Chausey, la plus Normande des Anglo
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Avant tout Normande, Chausey est à un jet de galet, 9 Milles, de Granville dont elle dépend administrativement depuis 1802. Mais il n’y a pas le double de distance pour rallier la Bretagne et St Malo. Cela fait des deux cités corsaires, des bases de départ parfaites vers un archipel des plus dépaysants. En dehors de Grande Île culminant à 31m, la faible altitude des autres ilots n’offrant pas un abri suffisant par fort vent, il est également rassurant d’avoir deux grands ports bien protégés à seulement une paire d’heures de navigation même à la voile. Cela participe à sa popularité, tout comme les navettes la desservant depuis les deux ville, permettant des escapades. Pour une journée, ou plus si vous avez la chance d’avoir pu réserver dans le seul hôtel de l’île ou l’un des quelques gîtes très prisés, à vous le rythme lent de la vie ilienne. Pour plus de liberté, louer un semi-rigide à la journée est sans aucun doute le moyen le plus économique pour jouer les explorateurs au-delà de l’île principale. Quant à jouer les Robinsons avec votre propre vaisseau, en dehors des bateaux à moteur qui n’oublieront pas leurs béquilles, avec un marnage qui peut atteindre 14m, c’est le paradis des dériveurs intégraux et multicoques pouvant s’échouer à chaque marée.
La topographie si particulière de Chausey fait que le nombre de portes d’entrées dans l’archipel est incalculable. Pour une première approche cependant mieux vaut être prudent, et dans ce cas aborder le célèbre Sound par le Sud est une garantie ‘Tous risques’. Avec le phare surplombant le village, les balises et perches en nombre, c’est une voie facile sur laquelle seul le trafic ferry et plaisanciers est à surveiller de près car le chenal devient vite étroit. Slalomer entre les corps-morts est une aptitude indispensable lorsque l’on s’y aventure en haute saison et à marée basse. Les quillards s’amarrent à l’avant et à l’arrière sur les bouées visiteurs, parfois jusqu’à quatre bateaux à couple. La tranquillité n’est donc pas forcément au rendez-vous, mais au moins le village est-il à toute proximité d’annexe. Faire le tour de grande île à pied ne vous prendra pas la journée mais est une promenade des plus bucoliques. Entre sa petite chapelle du XXI° siècle, ses maisons de pêcheurs en pierre de granit semblant parfois s’enfoncer dans la terre comme pour s’abriter des rafales de vent trop fortes, l’île est restée à l’abri de toute spéculation immobilière. Protégée à la fois par l’état et ses propriétaires privés, on s’y rend et on s’y promène en invité, soucieux de ne pas déranger ce lieu privilégié.
Mais c’est au Nord du Sound, passé le goulet entre la balise de la Grande Fourche et celle du Cochon que Chausey révèle son caractère si particulier. En poursuivant vers le Nord vers la ‘Grande Entrée’ ce sont des dizaines de petites échancrures qui par beau temps accueilleront votre mouillage. Plus à l’Est le chenal dit des Roquettes est également point de départ de 1000 havres de paix. Pour peu que votre embarcation puisse s’échouer sur les immenses étendues de sable découvrant à marée basse, l’archipel de Chausey est à vous. Au sondeur, à l’œil, avec les cartes, après repérage à pied ou avec un petit drone, changez de lieu à chaque marée. Le must est de trouver une ‘piscine’ accessible uniquement à marée haute, isolée mais permettant de rester à flot une fois l’archipel découvert. Même en restant immobile le paysage, n’est jamais le même d’une marée à l’autre, d’une minute à l’autre. La lumière qui a tant séduit le peintre Marin Marie, varie au gré de la hauteur du soleil bien sûr, mais aussi des nuages, des grains, de l’humidité, des surfaces à refléter, sable ou rochers. La mer y trouve une palette de couleurs infinie, encore multipliée par les humeurs du vent, de légèrement irisée à fortement agitée.
De Porquerolles aux Glénans, le littoral français est riche d’îles et archipels magnifiques. Chausey n’est peut-être pas la plus connue mais déjà l’une des plus visitée au regard de sa modeste superficie. Alors ne tardez pas à vous y aventurer. Pour peu que vous puissiez vous échouer, que vous ayez embarqué kayak ou dériveur léger, vous pourriez y rester envouté. Pour ma part c’est qui m’est arrivé sans regret l’été dernier.
Amis plaisanciers, pensez à télécharger l'application Guides Escales du Bloc Marine ou à vous équiper du Bloc Marine Atlantique avant de partir naviguer !