
Poussée par un flux tonique et très instable, Isabelle Joschke sur son IMOCA MACSF a franchi la nuit dernière la longitude du Cap de Bonne Espérance. Un premier point de passage symbolique qui marque l’entrée dans un univers si particulier, parsemé de tempêtes et de courants, le tout sur une mer qui ne pardonne pas. Isabelle Joschke attaque désormais le Grand Sud, en 18e position, avec une horde de concurrents à ses trousses. L’heure est venue d’affronter des conditions plus rudes, faites d’humidité et de froid.
« C’est méga sport à bord. J’ai des vents qui oscillent entre 20 et 40 noeuds dans les rafales. La mer est désordonnée. Ce n’est pas très serein comme conditions pour naviguer ». Ce sont par ces quelques mots qu’Isabelle entame son descriptif de son entrée dans le Grand Sud, celui de l’Océan Indien et du courant des Aiguilles, redouté, intransigeant et puissant.
Record de distance personnel
En franchissant hier, mercredi 4 décembre 2024 à 23h48 et 14 secondes (heure française), la longitude du Cap de Bonne Espérance, Isabelle Joschke vient de cocher le premier des trois grands caps de ce Vendée Globe. Elle a parcouru la distance en 24 jours, 10 heures, 46 minutes et 14 secondes. Son temps de parcours entre l’équateur et le cap de Bonne Espérance est de 11 jours 23 heures et 16 minutes (contre 12 jours 7 heures et 3 minutes en 2020).
Juste avant ce passage symbolique, la navigatrice s’est également offert le record de distance sur son bateau avec une journée à 458 milles. Une très belle performance pour MACSF qui, rappelons-le, a été construit en 2007.
MACSF en mode Grand Sud
« Depuis quelques jours, je me suis préparée à mon entrée dans le Grand Sud. J’ai hissé les voiles des mers du sud, rangé le grand gennaker et reculé les poids dans le bateau. Le tourmentin est sur le pont au cas où ».
Ces manoeuvres, indispensables avant de naviguer dans le Sud, demandent énormément d’énergie à Isabelle. Si la descente de l’Atlantique sud s’est déroulée sereinement sur un très long bord, bâbord amure, avec la possibilité d’emmagasiner du sommeil et de l’énergie, ces quelques manoeuvres ont vite déplacé le curseur de l’énergie d’Isabelle. « Le bateau est très sollicitant. L’enchaînement des manoeuvres, des empannages et du matossage demande une énergie folle. Je suis bien fatiguée depuis ces deux derniers jours. En revanche, moralement, je suis très bien, comme le bateau ».
Heureuse des aménagements réalisés cet hiver
Qui dit grand sud, 40e rugissants et Océan Indien, dit forcément dépression, houle, déferlantes et froid. Des conditions dans lesquelles Isabelle devrait évoluer au minimum un mois. En 2020, cette période avait été difficilement vécue pour la skipper de MACSF. L’humidité et le froid avait sérieusement entamé sa force. Pour cette édition, un grand travail a été effectué sur le bateau afin de pallier ces problèmes. « Je suis stupéfaite des quantités de mer qui arrivent par l’arrière du bateau. Heureusement que nous avons travaillé sur des systèmes qui permettent de bloquer l’eau, car sinon ça serait un enfer. Je ne sais pas comment j’ai pu supporter ça en 2020. Si le froid n’est pas encore piquant, j’ai quand même ajouté des couches et je dors avec un bonnet, c’est le signe du retour du frais. Mais c’est encore bien gérable. Je suis passé très vite de la chaleur à la fraîcheur, c’est étrange comme sensation », confie Isabelle.
Pour son confort, elle s’impose une règle : pas d’eau à bord de sa cellule de vie. « Dès que je rentre dans le bateau, avec mon ciré trempé, je passe l’éponge, j’assèche tout pour vivre dans un bateau bien sec. Il faut que j’arrive à garder cet espace le plus sec possible pour mon confort. »
Cheffe de file des poursuivants
Isabelle le savait, ses poursuivants allaient revenir sur elle. Les conditions ont en effet été propices à un regroupement de cette flotte, mais même si elle avouait être bien un peu seule, le retour de ses concurrents apporte une autre vision des choses : « J’ai adoré naviguer seule pendant toute la descente de l’Atlantique sud, j’étais bien, mais je dois dire que d’être un peu plus groupés c’est assez sympa. C’est même ludique de naviguer tout proche ».
Face au vide
En ce 25e jour de course, Isabelle évolue en 18e position et vient donc de faire son entrée dans l’océan Indien. Si le Cap de Bonne Espérance est le premier point de passage obligatoire du Vendée Globe, l’entrée dans l’Indien se fait, quant à elle, au Cap des Aiguilles, qui se situe 75 milles plus à l’est. La largeur entre le Cap des Aiguilles et la Tasmanie, qui marque la fin de l’Océan Indien, est de 9700 km. Une étendue vide où seules quelques îles viennent perturber la longue procession des dépressions et des marins.
Le mot du team manager : composer avec ses voiles
Team manager de MACSF, Alain Gautier connaît bien ce Vendée Globe. Marin d’exception et vainqueur du Vendée Globe en 1992, Alain est conscient que cette nouvelle partie de la course va devenir de plus en plus exigeante. « Isabelle entre dans un univers des plus difficile. Il va falloir qu’elle accepte la dureté des éléments, le fait d’être mouillée et de subir le froid. Elle en a au minimum pour 30 jours. Isabelle a commencé son temps d’adaptation et les dépressions vont s’enchaîner. Malheureusement, elle a perdu, au début du Vendée Globe, son petit gennaker, une voile indispensable pour le Sud. Elle va devoir composer avec ses autres voiles, mais il est certain qu’elle n’aura pas la possibilité de naviguer comme elle le souhaite. C’est un réel handicap. Pour le moment, Isabelle doit se concentrer sur son positionnement vis-à-vis du courant des Aiguilles et de la suite de sa course. La route vers les Kerguelen ne semble pas pire que ça » confie Alain Gautier.
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