
Une matière grasse pas si classique
À première vue, rien ne le distingue d’un beurre classique. Mais une fois le couteau planté, le parfum se dévoile : une note végétale, légèrement fumée, presque marine. En bouche, le sel vient en second, suivi d’une longue persistance iodée. C’est le beurre d’algues, et il ne laisse pas indifférent.
Né en Bretagne dans les années 2000, ce beurre pas comme les autres associe un beurre doux ou demi-sel de qualité - souvent baratté à l’ancienne - à un mélange d’algues locales séchées : laitue de mer, dulse, nori... Hachées finement puis incorporées à froid dans le beurre, elles apportent un relief inédit à une matière première que l’on croyait connaître par coeur.
Un produit de chef devenu gourmet
S’il a d’abord circulé dans les cuisines de quelques grands restaurants - notamment à Saint-Malo, chez Jean-Yves Bordier, pionnier du genre - le beurre d’algues a depuis trouvé sa place dans les épiceries fines, les fromageries artisanales, et même dans certains rayons de grandes surfaces.
Il accompagne désormais aussi bien un pavé de poisson qu’un légume rôti, rehausse un oeuf cocotte ou fait merveille dans un risotto. Les chefs l’utilisent en finition, pour napper un plat chaud d’un filet parfumé, ou comme base de sauce, où il remplace le beurre traditionnel pour y apporter complexité et originalité.
Une saveur iodée maîtrisée
Contrairement à ce que son nom pourrait laisser penser, le beurre d’algues n’a rien d’envahissant. Tout est affaire de dosage. La présence marine est bien là, mais elle n’écrase pas le reste. C’est ce qui fait sa force : une capacité à transformer un plat en profondeur, sans jamais l’alourdir.
Dans une purée de pommes de terre, il évoque la marée. Dans un plat de pâtes aux coques, il remplace une sauce entière à lui seul. Et dans un simple sandwich, il donne au pain une énergie nouvelle. Il s’agit d’un condiment plus que d’un ingrédient - une ponctuation, presque, qui change la lecture d’un plat.
S’il conserve toutes les qualités gustatives d’un bon beurre, le beurre d’algues va bien au-delà. Grâce aux algues qu’il contient, il se révèle être un véritable allié nutritionnel. Riche en iode, il contribue au bon fonctionnement de la thyroïde, tout en apportant des minéraux essentiels comme le fer, le calcium, le magnésium et le zinc. Les algues, connues pour leur richesse en fibres solubles et en antioxydants, soutiennent également la digestion et renforcent les défenses naturelles. Autre avantage : leur goût naturellement salé permet de limiter l’ajout de sel dans les plats, sans compromettre la saveur. Le beurre d’algues s’impose ainsi comme une alternative gourmande mais équilibrée, idéale pour celles et ceux qui veulent conjuguer plaisir et modération.
Une filière en quête de reconnaissance
Derrière ce beurre pas comme les autres se cache une filière encore jeune, mais prometteuse. Les algues utilisées sont majoritairement cultivées ou récoltées à la main sur les littoraux bretons, dans le respect de la biodiversité. Leur culture, peu énergivore, ne nécessite ni intrant chimique ni eau douce. En cela, elles sont exemplaires d’un modèle agroalimentaire plus durable.
Riches en iode, en fibres, en minéraux et en antioxydants, les algues alimentaires sont aussi de précieuses alliées nutritionnelles. Leur intégration dans le beurre permet une diffusion douce et gourmande de leurs bienfaits. Le tout, sans bouleverser les repères gustatifs.

Un produit encore artisanal... mais de plus en plus accessible
Le beurre d’algues reste un produit artisanal, mais sa diffusion s’étend peu à peu. Son prix varie en moyenne entre 3,50 € et 6 € pour une motte de 125 grammes, selon la qualité du beurre et l’origine des algues utilisées. On le trouve facilement dans les épiceries fines, dans les rayons crémerie des poissonneries, chez des artisans beurriers comme Bordier, Malouin ou From Breizh, et de plus en plus en ligne, via des plateformes spécialisées dans les produits bretons. Un luxe accessible, souvent produit localement, et qui se conserve plusieurs semaines au réfrigérateur.
Recette : tagliatelles au beurre d’algues, poireaux fondants et zestes de citron
Une recette simple, végétale et parfumée, où le beurre d’algues remplace à lui seul la sauce.
Ingrédients pour 4 personnes :
o 300 g de tagliatelles fraîches
o 2 poireaux moyens
o 60 g de beurre d’algues
o 1 citron non traité
o Sel, poivre du moulin
Préparation :
Émincer finement les poireaux et les faire revenir à feu doux dans une poêle avec une noix de beurre d’algues, jusqu’à ce qu’ils soient fondants (environ 15 minutes). Pendant ce temps, cuire les tagliatelles al dente dans une grande quantité d’eau bouillante salée.
Égoutter les pâtes, les ajouter aux poireaux, puis incorporer le reste du beurre d’algues hors du feu. Bien mélanger. Servir aussitôt avec un tour de moulin à poivre et quelques zestes de citron.
Un plat de tous les jours, rapide, mais qui ne manque ni d’élégance, ni de caractère.
Le beurre d’algues n’est sans doute qu’un début. Il s’inscrit dans une tendance plus large : celle du retour des algues dans nos cuisines. Jadis marginales, elles deviennent aujourd’hui des ingrédients à part entière, capables d’enrichir aussi bien les sauces que les bouillons, les vinaigrettes que les pestos. Leur utilisation reste encore confidentielle, mais les chefs comme les artisans redoublent d’inventivité.
Entre la terre et la mer, le beurre d’algues trace une nouvelle voie. Celle d’une cuisine de proximité, ancrée dans ses terroirs, mais tournée vers l’avenir. Et surtout, une cuisine du goût, franche, expressive, sans artifice.