas une confiance absolue dans mon bateau, je navigue plus raisonnablement, mais j’ai quand même trouvé l’Indien vraiment difficile ! Les Vendée Globe se suivent et ne se ressemblent pas ! "

Devant, toujours le yoyo

Pour Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance), il y a tout de même un désagréable petit air de déjà-vu à voir s’afficher le numéro 2 à côté de son portrait souriant. Et sa vie de couple a lui semble loin d’être reposante, ayant choisi pour binôme un Yoann Richomme (PAPREC-ARKÉA) qui semble n’avoir qu’une obsession : se barrer de la maison ! Ou vers la maison, plutôt et au plus tôt…

Mais Éole ne l’entend pas tout à fait de cette oreille, et semble vouloir prolonger leur union, permettant à nouveau un rapprochement de coques à la faveur de la nuit. A l’aube, voilà le duo reparti à toute berzingue, façon Bonnie and Clyde… « Maintenant chaque fois qu'on essaie de se ranger, de s'installer tranquille dans un meublé, dans les trois jours, voilà le tac tac tac, des mitraillettes qui reviennent à l'attaque », chantait Gainsbourg, qui avait cerné la nature offensive de ce duo sulfureux… Après leur hold-up sur le Vendée Globe, ils n’ont en effet pas prévu de tomber ensemble, et s’ils n’en finissent plus de vouloir se quitter, ce serait surtout pour mieux se doubler. Car malheureusement à l’arrivée, il risque d’y avoir un cœur brisé !

Retrouvez chaque jour notre analyse météo de la course avec METEO CONSULT Marine dans notre dossier spécial Vendée Globe.

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
Sophie est passionnée de photographie, elle ne se déplace jamais sans son appareil photo et privilégie les photos de paysages marins. Elle a publié deux ouvrages consacrés à l’Ile de Porquerolles et photographie les côtes pour enrichir les « Guides Escales » de Figaro Nautisme.
Albert Brel
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
Max Billac
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Max est tombé dedans quand il était petit ! Il a beaucoup navigué avec ses parents, aussi bien en voilier qu'en bateau moteur le long des côtes européennes mais pas que ! Avec quelques transatlantiques à son actif, il se passionne pour le monde du nautisme sous toutes ses formes. Il aime analyser le monde qui l'entoure et collabore avec Figaro Nautisme régulièrement.
Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
Michel Ulrich
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.