Hornbjarg en Islande : l'autre Cap Horn
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Le front des falaises se dessine sur un ciel changeant. Pas question de quitter l'abri des Fjords, où se trouvent les quelques ports de la région, même en bateau rapide, sans une météo assurée : par 66° Nord, à frôler le cercle polaire, on ne badine pas avec le temps. Même en été, il peut en quelques heures s'enrager des vents furieux et tourner à la neige. Ce jour-là, venturis et bourrasques restent sages et le bateau tutoie les tombants volcaniques.
Soudain, au-dessus des mats, les roches s'aiguisent. Les à-pics tricotent des dentelles de basalte érodées par la glace et le vent. Autour des cimes crépitent des dizaines de milliers d'oiseaux. Macareux, Fulmars, Guillemots, Puffins, Sternes, Cormorans et Labbes se disputent cet abri monumental dominant une mer bouillante de vie. Les oiseaux plongent, crient, repartent, s'ébrouent tandis qu'à l'approche, petit à petit, se dessine un pic triangulaire. Culminant à plus de cinq cents mètres, il perce le bleu fugace de l'éclaircie : sa silhouette, familière, rappelle la mythique pointe sud des archipels d'Amérique Latine. Les marins ne s'y sont pas trompés. Ils ont baptisé cette extrémité septentrionale de la région la plus isolée et la moins habitée d'Islande : Hornbjarg, le « Cap Horn ».
Le secret le mieux gardé d’Islande
Difficile d'accès car dépourvue de réseau routier, la péninsule du Hornstrandir était autrefois habitée par une poignée de paysans-pêcheurs organisés en fermes, voire, en hameaux coupés du monde en hiver. Ils survivaient l'hiver grâce au poisson séché et salé, aux baies, herbes, conserves d'Angélique, concoctés aux mois cléments, et aux algues et lichens qu'ils séchaient et mêlaient à la farine pour confectionner pains et ragoûts de fortune.
Depuis le milieu du XXe siècle, villages et fermes ont été désertés pour les ports intérieurs dont la morue a fait la -relative- opulence. Plus personne n'habite à l'année dans cette partie des West Fjords désormais rendue aux oiseaux et aux renards polaires, légion par ici.
Classée Parc National, cette région s'ouvre aux randonneurs et aux amoureux de nature en été. Quelques anciennes maisons ont été organisées en refuges ; le camping sauvage est autorisé et quelques sentiers ont été balisés par des gardiens présents de juin à août. Pour l'atteindre, le seul moyen consiste à se faire déposer en bateau, depuis Bolungarvik, IsafjÖrdur ou NordurfjÖrdur et d’organiser une randonnée de plusieurs jours jusqu'aux falaises, ou bien de se rapprocher d'agences qui organisent des excursions en bateau à la journée depuis IsafjÖrdur. Grands espaces garantis pour cette virée hors du temps, aux franges de l'Europe maritime.