Japon : ces septuagénaires qui pêchent en apnée

Par AFP/Figaro Nautisme

Mieko Kitai émerge des eaux et brandit un énorme coquillage en reprenant son souffle. "Enfin, un ormeau", s'exclame cette septuagénaire qui pêche les fruits de mer en apnée, une tradition vieille d'au moins 10.000 ans.


Une fois remontée sur un bateau, Mieko retire son masque, un hublot rond qui lui avale la moitié du visage. "Tant que ma santé le permettra, je continuerai", lance-t-elle. Comme Mieko, il y a encore environ 2.100 Japonaises, souvent âgées, qui pratiquent cette pêche ancestrale, essentiellement dans la baie de Mie, dans l'ouest du pays.


Lestées de poids autour de la taille, elles se jettent par-dessus bord, vêtues de combinaisons en lycra recouvertes de tuniques bleues, et d'une coiffe blanche. Certaines disparaissent pendant près d'une minute et fouillent les fonds à partir de 3 mètres et jusqu'à 20 mètres de profondeur, puis remontent, un coquillage ou un oursin en main, qu'elles placent dans un filet accroché à une bouée.


"Aujourd'hui, la pêche a été meilleure que ce que je pensais", lance Mieko en déchargeant un butin de turbos cornus (sorte de gros bulot) et de poulpes. "Il m'arrivait autrefois d'attraper jusqu'à 40 ormeaux par jour, alors qu'aujourd'hui, quand on en ramasse quatre, c'est un bon jour", explique Sumiko Nakagawa, une autre ama au visage buriné par le soleil.


Les ormeaux, leur plus grande source de revenus, se font rares. La pollution et la surpêche ont réduit leur nombre de 90% en quarante ans au Japon. Un kilo de ces gros coquillages se négocie autour de 8.000 yens, environ 65 euros, ce qui permet encore aux amas les plus expérimentées d'en vivre, bien que la plupart des ormeaux consommés au Japon sont désormais issues de l'élevage. Pour tenter d'en renouveler la population, en 2011, de jeunes coquillages ont été relâchés en milieu naturel.


Pour limiter la surpêche, les autorités interdisent les bouteilles de plongée et il est également interdit de pêcher les ormeaux de moins de 10,6 centimètres de long, taille qu'ils atteignent à presque dix ans.


La pêche en apnée était autrefois réservée à la gent féminine, qu'on estimait plus résistante au froid. Au début du siècle dernier, elles plongeaient d'ailleurs les seins nus. "Le développement des combinaisons de plongée a ouvert la pratique aux hommes, qui sont aujourd'hui quasiment aussi nombreux que les femmes", explique le professeur Yoshitaka Ishihara, président du Conseil de la promotion des amas et directeur du musée de la mer de la ville de Toba.


Le métier n'est pas sans danger: rencontre avec des requins, risque d'être emportée par les courants, ou que la corde que certaines s'attachent à la taille reste accrochée à un rocher.


Rares sont les jeunes motivés pour reprendre le flambeau. "Au départ, je touchais des clopinettes mais en quatre ans, j'ai progressé, je gagne aujourd'hui environ 100.000 yens par mois (750 euros)", explique Satomi Yamamoto, en grillant un oursin dans un petit cabanon sur le port de Shima.  Elle fait partie d'une poignée de trentenaires à avoir embrassé ce métier sur le tard. "J'ai été élevée à Osaka et j'ai toujours vécu dans une grande ville. Je suis beaucoup plus heureuse depuis que j'ai rejoint mon mari ici il y a sept ans."


"Avant 1970, les filles de pêcheurs devenaient ama vers quinze ou seize ans en observant leur mère. Mais aujourd'hui, les nouvelles recrues doivent passer par un dur entraînement. Il faut trois ou quatre ans à un adulte avant de réussir à pêcher en apnée", explique Yoshitaka Ishihara. "Au départ, c'est parfois difficile de joindre les deux bouts", soupire-t-il. M. Ishihara fait campagne pour l'inscription des amas au patrimoine culturel immatériel de l'Unesco. "Il faut que tout le monde prenne conscience de l'importance de leur rôle" et que, tels les ormeaux, "les amas soient protégées."
 

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Nathalie Moreau
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Nathalie Moreau est l’atout voyage et évasion de l’équipe, elle est passionnée de croisières et de destinations nautiques. En charge du planning rédactionnel du site figaronautisme.com et des réseaux sociaux, Nathalie suit de très près l’actualité et rédige chaque jour des news et des articles pour nous dépayser et nous faire rêver aux quatre coins du monde. Avide de découvertes, vous la croiserez sur tous les salons nautiques et de voyages en quête de nouveaux sujets.
Gilles Chiorri
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Associant une formation d’officier C1 de la marine marchande et un MBA d’HEC, Gilles Chiorri a sillonné tous les océans lors de nombreuses courses au large ou records, dont une victoire à la Mini Transat, détenteur du Trophée Jules Verne en 2002 à bord d’Orange, et une 2ème place à La Solitaire du Figaro la même année. Il a ensuite contribué à l’organisation de nombreux évènements, comme la Coupe de l’America, les Extreme Sailing Series et des courses océaniques dont la Route du Rhum et la Solitaire du Figaro (directeur de course), la Volvo Ocean Race (team manager). Sa connaissance du monde maritime et son réseau à l’international lui donnent une bonne compréhension du milieu qui nous passionne.
Il collabore avec les équipes de METEO CONSULT et Figaro Nautisme depuis plus de 20 ans.
Sophie Savant-Ros
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Sophie Savant-Ros, architecte de formation et co-fondatrice de METEO CONSULT est entre autres, directrice de l’édition des « Bloc Marine » et du site Figaronautisme.com.
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Albert Brel, parallèlement à une carrière au CNRS, s’est toujours intéressé à l’équipement nautique. Depuis de nombreuses années, il collabore à des revues nautiques européennes dans lesquelles il écrit des articles techniques et rend compte des comparatifs effectués sur les divers équipements. De plus, il est l’auteur de nombreux ouvrages spécialisés qui vont de la cartographie électronique aux bateaux d’occasion et qui décrivent non seulement l’évolution des technologies, mais proposent aussi des solutions pour les mettre en application à bord des bateaux.
Jean-Christophe Guillaumin
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Journaliste, photographe et auteur spécialisé dans le nautisme et l’environnement, Jean-Christophe Guillaumin est passionné de voyages et de bateaux. Il a réussi à faire matcher ses passions en découvrant le monde en bateau et en le faisant découvrir à ses lecteurs. De ses nombreuses navigations il a ramené une certitude : les océans offrent un terrain de jeu fabuleux mais aussi très fragile et aujourd’hui en danger. Fort d’une carrière riche en reportages et articles techniques, il a su se distinguer par sa capacité à vulgariser des sujets complexes tout en offrant une expertise pointue. À travers ses contributions régulières à Figaro Nautisme, il éclaire les plaisanciers, amateurs ou aguerris, sur les dernières tendances, innovations technologiques, et défis liés à la navigation. Que ce soit pour analyser les performances d’un voilier, explorer l’histoire ou décortiquer les subtilités de la course au large, il aborde chaque sujet avec le souci du détail et un regard expert.
Charlotte Lacroix
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Charlotte est une véritable globe-trotteuse ! Très jeune, elle a vécu aux quatre coins du monde et a pris goût à la découverte du monde et à l'évasion. Tantôt à pied, en kayak, en paddle, à voile ou à moteur, elle aime partir à la découverte de paradis méconnus. Elle collabore avec Figaro Nautisme au fil de l'eau et de ses coups de cœur.
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Denis Chabassière
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Naviguant depuis son plus jeune âge que ce soit en croisière, en course, au large, en régate, des deux côtés de l’Atlantique, en Manche comme en Méditerranée, Denis, quittant la radiologie rochelaise en 2017, a effectué avec sa femme à bord de PretAixte leur 42 pieds une circumnavigation par Panama et Cape Town. Il ne lui déplait pas non plus de naviguer dans le temps avec une prédilection pour la marine d’Empire, celle de Trafalgar …
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Après une carrière internationale d’ingénieur, Michel Ulrich navigue maintenant en plaisance sur son TARGA 35+ le long de la côte atlantique. Par ailleurs, il ne rate pas une occasion d’embarquer sur des navires de charge, de travail ou de services maritimes. Il nous fait partager des expériences d’expédition maritime hors du commun.
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Titulaire d'un doctorat en Climatologie-Environnement, Cyrille est notre expert METEO CONSULT. Après avoir enseigné la climatologie et la géographie à l'université, il devient l'un des météorologues historiques de La Chaîne Météo en intégrant l'équipe en 2000. Spécialiste de la météo marine, il intervient également en tant qu'expert météo marine pour des courses de renommée mondiale, comme la Route du Rhum, la Solitaire du Figaro, la Transat Paprec...