
Les indices qui sèment le trouble1954 – Étrange collision dans les eaux de TimorLe Rachel Cohen, un navire marchand, navigue au large de l’Indonésie lorsqu’un choc d’une rare violence secoue la coque. Sur le moment, les marins accusent la mer agitée. Mais très vite, ils tombent sur une série de dents coincées dans la structure, longues de 8 à 12 cm, ainsi qu’une empreinte de morsure mesurant près de 2 mètres de diamètre. L’affaire intrigue : des ichtyologues évaluent la taille de l’animal responsable à environ 24 mètres. Difficile de ne pas penser au Mégalodon. Pourtant, les spécialistes restent prudents. Les estimations de l’époque reposaient sur des connaissances limitées. Et si cette attaque provenait simplement d’un requin blanc anormalement grand ? Impossible de trancher.Années 60 – Une dent “trop fraîche” en Nouvelle-CalédonieAutre découverte troublante : une dent retrouvée par Bernard Seurat au large de la côte Victoria, en Nouvelle-Calédonie. Ce n’est pas tant sa taille qui interpelle, mais son état : peu fossilisée, étonnamment bien conservée. Seurat la transmet à un chercheur du CNRS, Philippe Janvier, qui confirme la singularité de l’échantillon. S’agit-il d’un indice récent ? Là encore, pas de preuve formelle. Au mieux, cela pourrait indiquer que l’animal aurait survécu plus longtemps que ce que l’on pensait. Mais de là à affirmer qu’il nage toujours aujourd’hui, il y a un pas que la science refuse de franchir.2013 – Disparition d’un grand blanc en AustralieEn 2013, l’équipe du cinéaste Dave Riggs étudie les habitudes de plusieurs grands requins blancs. L’un d’eux est équipé d’une balise électronique. Peu après Noël, l’appareil enregistre une plongée brutale à 600 mètres de profondeur, suivie d’un changement soudain de température : de 7°C, elle grimpe à 26°C en quelques secondes. Les données indiquent que la balise est passée dans le système digestif d’un animal... Un super-prédateur a donc englouti ce requin, qui mesurait 3 mètres. Selon les chercheurs, il aurait fallu un prédateur de plus de 2,5 tonnes. Là encore, ce n’est pas suffisant pour parler de Mégalodon, mais l’épisode reste mystérieux.
Ce que dit (vraiment) la scienceLe Mégalodon, ou Otodus megalodon, est considéré par la communauté scientifique comme éteint depuis des millions d’années. Il évoluait dans les eaux peu profondes, proches des côtes, et privilégiait les zones chaudes. Un mode de vie qui rendrait difficile sa survie dans les grandes profondeurs, où la lumière disparaît et où les ressources sont rares.Certains passionnés soutiennent que le géant aurait pu s’adapter aux abysses pour échapper à l’extinction, mais plusieurs éléments contredisent cette hypothèse. D’abord, aucun indice sérieux ne prouve qu’un animal aussi imposant ait pu subsister sans laisser de traces : pas de morsures sur les cétacés, pas de restes, pas d’observations fiables.Ensuite, l’écosystème des grands fonds ne permettrait pas de nourrir un tel colosse. Là où nagent surtout des créatures de petite taille ou bioluminescentes, un Mégalodon affamé aurait du mal à trouver de quoi sustenter ses 60 tonnes. Même en admettant qu’il ait pu réduire sa taille ou adapter son régime, il n’existe aucun modèle connu de requin géant abyssal dans la faune actuelle.

L’océan, ce territoire encore inconnuCeci dit, difficile de tirer un trait définitif sur le mystère. Les scientifiques s’accordent à dire que plus de 80 % des océans restent inexplorés. Certaines espèces marines sont redécouvertes chaque année, d’autres sont identifiées grâce à l’ADN sans même avoir été observées vivantes. Cette immense part d’inconnu alimente tous les fantasmes — y compris celui d’un Mégalodon caché dans les recoins les plus reculés des océans.Et même si les indices sont flous, les témoignages isolés, les données parfois douteuses… l’idée fascine toujours. Un prédateur de cette envergure, capable de surgir des abysses comme une relique vivante de l’ère préhistorique, ça continue de nourrir autant la peur que l’imaginaire.
Rien ne prouve aujourd’hui que le Mégalodon soit encore vivant. Les rares indices recensés depuis un siècle sont intrigants, mais insuffisants pour remettre en question la thèse scientifique de son extinction. Pourtant, tant que l’océan gardera ses mystères, il y aura toujours un doute, une part d’espoir… ou de frisson. Mythe, rêve ou monstre oublié, le Mégalodon reste un symbole fascinant de ce que l’on ignore encore sur le monde marin