Stintino, un air de Caraïbes en Sardaigne
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« Journée de pêche en pleine mer et autour de l’île d’Asinara ». Les panneaux affichant l’inscription sont posés ici et là sur le quai du vieux port de Stintino devant les quelques chalutiers encore présents. Il est loin le temps où la commune comptait ses 45 familles de pêcheurs. Quarante-cinq familles placées sur cette pointe de terre à l’extrême nord-ouest de la Sardaigne en 1885, toutes originaires de l’île d’Asinara située un peu plus au nord et transformée alors par le gouvernement italien en zone pénitentiaire. Quant aux bergers qui vivaient sur les terres de Stintino depuis des siècles, dormant avec leurs bêtes dans leurs abris, plus la moindre trace.
Les temps ont changé. Le vieux port de pêche côtoie désormais un grand port de plaisance où se dressent les hauts mâts de voiliers rutilants et les ponts superposés de yachts de passage. Les pêcheurs leur passent à côté, à peine le soleil levé, pour éviter d’être mêlés à l’affluence de ces visiteurs de plus en plus nombreux durant les deux mois d’été à tirer des bords et à mouiller entre la commune et les îles qui se dressent au large.
La Pelosa, perle de Sardaigne
Très tôt aussi pour les habitants le bain de mer sur La Pelosa, située sur l’une des deux baies qui entourent Stintino.
À 7 heures du matin, ils traversent en quelques brassées cette eau rendue turquoise par une langue de sable blanc posée ici comme par miracle, si longue qu’elle rejoint la vieille tour en pierre aragonaise de La Pelosa, bâtie au XVIe siècle sur un îlot au milieu des flots pour protéger cette partie du littoral sarde. La plus belle plage de Sardaigne, sa réputation est faite. C’est pourquoi l’été, dès 9 heures du matin, les voyageurs du monde entier s’y pressent. Et là où les autochtones faisaient de larges brasses deux heures plus tôt, les touristes restent debout, collés les uns aux autres. Mais peu importe, ils ont goûté au miracle des Caraïbes sur ce bout d’Italie.
Seule une plage privée avec son drapeau et ses parasols plantés fièrement sur l’une des extrémités de la perle turquoise, et sa pelouse verte rejoignant le sable blanc, garantit un peu d’espace et d’ombre pour la sieste, avec vue sur la petite île Isola Piana, et la grande île d’Asinara, classé Parc naturel italien, où paissent tranquillement une cinquantaine d’ânes blancs, albinos plus exactement. Des descendants des ânes blancs d’Égypte, importés par le Duc de L’Asinara deux siècles auparavant, si l’on en croit la légende.
Commune gardienne des voiles latines
Après la sieste, retour au village. En déambulant dans les ruelles bordées de vieilles maisons de pêcheurs blanchies à la chaux et aux volets peints de toutes les couleurs, on finit toujours par arriver sur le petit port à « pointus ». Dans ce bassin bien protégé du vent, et entouré l’été de marchands vendant des objets divers et variés, apparaissent ces barques de pêche à voile typiques de la Méditerranée jalousement entretenues par des passionnés. Certains pointus de Saint-Tropez sont même arrivés jusqu’ici. Il faut attendre le dernier week-end d’août pour les voir tous naviguer avec d’autres vieux voiliers aux ancestrales racines latines venus des ports du sud de la Corse, situé seulement à une centaine de kilomètres. La commune de Stintino organise alors son annuelle Régate des Voiles latines. Un spectacle hors du temps qui met en lumière l’espace d’un week-end une part de l’âme de ce bout de terre.