Canicule marine précoce en Méditerranée : des eaux à 30°C !

Figaro Nautisme : Depuis plusieurs jours, les températures de la Méditerranée sont anormalement élevées. Comment cela s’explique-t-il ?
Cyrille Duchesne : "Depuis le 10 juin, une vague de chaleur intense frappe le Bassin méditerranéen. Ces températures élevées et persistantes ont entraîné un réchauffement significatif de la mer, qui a commencé à accumuler de la chaleur. Au 1er juillet on observait déjà des températures de 29-30°C sur les bouées situées entre la Corse et la Côte d’Azur, une situation inédite si tôt en saison avec des excédents de +5 à +8°C à la normale."
F.N. : Est-ce la première fois que l'on observe de telles anomalies de température ?
C.D. : "Ces températures de l’eau en 2023 et 2024 ont été observées au mois d’août ou septembre mais de telles températures au tout début de l’été ont un caractère exceptionnel. A noter que les températures sont un peu moins élevées sur le golfe du Lion, autour de 26°C en lien avec les épisodes de mistral et tramontane qui se sont produits ces derniers jours."
F.N. : Toute la Méditerranée est concernée ou y-a-t-il des zones spécifiques ?
C.D : "C’est surtout la partie ouest et centrale du grand bassin méditerranéen qui est touché par des températures de l’eau très élevées. Les températures sont plus proches de la normale sur la partie est de la Méditerranée, entre Grèce, Turquie et Crète avec des épisodes fréquents de Meltem qui tempèrent la mer Egée."
F.N. : Existe-t-il un lien entre fortes chaleurs terrestres et température de l’eau ?
C.D. : "Absolument. La chaleur de l'air réchauffe progressivement l'eau. Si les températures de l'air atteignent 35°C ou plus pendant plusieurs jours sans vent, l'eau se réchauffe davantage. En l'absence de mouvement de l'eau, ce réchauffement est encore plus prononcé, menant aux anomalies de température record observées actuellement."
F.N. : Quelles sont les conséquences pour la vie sous-marine et le climat ?
C.D. : "Les impacts sont nombreux. Les coraux, bien que peu présents en Méditerranée, souffrent de blanchiment à cause des hausses de température, affectant la biodiversité marine. Les poissons, préférant les eaux froides, se déplacent vers des zones plus profondes, rendant la pêche plus difficile. En ce qui concerne le climat, les océans, qui absorbent 20 à 30% du CO2 produit par l'activité humaine, risquent de ne plus pouvoir capturer ce gaz efficacement, conduisant à une acidification des océans. Cela pourrait entraîner un cercle vicieux de réchauffement climatique et d'événements météorologiques extrêmes, comme des orages plus intenses et des inondations."
F.N. : La Méditerranée est-elle la seule mer concernée par ce phénomène ?
C.D. : "Non, l’Atlantique et la Manche connaissent aussi des eaux surchauffées même si les anomalies de températures sont moindres qu’en Méditerranée (+2 à +5°C). Cela s’explique par la récurrences des remontées d’air très chaud sur la façade ouest du continent européen depuis plusieurs semaines."
F.N. : Cela va-t-il encore durer jusqu’à la fin de l’été ? Au-delà ?
C.D. : "Nos prévisions saisonnières envisagent un été nettement plus chaud que la normale avec des périodes de forte chaleur récurrentes. Les eaux de la Méditerranée ont donc toutes les chances de rester très chaudes tout au long de l’été si des périodes de mistral et tramontane et de libeccio en Corse ne sont pas trop fréquents."
F.N. : Qu'est-ce qui pourrait aider à réduire la température de la mer ?
C.D. : "Plus de brassage de l'eau, de vent, et des dépressions orageuses pourraient aider à refroidir la mer mais celles-ci sont rares en plein été. Il faudra sans doute attendre les orages cévenols du début de l’automne, par exemple, pourraient déverser des pluies torrentielles et ainsi diminuer la température de l'eau."
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